«Le principe de la laïcité, c’est de vivre ensemble»

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L’auteur Mokrane Neddaf, né en 1963 à Ouadhias, a écrit son premier monologue en 1990, à l’âge de 27 ans. Il devint par la suite membre de l’association de théâtre du Djurdjura et participe chaque année aux festivals régionaux. Il continua à écrire des pièces théâtrales, des monologues et des scénarios. En 1994, il rejoint l’équipe d’animateurs de théâtre à la maison des jeunes des Ouadhias. En 2002, il a donné quelques spectacles en France. De 2003 à 2005, il était animateur de théâtre à l’association de Taferka Montreuil.

La Dépêche de Kabylie : La laïcité, ce n’est pas de l’athéisme, c’est comme si vous vouliez lever cet équivoque tellement ancré dans notre société. N’est-ce pas une mission impossible ?

Mokrane Neddaf : Non ce n’est pas du tout une mission impossible, et la laïcité ce n’est pas de l’athéisme. Mais je peux dire que le vrai problème c’est dans les mentalités. Si la société se respecte et accepte de vivre avec les différences des uns et des autres, chacun est libre devant Dieu et devant la loi. Le principe de la laïcité, c’est de vivre ensemble et chacun a ses opinions religieuses.

Justement, il est temps que les gens comprennent que la religion est une question personnelle, rien ni personne ne doit interdire à qui que ce soit de respecter son culte en respectant celui des autres. Juste à titre d’exemple, chaque année, c’est le même scénario qui se répète pendant le mois de Ramadhan, les gens ont le droit de ne pas observer le jeûne, chacun est responsable devant son créateur.

Beaucoup de personnes ne sont pas musulmanes en Algérie où carrément athées, mais n’ont même pas le droit à la parole et parmi ces personnes, il y a des intellos, des artistes… Et aussi il y a des gens qui refusent votre différence sans même qu’il la connaisse et vont jusqu’à vouloir vous imposer leurs visions avec de la violence visuelle.

Pourquoi tant de critiques envers la société, surtout les hommes ?

Justement, ceux qui me critiquent parce qu’ils n’ont pas compris mon opinion, pour eux, dès que vous parlez de la laïcité, vous êtes contre l’islam et les musulmans ! Or que moi je ne suis pas contre l’islam et non plus contre les musulmans. Je parle de vivre ensemble, dans le respect des uns envers les autres, sur la base de la liberté de conscience qui reconnaît à chacun le droit de croire ou non, et aussi l’égalité de droit qui veut dire il n’y a pas de raison de donner plus qu’aux autres. Depuis la nuit des temps, dans chaque village, il y a une mosquée en bonne et due forme, mais les «nouveaux» musulmans sont contre tous ceux qui ne sont pas dans leurs préceptes et on les voit comment ils interviennent à la moindre occasion pour nous imposer un nouveau mode de vie, importer d’une autre culture. N’est-il pas temps que les Algériens réalisent que cette terre d’Afrique du Nord a été le berceau du christianisme pendant presque dix siècles.

Vous préconisez l’enseignement obligatoire de la laïcité, de la morale et du fait religieux. N’est-ce pas un peu ambigu ?

C’est simple, c’est dès le primaire que doit commencer l’enseignement de la morale et la laïcité, et sans favoriser tel religion et salir une autre. L’enseignant fera un résume de l’histoire des religions, comment ce sont construites et avec des manuels adaptés, tels que les religions, histoire, géographie, arts, lettres, philosophie et sciences naturelles. Aujourd’hui, l’école forme des machines qui tuent (des futures djihadistes).

Or que normalement, l’école fera l’investissement dans la recherche ce n’est pas avec des programmes à 99% en arabe que le cerveau de l’enfant sera développé ! C’est le moment de changer tous ces programmes. Il serait plus efficace de partir de l’enseignement des lois de l’univers aussi. Si l’on enseigne ce que la loi autorise et ce qu’elle interdit, tout est dit et clairement dit, c’est encore mieux. L’histoire de notre pays a subi un double déni : piétiné par la France coloniale pendant 130 ans et après par les propres enfants de l’Algérie depuis 1962. Au départ, ils ont déjà formaté l’école algérienne et la société avec, comme arabe et musulmans d’office. Vous allez être surpris par les découvertes du passé des Berbères en Afrique du Nord, enfoui dans les bibliothèques chrétiennes à cause du donatisme de l’église de Carthage. Il est temps que l’on réhabilite notre histoire vieille de plus de deux mille cinq cents ans. L’école autoritaire va imposer sa volonté à tous les élèves sans exception et sa mission est de transmettre le savoir et des connaissances, mais là l’école est morte, avec les programmes nuls, laxisme, démagogie, disparition de la culture, perte d’autorité, les absences excusées, inefficacité…

Parlez-nous de ce qui vous a encouragé ou plutôt amené à écrire ce livre sur ce thème précisément ?

À la base, je suis comédien et l’écriture a été toujours mon compagnon de route. Avant j’écrivais de petites pièces théâtrales et depuis mon jeune âge, et toute le temps j’étais à l’écoute de tout ce qui ce passe en Algérie. J’ai réalisé un spectacle (One man show) et un jour (durant les années 1990 à la monté de l’islamisme en Algérie), j’ai eu l’inspiration d’écrire une pièce de théâtre, le thème c’est pour dire «chacun a le droit à la liberté» et je l’ai intitulée «Algérie libre». Cinq ans après et vu le nombre de pages que j’avais écrit, je me suis dit que ça ne peut pas être une pièce de théâtre, malgré que je l’ai résumé au maximum, car je saute d’un sujet à un autre, alors je l’ai repris depuis quatre ans à peu près et je l’ai publié le mois de juin dernier.

Pensez-vous que la société algérienne, en général, et kabyle, en particulier, est prête pour la laïcité ?

Si on veut, on peut ! Le jour où l’individu se posera des questions sur ses croyances et à se rendre compte qu’il va rendre les comptes seul à son créateur, ce jour-là les mentalités vont évoluer et seront même changées. Malheureusement, les gens sont endoctrinés et ils n’ont pas d’esprit critique ou si vous préférez l’esprit d’analyse, car lorsqu’on parle de la laïcité, c’est automatiquement vous taxer de mécréant et dans la tête de certaines personnes vous rejetez Dieu et la religion. Le vrai croyant respecte profondément les croyances et les opinions des gens. En ce qui concerne la Kabylie, il n’y a aucun problème de religion. D’ailleurs, dans une même famille, on trouve de toute tendance religieuse et ils vivent parfaitement bien et ensemble. 

D’autres projets dans le domaine de l’écriture ?

Oui des projets d’écriture sont encore en préparation et j’espère que je vais les réaliser d’ici la fin de l’année.

Akli N.

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