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Un des fondements majeurs de la mal-gouvernance : Quels instruments pour juguler les excès et les dérives de la centralisation ?

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Cinquante ans après la libération du pays du joug colonial, le bilan de la gestion politique, économique et sociale suivie depuis 1962 commence timidement, et par bribes, à être approché et établi. Beaucoup de chemin reste à faire. La visibilité y manque d’une façon patente tant la démarche d’opacité et le culte de l’occulte ont délibérément accompagné et recouvert d’une façon drue le système de gouvernance.

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Cette situation difficilement déchiffrable et aux formes imprécises a fini par aboutir à un type d’organisation, ou même d’entropie, de l’État et de la société qui a pour nom le Système, avec une majuscule. Utilisé dans la littérature politique et médiatique, ce concept dit tout et rien à la fois. Il a même acquis un sens populaire qui signifie un “engrenage fatal’‘ une ‘’typologie prédéterminée’‘ à laquelle on ne peut pas échapper. C’est que le Léviathan de l’État- avec son démarrage chaotique fait d’infidélité à la révolution de novembre 54 et de course sanglante au pouvoir- a pesé de tout son poids centralisateur, “égocentrique’‘ et puissamment clientéliste au point de mettre à la marge les populations et d’annihiler toute autre forme d’initiative qui ne vient pas des rouages vermoulus de l’administration et de l’ancien parti unique. Indubitablement, l’une des tares les plus dommageables aux possibilités de développement économique, d’autonomisation politique et d’épanouissement cultuel que le Système a secrétées et dont il a pernicieusement usé et abusé est l’hypercentralisation de la gestion du pays dans ses volets économiques, politiques, culturels et territoriaux. Au moment où tous les schémas d’organisation et de gouvernance basés sur la centralisation de la décision sont battus en brèche à travers le monde, l’Algérie officielle reste visiblement sourde à la logique et aux exigences d’une véritable émergence de la citoyenneté qui, signifie la participation des populations à la prise de décision, dans un processus raisonné de démocratisation de la société et des institutions. C’est plutôt en dehors des structures de l’État que des tentatives d’autonomisation- par des associations, des comités de villages et même des élus- sont tentées pour sortir de l’étouffement imposé par les structures concentriques ou pyramidales d’une hiérarchie dévoyée de ses objectifs initiaux, ceux tendant à servir le peuple et la société. On se souvient du projet de la “Charte intercommunale», conçue par des élus de la Kabylie maritime (regroupant les daïras de Ouaguenoune, Tigzirt et Makouda) quelques semaines avant les élections locales de novembre 2007, pour mieux canaliser les efforts des différentes municipalités pour la gestion des affaires communes et la résolution des problèmes qui ont des prolongements sur les différentes parties des territoires des communes concernées. Même si le destin d’un tel projet n’a pas eu le loisir de se frayer un chemin dans l’uniformité figée de la gestion hyper-centralisée du pays, il a eu au moins le mérité de mettre le doigt sur la grande anomalie de la gouvernance telle qu’elle est menée en ce début du 21e siècle en Algérie. L’on sait aujourd’hui que l’extrême centralisation-ou le jacobinisme, tel que le nomme l’histoire des idées politiques- a largement nourri l’autre “extrême», celle de la revendication de l’autonomie des régions. Ce dernier concept étant entouré d’un halo de confusions et préjugés, peine à faire entendre sa voix aussi bien au sein de l’élite que des couches populaires.

À rebrousse-poil des impératifs de la modernité

Cependant, bien avant ce dernier avatar d’une histoire politique qui s’étend maintenant sur un demi-siècle, la gestion centralisée du pays sur les plans politique, économique, social et culturel a engendré bien des situations de malaise, de flou, de gabegie, de clientélisme et de “pavlovisme’‘ dans la société à telle enseigne que lorsqu’on parle, d’une façon trop commode, de “système’&lsquo,; pour lui faire imputer toutes les tares et tous les handicaps dont nous souffrons. C’est là un monstre protéiforme, inidentifiable, mais présent (contrairement à l’Arlésienne de la légende), qui sévit depuis 50 ans. Aujourd’hui, l’on ne connaît de relations entre communes voisines, même dans le cas où elles relèvent d’une même daïra, que celles que les avatars de la bureaucratie ont pu installer dans les recettes intercommunales des impôts et dans certaines décharges qui ont défiguré l’environnement et l’esthétique de nos villages. Aucune autre ambition à même de conjuguer les énergies des communes caractérisées par un certain degré d’homogénéité humaine et naturelle n’est encore visible dans la politique générale des institutions algériennes. Cependant, ce genre de handicap n’est pas le seul à freiner les élans des initiatives citoyennes, qu’elles viennent des élus ou des associations. C’est, en vérité toute la pyramide institutionnelle du pays qu’il importe de revoir à la faveur des efforts et des espoirs de la démocratisation de la société en faisant appel à tous les instruments politiques, législatifs et techniques liés à l’aménagement du territoire pour une véritable décentralisation du pays. Le sujet de la décentralisation a fait l’objet de séminaires, de journées d’études et d’une prolixe ‘’littérature’’ administrative sans que le concept ait pu sortir de la nébuleuse pénombre dans laquelle s’est employée à le maintenir la gestion des affaires publiques. Depuis le slogan hypocrite d’ “équilibre régional” arboré par le pouvoir politique dans les années soixante-dix du siècle dernier- concept tenant plus d’un volontarisme sans lendemain que d’une planification spatiale empreinte de rationalité et de pragmatisme-, jusqu’aux assises de la stratégie industrielle tenues en 2007 et à l’occasion desquelles a été remis au goût du jour la nécessité d’un développement équilibré basé sur les pôles d’attractivité plusieurs réflexions liées à la gestion des territoires ont plus ou moins débordé sur l’inévitable question de la décentralisation. Outre les vieilles revendications de certaines formations politiques relatives à la décentralisation ou régionalisation (le sens conférés aux termes demeure entouré d’un certain flou artistique en l’absence d’un vrai débat), au moins à quatre reprises pendant les des deux dernières années, les hautes autorités ont, au cours de l’étude de certains dossiers particuliers, suggéré –en filigrane ou d’une manière expresse- la nécessité d’une plus grande ‘’justice’’ territoriale, impliquant équité et harmonie de développement, ainsi qu’une déconcentration plus franche et plus efficiente des pouvoirs au profit des collectivités locales et des communautés. Le plus vieux dossier en la matière demeure sans aucun doute celui des codes de la commune et de la wilaya promis à de profondes réformes par le ministère de l’Intérieur depuis le début des années 1990. Tels qu’ils ont été amendés en 2011, ces textes ont suscité peu d’adhésion de la part des partis politiques et surtout des élus en exercice. Les rôles et missions des assemblées locales (APC et APW) et l’articulation de leurs activités avec celui de l’administration (chef de daïra, wali) ont besoin plus que jamais d’une vision rénovée, moderne et adaptée aux défis du développement local et de la bonne gouvernance. Le travail le plus élaboré car mené scientifiquement et ayant sollicité diverses disciplines et plusieurs secteurs d’activité est incontestablement celui qui se présente sous le nom de Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT) mis en œuvre par le département de M. Cherif Rahmani, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Les assises su SNAT qui ont eu lieu au courant de l’année 2006 ont le mérite de poser le problème en terme de gestion des ressources naturelles, d’administration des territoires selon leurs spécificités physiques et écologiques et, in fine, selon les objectifs d’un développement durable. Le premier sous-thème auquel s’est attelé ce département ministériel est la gestion des zones de montagne pour laquelle il faudra repenser les outils d’intervention, la redéfinition de ses contraintes et la capitalisation de ses atouts.

Discordances et incohérences

Incontestablement, un territoire aussi vaste que l’Algérie ne peut être soumis à une gestion uniforme qui ferait fi de la diversité des aires et faciès écologiques, de la différence des ressources que recèlent ses régions et des richesses humaines, sociologiques et culturelles portées par ses populations. Ce serait une uniformisation castratrice et destructrice des énergies citoyennes qui irait à rebrousse-poil des impératifs de l’évolution historique des sociétés humaines. Lors d’une réunion walis-gouvernement, plusieurs sujets relatifs à la décentralisation ont dominé la scène à lorsque a été lancé le débat sur les rôles et missions du wali en tant que premier représentant de l’État, premier magistrat de sa province, mais aussi agent de développement. Le courroux du président de la République suscité par les résultats médiocres réalisés par certaines wilayas, au milieu des années 2 000, sur le plan du développement leur région (infrastructures, équipements, investissements, services publics) est surtout dirigé contre une certaine forme d’organisation et de gestion des ressources humaines qui, en adoptant comme modèle le monopole de la décision et l’arrogance dans le comportement, annihile toutes les énergies susceptibles de faire la jonction avec la société et les populations pour une vision plus harmonieuse, plus intégrée et plus participative du développement. Sur un autre plan, mais toujours dans le sillage de la thématique du centralisme instauré comme mode de gouvernance au lendemain de l’Indépendance, la division territoriale du pays, telle qu’elle est établie jusqu’au dernier découpage de 1991 (nouvelles daïras crées sur la base d’une préoccupation électorale à la veille des élections législatives avortées de décembre 91), est loin de répondre aux nouveaux défis du développement, de l’aménagement du territoire et de l’exigence citoyenne qui s’exprime parfois dans les barricades, les émeutes et les fermetures de mairies. Le ministère de l’Intérieur a fait état, au moins à deux reprises depuis 2006, d’un projet d’un nouveau découpage administratif du pays en faisant porter le nombre de wilayas à plus de cent; wilayas qui auraient le statut de wilayas-déléguées pendant quelque temps avant d’accéder à celui de wilaya de plein exercice. Rien qu’à l’échelle de la Kabylie, des agglomérations comme Akbou, Azazga, Draâ El Mizane, Lakhdaria,…sont données comme futurs chefs-lieux de wilayas au vu de leur importance urbanistique, économique et démographique. Les aménagistes et les planificateurs déplorent aujourd’hui la vision politique qui a prévalu en 1974 et 1984 lors de la création de nouvelles wilayas. Le manque de cohérence et la disharmonie qui ont caractérisé la dimension spatiale, écologique, économique et humaine de l’opération étaient visiblement sous-tendus par des considérations politiciennes, claniques et de lobbying. Ainsi, en se resituant à l’époque où ces opérations de découpages ont été effectuées, il ne viendrait à l’esprit d’aucun ingénieur ou expert, spécialiste en aménagement du territoire, de mettre par exemple Naâma, Oum El Bouaghi ou M’Sila comme chefs-lieux de wilayas dans des circonscriptions où, respectivement, il y a des villes anciennes comme Mecheria, Aïn Beïdha et Bousaâda, marquées par une certaines ‘’urbanité” et une dimension citadine. Sur le plan écologique, le contraste de la wilaya de Bouira est frappant: ayant sa “tête” au nord, au pic de Lalla Khedidja (étage bioclimatique humide et système montagneux à forte concentration humaine), elle a ses ‘’pieds’‘ dans la vastitude steppique, aux portes de la ville de Sidi Aïssa (isohyète de l’aridité habitat et populations dispersés). Les pouvoirs publics ont assuré que cette fois-ci les critères seront “empreints d’une grande objectivité’‘. Les discordances et les incohérences issues de l’ancien découpage pèsent encore de leur poids. À l’occasion d’un éventuel nouveau découpage, il s’agira, en dégageant de nouvelles entités administratives, de corriger ce qui peut l’être.

L’État central: émergence et dérives

Le processus d’émergence de l’États central et de ses radiations pour asseoir une autorité sur un territoire donné et une allégeance à un noyau politique diffère selon les aires géographiques et civilisationnelles des pays concernés. Si, chez les nations européennes, la centralisation et son corollaire, le jacobinisme, sont en relation avec la révolution industrielle et la chutes des monarchies ayant accompagné le siècle des Lumières, les pays anciennement colonisés doivent cette forme d’organisation de l’État d’abord à l’héritage colonial et ensuite à une gestion monopolistique des indépendances par les élites politiques du moment. Mais, la centralisation des pouvoirs de décision est un phénomène ancien dans l’histoire des sociétés et des États. Dans une brochure de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) intitulée ‘’Comprendre, analyser et gérer le processus de décentralisation’‘ (décembre 2002) il est rappelé que “les premiers États se sont constitués autour de la gestion des grands périmètres irrigués (Égypte, Chine, Asie du Sud-est), puis se sont progressivement étendus à d’autres zones où l’existence d’un surplus de production agricole ou d’autres formes de richesse (or, autres métaux) a permis la constitution d’une classe de fonctionnaires se chargeant de la gestion de certaines affaires communes. Dans les premières phases de leur constitution, les États avaient avant tout une fonction de gestion, de distribution des moyens de production de base (terre, eau d’irrigation,…), une fonction législative et judiciaire et/ou une fonction militaire. Par la suite, leurs fonctions se sont élargies aux sphères économique et sociale pour atteindre progressivement tous les aspects de régulant le fonctionnement des sociétés humaines”. Cela est particulièrement vrai pour les sociétés industrielles du 18e siècle où l’État est devenu le pourvoyeur de soutien à l’industrie, à la recherche, aux entreprises, à la modernisation de l’agriculture et à la promotion du monde rural, à la santé et à l’éducation. Dans la plupart des cas, le résultat était la formation d’un pouvoir central, fort et autoritaire qui régente la vie publique sur les métropoles et dans les provinces par un système de ‘’vassalisation’’ assuré par des relais et intermédiaires locaux. Depuis le 18e siècle qui a vu se développer l’industrie et l’agriculture moderne jusqu’aux années 1970, la centralisation des États n’a fait que se renforcer à tous les niveaux. ‘’La première raison de cette tendance, analyse la FAO, tient à ce que les progrès technologiques ont été pendant toute cette période, et encore aujourd’hui, le principal moteur du développement”. Outre les progrès techniques, leur mode de diffusion et de gestion, la centralisation des États occidentaux au cours des derniers siècles était aussi due à la concentration croissante des populations dans les villes, la concentration des entreprises, le développement des luttes et la naissance des organisations nationales (syndicats, partis) et la concurrence entre les États. Ainsi, la mise au point de modèles de développement conçus au niveau central et diffusés de manière descendante et uniforme à tous les niveaux s’est étendue à tous les domaines de la vie publique : politique d’éducation, de santé de protection sociale,…etc. Par le canal de la colonisation, cette conception centralisatrice de l’organisation des États et des sociétés modernes s’est également étendue aux pays du Sud par le biais de la colonisation. La nécessité de disposer de matières premières pour leur propre développement a poussé les États européens à coloniser les pays du Sud en y installant une administration coloniale calquée sur leur propre modèle. Pis, pour le cas de l’Algérie qui a subi une colonisation de peuplement, il ne s’agissait même pas de calquer le modèle français, mais de le prolonger et de donner de nouveau territoires à son autorité. Après la défaite de l’Émir Abdelkader le 14 août 1843, le territoire algérien sera organisé en trois départements français : Alger, Oran et Constantine. Seuls les colons obtiennent une représentation au Parlement. Les lois du senatus-consult et la loi Warnier exproprient les Algériens de leurs terres et disloquent les tribus à partir de 1863. L’autonomie financière accordée à l’Algérie en 1900 ne changea rien au caractère centralisé de la colonie qui restera sous l’emprise totale de la métropole. Le renforcement de la centralisation du pays au cours du 20e siècle était aussi dicté par la volonté de contenir et de réprimer le Mouvement national qui a commencé à se structurer à partir de 1926 (ENA).

Rente et allégeances

Après l’Indépendance, les nouvelles autorités du pays ont reproduit, et parfois parodié le schéma d’organisation imposé naguère par la puissance coloniale avec des slogans symétriquement équivalents : un seul peuple, une seule langue, un seul territoire. Cette parodie de reproduction du canevas de la colonisation n’est pas propre à l’Algérie. Le document de la FAO cité plus haut observe à ce propos: “Ainsi, lors de la décolonisation, ces pays ont hérité de systèmes administratifs centralisés qui étaient souvent des coquilles vides facilitant l’implantation de régimes autoritaires. De plus, même dans la période post-coloniale, les aides au développement ont été le plus souvent conçues comme transfert des modèles existant dans les pays riches”. L’excès de centralisation de l’État algérien, outre qu’elle se trouve être un héritage colonial, trouve ses défenseurs zélés parmi les sphères décisionnelles entendu qu’elle est conçue comme un instrument de gestion de la rente et de la société. L’enjeu de pouvoir que représente la centralisation est d’autant plus grand que le système de la rente pétrolière commençait à s’installer durablement dès le début des années soixante-dix du siècle dernier. Dans la foulée de ce qui était considéré comme une économie ‘’socialiste’’, l’État était devenu un makhzen, distributeur de rentes et de privilèges, créant ainsi une clientèle en ville et en province capable de ‘’pacifier’’ le Bled Essiba (pays de l’insoumission et de la rébellion selon le jargon khaldounien) et de le ramener dans son giron par des actes d’allégeance au profit du pouvoir central. Ce consensus rentier, géré au jour le jour par une caste se réclamant du parti unique, a fini par vider les énergies créatrices du pays de leur substance en subventionnant la consommation via l’importation au détriment de l’investissement et de la production. Ces errements, qui vont à contre-sens de la logique économique vont connaître leurs limites dans l’impasse d’octobre 1988. Les travers les plus visibles de la centralisation du pays se cristallisent dans la planification uniformisante et standardisés (plans quadriennaux et quinquennaux) ignorant les diversités naturelles, humaines et sociologique de l’Algérie. Le concept-slogan d’ ‘équilibre régional” qui était alors en vogue, non seulement il n’avait pas de prolongement sur le terrain, mais, même du point de vue conceptuel, il se trouve dépassé par les notions d’aménagement scientifique du territoire basé sur des unités écologiques homogènes et des groupements de régions répondant à des critères géographiques et stratégiques précis (gestion harmonieuse des ressources et des territoires).Dans la logique autoritariste sous-tendue par une telle sous-culture, le processus de prise de décision à tous les niveaux de responsabilité répond à une logique pyramidale descendante, allant du ministère jusqu’aux entités minimales de gestion, à savoir les communes. Une hiérarchie infaillible est ainsi instaurée sans aucune intermédiation autonome à même de faire valoir les spécificités régionales en matière de développement ou d’administration. La planification économique et la centralisation administrative étaient d’une telle raideur et d’une telle rigidité qu’elles ont tenté d’oblitérer et d’annihiler toute diversité naturelle ou humaine des territoires composant la République. L’établissement des sociétés nationales obéissait au même schéma uniforme qui faisait irradier leurs directions générales sur l’ensemble du territoire national. Les schémas d’urbanisme et de construction standardisés dans les bureaux de l’administration font établir des villes dans le Sud algérien avec l’architecture et la typologie en vigueur dans le Nord. Cela nous ramène à des difficultés, devenues aujourd’hui quasi ingérables, comme l’isolation thermique pour des bâtiments et des murs conçus pour des chaleurs modérées. L’État, pris au piège de sa propre politique, se démène maintenant pour assurer l’électricité et la climatisation dans des zones où nos ancêtres ont pu, avec leur génie et leur savoir-faire naturel, se défendre naturellement contre les fortes températures. Les exemples sont encore présents à Timimoun, Adrar, Illizi, Bordj Omar Driss,…etc. De même, la paralysie qui a frappé les structures de l’État lors des dernières intempéries historiques en Kabylie (février 2012) sont, en grande partie, dues à cette organisation uniforme, standardisée, qui n’admet aucune autre réalité que celle que dicte le moule d’une administration qui prétend avoir toujours raison. Pour cette administration, la notion de zone de montagne- avec les exigences d’équipements et d’infrastructures spécifiques- n’est pas encore intégrée dans ses schémas de gouvernance, si tant est qu’elle en ait.

Réformes lacunaires

Ainsi, pour le malheur d’un développement harmonieux et équilibré presque aucun secteur de la vie nationale n’a échappé à l’absurdité de l’hypercentralisation de l’État et de ses institutions. L’un des symptômes de cette situation absurde qu’aucune réforme n’a pu assainir à ce jour, est sans doute cette posture administrative des agents de l’État évoluant dans une mentalité d’ ‘’assiégés’‘ dès qu’ils sentent la menace qu’on risque de leur grignoter ce qui, dans une infinie grandiloquence, ils appellent ‘‘prérogatives’‘ (en arabe ‘’salahiat’‘), c’est-à-dire une sorte de siège inamovible qui assurerait rente et confort perpétuel. On sait maintenant que le résultat des courses d’une telle situation de raideur organisationnelle de l’État est qu’un pays entier se trouve pris en otage sur le plan du cadre de vie, de l’aménagement du territoire, de la bonne gestion des ressources naturelles, du développement humain et de la promotion de la citoyenneté. Les réformes politiques et institutionnelles annoncées par le président de la République en avril 2011-et dont une grande partie a été ‘’formalisée’‘ dans de nouveaux textes adoptés par l’ancienne APN, à l’exception de la révision constitutionnelle- ne donnent aucun détail sur les perspectives des actions de décentralisation à mener dans le court ou le moyen termes. Ce sont plutôt les constats du Conseil national économique et social, faits lors des assises tenues en décembre 2011 sur le développement local, qui établissent une situation de malaise et de manque de visibilité dans la gestion locale suite au déficit de décentralisation et d’implication des populations locales dans le processus de prise de décision.

Amar Naït Messaoud

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