Les Fables de La Fontaine

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Lire ou plutôt relire les Fables de Jean de La Fontaine (1621-1695) après les avoir étudiées sur les bancs des classes encore chauffées au bois, de nos années de lycée, collège voire même de l’école primaire pour un certain nombre d’entre nous, est à la fois une délectation profonde indescriptible mêlée à un sentiment de nostalgie profonde et de bien-être moral. Mais sitôt l’euphorie de la première (re) lecture évanouie, nos sentiments premiers s’effacent, le “vide” éphémère qui aura duré le temps de la fermeture du livre, laisse place à un lot de questionnement sur l’œuvre, maintenant que notre esprit adulte s’est débarrassé des impressions d’écoliers que nous étions, nous devons revoir les Fables avec un regard neuf et actualisé, c’est-à-dire avec un regard d’homme de son temps, un contemporain riche de son expérience de la vie et de son école… Tagi d leqraya, dounit d lakul disait Matoub Lounès dans son album testament de 1998, quelques semaines avant son lâche assassinat.De quelle expérience de la vie s’agit-il ? Il s’agit de l’expérience de l’homme qui a vu de toutes les couleurs, avalé de toutes les couleuvres, goûté aux vertes et aux pas mûres d’un fruit d’une société de plus en plus égoïste, injuste, amère et hypocrite, qui serait peut-être la résultante fatale et désespérée !! Des bouleversements d’ordre à la fois économique, social, culturel et peut-être même religieux, imposé par le “grand” au détriment du “petit”, du riche au détriment du pauvre, du développé au détriment du sous-développé, du cultivé au détriment de l’analphabète…Parler des Fables de La Fontaine comme étant une œuvre universelle n’est pas un vain mot puisque celle-ci puise sa source du patrimoine mondial oral (et ou) écrit, qui “ne faisait que traduire l’expérience séculaire des petites gens de Grèce ou d’ailleurs”. Méditez bien cet extrait d’une préface d’Antoine Adam du livre des Fables et retenez bien le mot ailleurs. De manière scriptuaire et phonétiquement parlant il est d’une banalité désolante. Ce même mot tombe dans l’oreille poétique fait beaucoup rêvasser et cela en permettant de déambuler à travers monts et vallées de notre vaste et balisée planète… et sans visa SVP ailleurs… n’importe où… au delà des frontières… Ailleurs vu d’ailleurs ! C’est donc ici ! Chez moi ! Praf ! Me voilà tombé du ciel, non pas que mes ailes de cire ont fondu, car (faudra-t-il mettre le point sur le I), les nuages sont froids là-haut, mais beaucoup plus pour un besoin terre à terre. De longues années de butinage commencent. Dans les pots jadis fleuris de ce qui reste de nos bibliothèques flétrissantes et le secours des bouquinistes à même le sol de Tizi, je me suis fait place dans la machine à remonter le temps et de découvrir avec félicité que bon nombre d’inflorescences que constituent le bouquet parfumé de ces fables mensongères qui disent la vérité est bel et bien parti de chez nous. Racontées depuis la nuit des temps par nos ancêtres autour du kanoun rassembleur, elles font oublier l’espace de longues et glaciales nuits d’hiver, les vicissitudes de la vie. Aux contes de nos grands-mères s’ajoutent ceux fournis par Planude, le moine byzantin, Cephalas, le poète indien Pilpay, Phèdre, Babrius, Abstemius, Syntipax, Lockman et le torrent impétueux et boueux d’inspiration du célèbre enfant de Château Thierry : Esope.Ma soif d’érudiction va plus loin pour découvrir dans les sources intarissables et profondes de la littérature antique, le clapotis ô combien rafraîchissant d’un récit en prose et de vers publiés en 1669 et tiré d’une tradition séculaire, “métamorphoses” appelé encore “L’âne d’or” de l’écrivain berbère d’Expression grecque Apolée. Dans “épilogue”, La Fontaine clôt le volume et annonce un retour à la production romanesque et lyrique par une allusion à “Psychée”, roman en prose et en vers mêlés publiés sous le titre “Les amours de psyché et de Cupidon”. Le recueil comporte plus de 120 fables publiées en 6 vers. On dit que “Aaqa yessawalen” repris plus tard par Taos Amrouche sous le titre “Le grain magique” serait le rudiment de ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale. Quatre années auparavant, plus exactement le 30 juin 1665, L, Gyry publiait le tome 1 de la traduction de “La cité de Dieu” de Saint Augustin, cet évêque et écrivain berbère d’expression latine. La traduction en vers français des citations poétiques dans ce livre, est l’œuvre de… Jean de La Fontaine qui a publié par ailleurs une adaptation en vers de l’Eunuque de l’autre écrivain berbère d’expression latine : Terence.La traduction-adaptation en berbère un certain 11 août 1999 (La journée de l’éclipse) était un véritable retour aux confluents de culture méditerranéenne et universelle dont nous faisons toujours partie.“Je plie et ne romps pas”, écrit le fabuliste dans le “Chêne et le roseau”. Ai-je besoin de traduire ce vers heptasyyllabique. Oui. Annarez wala aneknu du barde Si Mohand U M’hand dont l’admission au patrimoine mondial de l’UNESCO est imminente.

M. OuanècheTidet s tkerkasFables de La Fontaine Amazigh, publié à compte d’auteur en 1999, 75 pages

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