«Touareg» est un nom d’origine arabe passé dans la langue française, mais inconnu de la population qu’il désigne. Les Touareg se désignent eux-mêmes Kel Tamasheq, «ceux qui parlent la langue touarègue», montrant ainsi que leur dénominateur commun est une même culture et, avant tout,
un même langage.
Les Touareg occupent un territoire immense qui va du Maghreb à l’Afrique noire et qui traverse le Sahara en s’appuyant sur des îlots montagneux où l’altitude corrige les effets de la latitude et permet la vie, grâce à des ressources en eau et à une végétation absentes ailleurs : ce sont le Tassili des Ajjer, le Hoggar, l’Aïr et l’adrar des Iforas au nord-est du Mali. Les Touareg sont dispersés dans de nombreux États — Libye, Algérie, Mali, Niger, Burkina — avec quelques petites communautés au Nigeria et au Tchad. Leur poids démographique est surtout important au sud du Sahara, au Niger et au Mali.
Société et traditions
Chez presque tous les Touareg, il est fait référence à une ancêtre, qui est à l’origine de la chefferie et fondatrice de la tribu tawsit. La plus célèbre est Tin-Hinan, arrivée dans le Hoggar accompagnée de sa servante Takama : Tin-Hinan fut à l’origine des Kel Ghela, tribu noble, détentrice du pouvoir, et Takama donna naissance à la tribu vassale des Dag Ghali. Ce schéma se retrouve un peu partout, et presque toujours les nouveaux arrivés s’allient aux populations déjà en place. À noter que les Touareg sont monogames, trait original pour une société islamisée.
La société touarègue est hiérarchisée : du sommet à la base, elle comporte une aristocratie guerrière, des vassaux, des religieux à titre collectif, des artisans et un groupe servile, lui-même divisé en divers niveaux selon son origine. Chaque «confédération» est composée de ces différentes strates, avec à sa tête un chef supérieur amenokal toujours issu d’une même tribu et dont le pouvoir est matérialisé par un tambour de guerre (ttobol ou ettebel). Le «chameau» (en fait, le dromadaire) est associé à l’aristocratie, alors que la vache, et plus encore le petit bétail -brebis et chèvres- sont liés aux classes plébéiennes ou serves.
Les Touareg sont des berbérophones et font partie de ce grand ensemble berbère qui va du Maroc à l’Égypte. Leur langue constitue la pierre angulaire de cette société hiérarchisée, diverse dans ses différentes composantes. Les Touareg possèdent aussi une écriture dont les caractères tifinagh, gravés sur de nombreux rochers, sont souvent difficiles à déchiffrer. Il existe un alphabet tifinagh toujours utilisé qui sert principalement à rédiger des messages courts, des épitaphes et des déclarations amoureuses.
Le voile de tête tagelmust des hommes fait partie des usages propres aux Touareg. Il est honteux de se dévoiler en public ; devant toute personne à qui il doit le respect, un homme jeune ne doit laisser filtrer le regard qu’à travers une fente de son voile, et il doit introduire son verre de thé sous le voile, sans découvrir sa bouche. Ce voile protège les muqueuses du vent mais, plus encore, soustrait les orifices faciaux aux assauts des génies malfaisants.
Littérature orale
La littérature orale est très riche, avec des devinettes, des proverbes, des contes, qui ne diffèrent guère de ceux des autres civilisations ; on y retrouve la même sagesse populaire incarnée dans les thèmes de la vie pastorale et nomade. La poésie constitue le point fort de cette littérature, avec des pièces lyriques qui évoquent l’amour, la mort et la nostalgie de l’absence et de la femme aimée ; ces poèmes rappellent aussi les grandes batailles du passé et les exploits des héros. Les poètes sont des hommes de toute condition, parfois des femmes. Événements actuels, migration et révolte sont les nouveaux thèmes des jeunes générations.
Culture matérielle
Les artisans sont de fidèles conservateurs du patrimoine. Ce sont eux qui reproduisent les objets de la vie domestique ou pastorale (coupes, louches et cuillères en bois, lits ou poteaux sculptés des tentes), les bijoux en argent qui ont conquis le marché touristique (dont la croix d’Agadez universellement connue), les selles de chameau (dont la selle à pommeau en croix, la plus connue et la plus sophistiquée), les armes (le couteau de bras, la lance-javelot et le bouclier aujourd’hui disparu), et surtout l‘épée takuba qui bat toujours le flanc des hommes. Les lames de certaines de ces épées, venues d’Europe au XVIe siècle, portent des marques qui permettent de les identifier et possèdent un nom propre comme Durendal, alors que la grande majorité des autres ont été fabriquées avec de l’acier de récupération ; toutes, cependant, possèdent une même garde, une même poignée, un même fourreau, et s’identifient dans un même modèle.
(Suite).