Des plaies qui ne se ferment pas

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Samira Belaidi, ingénieure d’état en télécommunication, rend hommage, dans ce premier essai L’impossible oubli, à toutes ces femmes meurtries et marquées par les événements douloureux de la décennie noire.

Pour l’auteure, la femme est peut être la mieux placée pour décrire les malheurs, les douleurs, le courage de toutes ces femmes enlevées et c’est pourquoi elle livre aux lecteurs l’un des cas vécu par ces proies des hordes terroristes et intégristes. «C’est l’histoire de deux destins qui s’affrontent, deux âmes qui se réconcilient au fil des révélations et des réminiscences», a-t-elle écrit.

Qui sont ces deux destins ? Au fil des pages, le lecteur ira à décoder le message de Samira Belaidi. «De nos jours, peu de femmes ont le courage de revenir sur cette sinistre période de notre Algérie. Si j’ai choisi d’écrire sur cela, c’est pour que personne n’oublie les humiliations, les exactions et toutes les formes de dépassement sur l’être humain, notamment la femme qui a subi tant de souffrances et de supplices», dira-t-elle.

«J’ai écrit ce roman pour les femmes, sur ce qu’ont vécu leurs sœurs dans les maquis et surtout sur tous ces enfants illégitimes nés hors mariage dans les casemates. Il faudra qu’on sache aujourd’hui les désinculper de cette tare, car ni les mères ni ces enfants ne sont responsables», a expliqué encore l’auteure. Celle-ci a, dans son roman, placé deux narratrices : la mère et sa fille Amina.

Dans ce roman de 110 pages, le lecteur vivra l’horreur, la négation de soi et bien sûr toutes ces réminiscences au fil des années. «L’impossible oubli» est le récit de deux êtres chers ayant vécu dans deux temps différents l’avant et l’après de cette décennie marquée au fer rouge. C’est une histoire passionnante et blessante.

À travers ces pages remplies de mots pleins de sens, les lecteurs et surtout les lectrices, parce que ces événements sont vécus par des femmes, retrouveront justement ces deux destins qui se réconcilient au fil des années pour construire un autre avenir plus épanouissant sans aucun retour en arrière mais sans déchirer cette page douloureuse de la société durant cette décennie rouge et noire en même temps par le sang et l’obscurantisme.

En tout cas, cette auteure a su comment construire la trame de cette histoire relatant le récit de cette femme enlevée avec une sœur ayant succombé aux tortures, aussi bien morales que physiques qui lui ont été infligées par leurs ravisseurs. «J’avais fini par me convaincre que la meilleure façon de percer un secret c’était de le laisser venir à moi, doucement sans le forcer car tout secret est enrobé de honte ou de péril», se dit l’une des narratrices, en l’occurrence la fille.

Et dès l’entame de cet opus-témoignage, la jeune Amina ressent déjà qu’on lui cachait une vérité car elle a voulu connaître son père biologique car celui qu’elle appelle mon «père», n’avait pas le profil du sien. Le portrait qu’elle dressait de ce «père» est édifiant. «… Même lorsqu’il est hors de lui, empreint de toutes ses bestialités, il me brutalisait en beuglant d’injures, hélant sur ma tête les pires désastres, je ne me sentais pas aussi affligée», lit-on encore.

Et de poursuivre : «La première fois que j’ai su que mon père n’était pas mon vrai géniteur, j’avais à peine douze ans. Je l’avais deviné bien avant, de par sa manière de se soucier peu de moi, de peu d’égard qu’il me témoignait; il ruminait à ne pas me voir papillonner dans la maison, une rage qui assombrissait sa figure, fripée par les ides…».

Dans cet ouvrage, le lecteur aura aussi à revoir les déchirements au sein des familles lors de cette décennie de barbarie. En tout cas, Samira Belaidi a traité une situation parmi d’autres qui ont défrayé la chronique durant ces années de braise, notamment celles des femmes enlevées et le sort des enfants «illégitimes» des maquis même après la concorde civile et la réconciliation nationale. Donc, «L’impossible oubli», édité par les éditions Dalimen, est un ouvrage à découvrir sur les étals et à lire profondément.

Amar Ouramdane

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