L’échec…

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Lancé en 2006, le programme présidentiel des 100 locaux par commune, tarde toujours à donner ses fruits.

Et pourtant, des sommes importantes ont été allouées à la concrétisation et à la réalisation de ce projet au niveau de chaque wilaya. Plusieurs dispositifs d’aide et d’accompagnement ont été mis en place pour l’insertion des jeunes diplômés ou chômeurs. Le décret exécutif n°06-366 du 19 octobre 2006, détaille dans ses articles les modalités ainsi que les conditions de la mise à disposition des locaux, à usage artisanal et professionnel, au profit des jeunes promoteurs.

 

Des chiffres satisfaisants mais…

Plusieurs secteurs administratifs et dispositifs publics y ont été associés, notamment s’agissant des volets réalisation, attribution et exploitation. Ainsi, au niveau de la wilaya de Bouira, la direction de l’urbanisme et de la construction (DUC) a été chargée du volet réalisation. Pour sa part, celle de l’Emploi des jeunes (DEJ) a été chargée d’assurer la distribution et l’attribution des locaux aux différents organismes d’aide et d’accompagnement. C’est ainsi, comme le stipule les articles 20 et 21 du décret exécutif, que ces locaux ont été effectivement repartis au profit des bénéficiaires des dispositifs ANGEM, ANSEJ et CNAC. Les collectivités locales de la wilaya, les services des APC, notamment, ont également eu leur part de tranche, au même titre que les artisans et les simples commerçants, qui ont, eux, également bénéficié d’une partie de ces locaux. Au total, ce ne sont pas moins de 1599 locaux qui ont été distribués, jusqu’à ce jour, par les services de la DEJ. 799 autres locaux n’ont pas été encore attribués, donc non encore exploités. Pour le programme présidentiel des 100 locaux par commune, se sont pas moins de 2 398 locaux qui ont été réalisés depuis 2006, à travers les 45 communes de la wilaya de Bouira. Selon les chiffres de la direction d’emploi des jeunes, organe en charge de la gestion, du suivi et de la répartition des locaux, « sur l’ensemble des locaux réalisés, seulement 1 599 ont été distribués ». Sur le plan de la répartition, les projets financés dans le cadre des dispositifs ANGEM, ANSEJ et CNAC, prennent la part du lion avec 1560 unités destinées au soutien de ces dispositifs. Le reste a été réparti entre les artisans, les APC et les jeunes commerçants. Un programme jugé très ambitieux et productif, notamment pour les jeunes sans emploi. Ces chiffres ne traduisent pas la réalité du terrain. Ainsi, les autorités locales « jouent sur les mots », pour dire que ce programme connait une certaine réussite. En effet, les chiffres fournis pompeusement par la DEJ n’évoquent pas la tranche, et encore moins, l’état des lieux des locaux en activité. Et c’est, justement, cette donne qui renseigne sur la réussite du projet ou pas. Dans le but d’en savoir plus sur le sujet, nous avons tenté de prendre attache avec les diverses daïras de Bouira, mais sans grand résultat. Tantôt, on nous déclare qu’ils ne disposent pas de chiffes, tantôt qu’ils ne sont pas habilités à les donner. Bref, de toute évidence, on essaie de cacher quelque chose. Mais quoi ?

 

Distribués mais non exploités

Pour le savoir, un simple état des lieux au niveau des certaines communes de la wilaya, est indicateur de l’échec du programme des 100 locaux, du moins à l’échelle de la wilaya de Bouira. Il est loin, très loin même, d’avoir atteint les objectifs souhaités par les pouvoirs publics. Ainsi, c’est un véritable tableau noir qu’on dresse sur le volet de l’exploitation de ces infrastructures. Retard dans la livraison et dans l’attribution, absence de rigueur et de suivi quant à l’obligation de leur propriétaire de procéder à l’ouverture, a fait que de nombreux locaux sont dans une situation d’abandon et subissent des dommages et des dégradations. Pire, certains sont tout simplement transformés en lieux de débauche. Le cas des locaux de la localité d’Ath Rached, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Bouira, est plus qu’édifiant. Livrés à leurs bénéficiaires, en 2008, la grande majorité de ces locaux n’est pas encore exploitée, parce qu’ils ne sont pas alimentés en énergie électrique. Réceptionnés, depuis plus de six années aujourd’hui, les locaux à usage professionnel d’Ath Rached offrent toujours le même spectacle sinistre. Les jeunes bénéficiaires affichent beaucoup de frustration et disent que leurs rêves vont tomber à l’eau, si on ne remédie pas à la situation dans les plus brefs délais. Le même constat est à soulever au niveau de la commune d’Aïn Bessam, où les 100 locaux commerciaux, situés au quartier « El Akid », sont victimes d’actes de vandalisme sous le regard indifférent de tout le monde. Personne n’y peut rien faire. Nombre de ces magasins ont tout simplement été délestés de tout ce qui est transportable, portes, fenêtres, grilles extérieures… une véritable et grande perte pour tous, y compris les jeunes ayant bénéficié de crédits bancaires. « Sur une trentaine de locaux, seulement deux ou trois, dont les bénéficiaires continuent à exercer normalement, sont opérationnels. C’est surtout ceux du rez-de-chaussée, puisque les bénéficiaires se sont faits des portes d’entrée à l’extérieur du bâtiment. Mais pour le reste, notamment ceux de l’intérieur, personne n’a réellement tiré profit du projet. Faute de sécurité nous avons été obligés d’abandonner nos locaux aux délinquants qui squattent et transforment les lieux en lieu de débauche », se désole Allal, un jeune coiffeur bénéficiaire du projet. Et d’enchainer : « Actuellement, j’exerce mon métier dans un local au centre-ville, dont je paye la location à raison de 10 000 DA par mois chez un particulier. Mais je n’ai pas d’autre choix, sinon je subirais les affres du chômage. Je prends mon mal en patience et j’attends une solution à ce problème de locaux » Le même constant alarmant a été soulevé au niveau de plusieurs autres communes de la wilaya, notamment El Hachimia, Sour El-Ghozlane, Ath Leqsar, Ahnif et El Mokrani, où les locaux, mal situés et mal-placés, se transforment en immeuble fantôme ou, carrément en lieu de débauche. Etat de fait qui contribue à leur dégradation. Les raisons de l’échec actuel de ce projet sont multiples et inextricables. Des locaux souvent isolés des agglomérations, à structures étagées dans le genre bazar commercial, et, dans la plupart des cas, ne disposant ni de VRD, ni d’électricité ni de toilettes, ni d’aménagements extérieurs et encore moins de sécurité. À cela, il faudrait ajouter une perte sèche pour toute cette durée d’inactivité.

O.K / R.B

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