Les grands réalisateurs algériens ressuscités

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Dans le cadre des festivités de Yennayer, le film documentaire ça tourne à Alger a été projeté samedi dernier à la cinémathèque de Tizi-Ouzou.

Le documentaire de 52 mn, réalisé par Salim Aggar, se veut un hommage à des réalisateurs courageux ayant défié le terrorisme dans les années 90 où les conditions de tournage étaient des plus périlleuses. Le public y découvre les making-of des films  »Machaho »,  »La montagne de Baya »… On retrouve également dans le documentaire une série de témoignages des réalisateurs qui décrivent les conditions dans lesquelles ils ont tourné leurs films dans les années 90, notamment Malik Lakhdar Hamina, qui parle de son film «Automne, octobre à Alger».

Lors de la marche du FIS, il n’arrivait pas à trouver un cameraman pour filmer, il a du faire appel à son père, le grand réalisateur Mohamed Lakhdar Hamina, qui a fait le déplacement de France pour lui prêter main forte. «Comme il était dangereux de tourner à l’époque à Alger, j’au dû me rabattre sur Tizi-Ouzou et négocier avec les étudiants, afin de réaliser la marche du 5 octobre 88», témoigne-t-il.

Pour sa part, Belkacem Hedjadj décrit le contexte difficile du tournage du film  »Machaho » à Yakouren, où il fut confronté avec son équipe à des terroristes dans un faux barrage. Quant à la réalisatrice Yamina Bachir Chouikh, elle parle dans ce documentaire des conditions dans lesquelles elle travaillait lors du tournage du film «Rachida». Elle explique avoir eu du mal à trouver des acteurs et le nom de l’héroïne a été caché vu les conditions sécuritaires de l’époque. A la fin du documentaire, Salim Aggar rend hommage aux victimes de la décennie noire, dont le réalisateur Djamel Fezzaz, le comédien Anik Aziz et le jeune cinéaste Ali Tenkhi.

Participation dans 35 festivals

Lors des débats qui ont suivi la projection du documentaire, Salim Aggar dira : «Ce documentaire est sorti il y a 10 ans et plusieurs personnes ont disparu depuis. Ces témoignages sont un hommage à leur mémoire et à leur courage». Il ajoutera : «Le film a été présenté dans 35 festivals, notamment dans le monde arabe (Dubaï, Maroc, Tunisie et Egypte) et également en Europe (France, Belgique, Suisse et Allemagne). Sa première participation fut au Festival du film arabe, aux Etats-Unis.

Le monde découvrait ce qui se passait en Algérie». L’intervenant apprendra par ailleurs que le film a bénéficie du soutien de la télévision algérienne et qu’une version anglaise en a été faite sous le titre «Filming in Algiers». Le documentaire a également été présenté au Festival du film amazigh à Sétif et dans une école de cinéma au Maroc.

Témoignages émouvants de comédiens

Le comédien Salem (connu sous le nom Oussalas), présent à la projection de samedi dernier, dira : «J’ai eu la chance de tourner dans deux films «La montagne de Baya» et «Machaho». C’était mes premiers pas dans le cinéma. La journée on tournait le premier à Bouzeguene et le second le soir à Yakourene.

Les deux réalisateurs avaient mis à ma disposition un taxi qui me conduisait d’un tournage à l’autre. La nuit où il y eut le faux barrage, je n’étais pas présent, mais j’ai senti la panique et le stress qui régnaient au sein de l’équipe depuis ce soir-là. Il y a eu 13 morts et 25 blessés. A l’époque, il fallait une sacrée dose de folie pour faire des films dans des conditions pareilles». Aggar expliquera : «Pour ce documentaire, je n’ai pas choisi les réalisateurs au hasard.

J’ai tourné de 2002 à 2006 avec ma camera mini dv tout ce qui est avant- premières, tournages et conférences de presse, c’est riche en images. Je collectionnais déjà tout ce qui est films et extrait et je me suis retrouvé avec 40 heures d’images. Au début, le film allait s’appeler «Les années braises du cinéma».

«La colline oubliée» revue ?

Interrogé sur le fait de n’avoir pas inclus le film  »La colline oubliée » dans le documentaire, Aggar reprend sa casquette de directeur de la cinémathèque algérienne pour répondre : «J’ai interviewé Bouguermouh lors du film amazigh à Tlemcen et j’ai découvert que son film avait été pris par une chaine de télévision française.

La première des choses que j’ai faite quand je suis arrivé à la tête de la cinémathèque algérienne, c’est de sortir son film en 35mm. Il sera programmé cette semaine à la cinémathèque de Tizi-Ouzou. C’est l’unique copie qu’on procède, c’est un patrimoine pour moi en tant que responsable de cette institution. Il y a eu 12 films anciens qui ont été numérisés, ça sera le prochain sur la liste surtout que c’est le premier film de la filmographie du cinéma amazigh. Il fera l’objet d’un documentaire sur les films amazigh qu’on est en train de préparer».

Sonia Illoul

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