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Entretien avec le Professeur Hocine Aït Ali, doyen de la faculté de médecine de Tizi-Ouzou : «Il faut revaloriser le rôle du médecin généraliste»

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Dans l’entretien qui suit, le doyen de la faculté de médecine de Tizi Ouzou, le professeur Hocine Ait Ali, nous parle de la médecine générale et des médecins généralistes. Il exhorte les responsables concernés à réagir pour revaloriser ces derniers.

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La Dépêche de Kabylie : Où se font recruter les médecins généralistes, après obtention de leur diplôme ?

Pr. Hocine Aït-Ali : La logique voudrait que les médecins généralistes, qui obtiennent leur diplôme et choisissent d’intégrer le monde professionnel, soient recrutés dans le secteur public. Mais ce secteur étant saturé il n’est pas du tout évident, pour eux, de trouver un poste d’emploi. Donc, plusieurs d’entre eux optent pour l’immigration, à défaut d’être assurés d’exercer dans de bonnes conditions socioprofessionnelles dans les régions peu ou pas du tout médicalisées, comme le Sud algérien et les Hauts plateaux. Certains, par contre, qu’on ose qualifier de téméraires, ouvrent leurs cabinets privés. Et je peux vous dire que la difficulté d’être recruté dans le secteur public, notamment à Tizi-Ouzou qui souffre de saturation, constitue l’une des raisons qui motive l’étudiant en médecine à poursuivre son cursus dans la spécialité. La réalité du terrain médical de la région, conjuguée à la nouvelle mentalité de la population, qui préfère être ausculté directement par un médecin spécialiste que de passer par un médecin généraliste, est aussi l’une raisons qui a fait baisser le nombre de cabinets de ces derniers au profit d’une croissance du nombre de médecins spécialistes qui s’installent en privé. D’où l’intérêt de l’étudiant d’avancer dans son cursus au-delà des 7 ans.

N’y a-t-il pas un sentiment de dévalorisation du médecin généraliste par le patient ?

Effectivement, les patients préfèrent consulter directement un médecin spécialiste que de passer par le médecin généraliste. Pourtant, il est dans l’intérêt du malade, qui ne sait pas réellement de quoi il souffre, de passer d’abord chez le généraliste, qui procède au diagnostic avant de l’orienter vers la spécialité médicale qui sied à sa maladie. Il est regrettable que ce comportement soit ancré dans la culture de la société algérienne. Il est plus judicieux d’hiérarchiser la médecine, en passant d’abord et impérativement par le médecin généraliste, pour arriver au sommet des spécialités médicales couvertes dans notre pays. Mais le faire ancrer dans l’esprit du malade algérien n’est pas chose aisée, d’autant plus que rien ne peut lui imposer de passer d’abord par le médecin généraliste avant d’accéder au spécialiste. L’Algérien, qui va directement vers ce dernier, éprouve un sentiment d’assurance, d’être bien pris en charge dans sa maladie, c’est pour quoi il n’est pas évident de lui faire changer cette mentalité qui, je le répète, est foncièrement fausse. Je peux vous garantir que nous avons des étudiants diplômés en médecine générale qui sont d’un niveau très brillant, et qui sortent de la faculté avec des connaissances qui n’ont rien à envier aux universités d’ailleurs. Ce sont des diplômés qui maitrisent très bien leur formation et les connaissances acquises à la faculté. Nous devons en être fiers. 

Mais ce sentiment, cultivé par les malades, laisse à penser qu’on a tendance à former des médecins généralistes en Algérie pour rien …

En voilà une idée dévalorisante pour cette valeureuse profession qui est la médecine générale ! Si nous continuons à former des médecins généralistes, après 7 ans de cursus, ce qui n’est pas rien non plus, c’est parce que ce professionnel de la médecine a toujours un rôle important à jouer dans le système de santé. Il est situé à la première loge des échelons de la médecine, ce qui rend un énorme service au malade, d’abord, et au système de santé ensuite. Sachez qu’un médecin généraliste est celui qui découvre que le patient est hypertendu, diabétique ou trainant une maladie pouvant devenir chronique. C’est lui qui le diagnostique et l’oriente, d’une manière efficace et rapide, vers la spécialité qui sied à sa maladie. Puis, il continue à jouer son rôle de suivi, étant plus proche du malade que le médecin spécialiste, notamment dans les zones rurales. Le renversement des statistiques qui font ressortir le même nombre de cabinets privés de médecine générale que celui des spécialistes est irrationnel. Aussi, l’absence de la relève, que mes confrères généralistes déplorent, est regrettable, étant donné que plusieurs d’entre eux vont bientôt faire valoir leur retraite. Les autorités publiques doivent impérativement intervenir pour sensibiliser le citoyen à aller d’abord se faire ausculter par un médecin généraliste, car il y va de l’efficacité des soins à prodiguer. Il faut vraiment revaloriser le rôle du médecin généraliste, dans l’intérêt du malade et du système de santé de notre pays.

Entretien réalisé par M. A. Temmar 

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