Oukil Amar sur le quai d’une gare…

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Par Abdennour Abdesselam:

Né en 1932 à Bounouh dans la région de Boghni qu’il partage avec Farid Ali et Mohand Saïd Oubelâïd, Oukil Amar est, sur le plan de la chanson kabyle, le produit de l’émigration où il travailla comme ouvrier ajusteur/tourneur dans une usine d’aviation à Billancourt. Il fut remarqué par Farid Ali, un autre grand artiste de Bounouh, qui animait une émission à l’ORTF en compagnie de l’indispensable et grand chef d’orchestre Amraoui Missoum. En 1959 il enregistre sur un 45 tours chez Barclay sa célèbre chanson « Cmindifir Bou Wurfan ». C’est alors que le colonel Franco, un officier de l’armée française, affecté à l’ORTF pour les besoins de contrôle, soupçonne le texte de la chanson comme faisant l’apologie de la révolution algérienne. En effet Oukil Amar détourna le terme Indépendance par «Abrid n Tala». L’analogie à l’eau est très significative de liberté dans la culture kabyle et le vers d’indiquer: le chemin de l’indépendance. Le drapeau algérien est en effet formellement identifiable dans l’autre vers de la chanson «Dayra tennedh i waggur» indiquant le croissant lunaire qui entoure soigneusement l’étoile centrale de l’emblème de la révolution. L’artiste masquera pourtant sa chanson sous une feinte dansante tirée sur le genre «taheddawit» du verbe amazigh « hedwi ». Dès lors, Oukil Amar sera interdit d’antenne. Une autre chanson en face deux du même disque est encore on ne peut plus claire. Evidemment «Teffegh Ccetwa d Anebdu» traite de cette même indépendance à recouvrer après que passera inévitablement le dur et terrible hiver (entendre la terrible guerre), annoncée par formule analogique interposée. Cette chanson sera précédée d’une Tullya (Stikhbar), véritable appel d’espoir de la mère-patrie. C’est Abderrahman Isker, chargé de la production chez le producteur de disques Barclay, selon Oukil Amar lui-même, qui lui suggéra d’introduire dans la chanson «Cmindifir Bou Wurfan» l’ambiance du magique sifflement d’un train de passage sur le quai d’une gare, comme pour marquer encore plus la mission du messager de guerre portant la bonne nouvelle. Quelque temps après, Oukil Amar remplace Abderrahman Isker au même poste chez Barclay. Après l’indépendance, Amar Oukil militera au sein de l’académie berbère. La maison de la culture de Tizi-Ouzou vient de lui rendre un hommage à la hauteur de la valeur méritée en même temps que Amar Sghir, Meziane Mohand Ameziane et Belkhir Mohand Akli.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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