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MIZRANA - Sanctuaire Thabburt N Mhand U Hand : Un carrefour de la mythologie méditerranéenne

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À quelques distances de Tigzirt, à hauteur du village Aït Saïd, chef-lieu de la commune de Mizrana, se dresse un lieu appelé Thabburt N Mhand U Hand. Sur la pointe de cet endroit pittoresque, paraissant sous forme d’un amas de pierres tassées par les années, s’offre une stupéfiante vue panoramique sur un vaste périmètre.

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La nature a si bien élevé cette colline qu’on dirait un dôme que les anciens du village ont dressé pour célébrer le passé de leurs ancêtres. Mais, rassurons nous, cette comparaison n’y est pas dans le fond, une simple vue de l’esprit justement, loin s’en faut.

En effet, ces pierres qui cernent une minuscule bâtisse, sous forme de sanctuaire, bâtie au bord d’un petit bois de chêne liège, est en fait un lieu vénéré par les gens de la région. Les verbes pour exprimer l’extraordinaire charge de mythes que représente ce lieu se conjuguent à l’infini.

On y trouve ceux qui lui confèrent des pouvoirs surnaturels, ceux qui lui témoignent, à travers des vers, des cérémonies, allumage de bougies, de la gratitude pour un bonheur quelconque, naissance ou un proche émigré qui revient par exemple. On y rencontre aussi d’autres qui mêlent leurs prières à ce lieu pour marquer une tradition longtemps usitée.

Ce lieu donc, bien qu’il soit d’une simplicité toute naturelle, est un symbole très fort que beaucoup aiment à ériger, dans une certaine simplicité de l’âme, il faut le dire, à une inépuisable source de mythes qui incarnent l’espoir. Sur un fond d’héritage mythologique, de multiples récits s’y greffent. Le plus souvent sous un langage subtil voir même parfois extraordinaire.

On y raconte pleines de choses. Les fragments de légendes s’y afférents incarnent l’idée même d’un temps éternel. Elles font vivre des personnages illustres de la région, des épisodes de la vie du village, des histoires intrigantes, tous témoignent de cette proximité de ces villageois à cet endroit. Une fidélité sans faille depuis les temps immémoriaux.

Difficile, cependant, de circonscrire dans une quelconque date des événements d’une histoire qui n’est jamais écrite, d’une culture qui ne se maintient que grâce aux avatars successifs des narrations orales. On y trouve, cependant, une exception. Une date, le 29 mai 1825, qui illustre une sombre histoire vécue par ce village et dans une bonne partie s’y était déroulée en cet endroit précis.

C’était la fameuse expédition punitive menée par les Turcs rapportée par Josef Robin, et dont le romancier Lounes Ghezali s’était inspiré pour écrire Le rocher de l’hécatombe.

Aït Saïd, village martyr en 1825

Un événement catastrophique pour le village Aït Saïd car il a vu la mort de 300 personnes, dont des enfants et des femmes, sans compter les nombreux blessés et autres captifs qui ont servi pendant les négociations ayant suivi cette tragédie. Aujourd’hui, les gens de ce village veulent faire de ce lieu un monument qui matérialisera une mémoire qui a accompagné la longue histoire de leurs ancêtres.

Une sorte de réconciliation avec un passé riche certes, mais fait de doute et de tous les tâtonnements dus à la difficulté de classer des textes parvenus à nous uniquement sous forme de contes. Un plan de transformation de cet endroit a été élaboré à cet effet par un architecte pour rendre plus transparent ou enrichir dans un nouveau langage architectural, peut-être, certaines facettes de ce lieu.

Difficile entreprise dans un champ miné par une histoire muette consignée uniquement dans des hasards que peuvent contenir des pierres ou de simples portions de terre. Mais le souci de cette réconciliation avec le passé efface tous les préjugés qui ne peuvent êtres, en fin de compte, que de sordides mauvais conseils. Une placette et un monument en ce lieu serviront à renforcer la mystification définitive de cet endroit.

Il occupera éternellement la place qui a été la sienne pendant les siècles passés: celle d’être le carrefour de tous les mythes qui ont caractérisé l’histoire de ce village. L’attachement de ces villageois à ce lieu se trouve aussi par des histoires de la guerre de libération qu’ils racontent en le sublimant le plus souvent.

Quand on y parle de lui, on n’est plus dans les narrations historiques mais dans des incantations mystiques. Beaucoup de choses pourtant s’y sont passées pendant la guerre de libération en ce lieu et qui méritent d’être racontées, car ce sont des épisodes tout à fait récents.

Des moudjahidines y étaient tombés au champ d’honneur, d’autres blessés transportés vers la vaste et protectrice forêt de Mizrana dont l’embouchure n’est autre que cet endroit, Tabburth N Mhand U Hand. Des bombardements intensifs, des embuscades, des ratissages menés par l’armée coloniale, racontés dans certains poèmes déclamés par les femmes, évoquent cet endroit d’où surgit souvent le mystère pour protéger les moudjahidine.

Mais il faut signaler que l’État, à travers la collectivité locale, est complètement à l’écart de ce nouveau projet. Un projet qui ne manque pas pourtant d’intérêt pour la commune, par ce qu’il est prévu qu’il sera érigé en monument historique. Rien ne peut, donc, justifier une telle attitude obligeant le comité de village à solliciter des aides tous azimuts. Enfin, espérons que cet endroit, qui fut jadis le lieu où l’imaginaire a sévi, fera jaillir une réalité qui témoignera au cours des siècles prochains.

Akli N.

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