Le tourisme à vau-l’eau

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Soumis à un climat d’insécurité permanent, évoluant dans un environnement d’insalubrité jamais égalée et en bute à un manque manifeste en infrastructures d’accueil…

Le tourisme bat toujours de l’aile en kabylie. Une région qui pourtant renferme d’énormes potentialités dans le domaine. Des potentialités qui n’ont cependant pas été suffisamment exploitées, dans ce sens qu’une multitude de sites est laissée à l’abandon.

Que ce soit à Tizi-Ouzou, Béjaïa ou Bouira, le constat est identique. Ces wilayas ne grouillent pas, en effet, de visiteurs en été encore moins en hiver et pendant le reste de l’année. Ce n’est certainement pas les ambitions qui manquent, afin d’aider ce secteur névralgique à relever la tête. Mais, parfois la volonté ne suffit pas. A vrai dire, avant de penser à édifier des infrastructures touristiques, dont le manque est du reste toujours signalé il faudrait peut-être procéder à améliorer les autres aspects, dont dépend sensiblement le tourisme. En effet, comment pourrait-on aspirer à attirer les touristes, quand on hérite d’un environnement sale ? De plus, la situation peu reluisante du secteur a été considérablement aggravée par l’insécurité qui va crescendo dans la région. Difficile, en effet d’attirer d’éventuels touristes, dans une région où le terrorisme bat son plein.

Bouira

Un secteur à défricher

En abordant un sujet aussi sensible que le tourisme, force est de constater que l’avenir prometteur envisagé au début des années 90, n’est plus aussi rose que ce qu’il était prévu. «L’après pétrole et l’économie algérienne» longtemps débattu dans différents ministères n’aura, au final, pas fait long feu. La décennie noire est venue mettre un terme à toutes perspectives touristiques, en isolant l’Algérie du reste du monde. A ce jour encore, la destination Algérie reste «à éviter », comme le martèlent souvent, trop souvent peut-être, les chancelleries étrangères, quant à la sécurité de leurs ressortissants. Cela dit, les Touring clubs et autres agences de voyage, algériennes elles, n’auront pas tout à fait rempli leurs missions pour promouvoir la destination Algérie. En Kabylie et plus particulièrement à travers la wilaya de Bouira, il existe d’énormes potentialités dans ce domaine. Depuis la mise à eau du barrage de Tilesdit, beaucoup d’espoirs avaient été portés, quant à la réalisation d’une zone touristique où des activités de loisir, de détente et de récréation pourraient trouver leur pleine expression. A l’époque, le wali de Bouira avait chargé un staff de directeurs d’exécutif pour élaborer les premières propositions dans ce sens, susceptibles d’orienter le bureau d’étude qui sera choisi pour la préparation du projet. Ledit projet concerne les trois communes sur lesquelles s’étend le lac de Tilesdit (Haïzer, El Esnam et Bechloul). La commune de Haïzer est ainsi bien servie par les sites naturels qui l’enserrent par le Nord et par le Sud. Encore, faut-il capitaliser ces lieux et panoramas en vue d’en faire des sources de richesse, pour des populations qui ne demandent qu’à vivre décemment sur la terre de leurs ancêtres. Le barrage de Tilesdit, servant de périmètre sud de la commune de Haïzer, est construit sur l’Oued D’Hous (haute Soummam) et il occupe un site féerique au pied du Djurdjura. La faible profondeur de ses eaux est compensée par l’étalement de son plan d’eau, dont la distance la plus longue (direction Est-Ouest, de la queue à la digue) est d’environ 17 kms. Ainsi, le périmètre susceptible d’être mis en valeur sur le plan touristique n’est pas loin des 30 kms. Cette bande, qui doit subir un zonage selon la morphologie et le couvert végétal des lieux, devait être sertie d’espaces de détente au profit des populations locales et des touristes qui viendraient des autres régions du pays. Mais le tourisme est présent dans d’autres localités de la wilaya, c’est le cas de la station thermale de Hammam Ksenna, dont les bassins ont été ouverts au public récemment. Un site, dont une fois les travaux entièrement achevés, pourra drainer de nombreux touristes et curistes. Depuis que les chantiers ont été installés, il y a maintenant un peu plus de cinq ans, l’activité thermale a été de facto arrêtée. Cependant, face aux chantiers, de rudimentaires bassins ont été érigés provisoirement pour ceux qui ne sont pas assez «regardants» sur la qualité du service. A coup sûr, l’inauguration des premières vasques abritées dans des chambres en dur, donne un avant-goût de ce que sera le complexe à sa phase d’achèvement, soit une structure touristique et médicale de premier plan à l’échelle régionale. Les habitants de Hammam Ksenna et des régions avoisinantes arrivent à peine à croire, que ce qui avait fini par prendre l’aspect d’un projet mythique, voit enfin ses premières réalisations concrétisées sur le terrain. Ce projet, dont on parle depuis au moins une quinzaine d’années, va changer radicalement le paysage économique local de même que le décor quotidien de ces espaces. Les travaux, entamés en 2004 et interrompus pendant quelques temps pour des raisons obscures, visent la réhabilitation de l’ancienne station thermale, sise dans la commune d’El Hachimia, et qui a nourri les espoirs des populations locales en tant que lieu d’investissement créateur de plusieurs activités, génératrices d’emplois directs et indirects. Ce rêve a aussi habité depuis longtemps tous ceux qui, à un moment ou un autre de leur vie, ont eu à mettre à l’épreuve les vertus thérapeutiques des eaux sulfureuses d’El Hammam. Le destin de la station de Ksenna est celui de toute cette région boisée, située au cœur des Bibans où, à la vie austère et pauvre de ses populations rurales, est venu se joindre la terreur de la décennie noire, qui avait annihilé tous les espoirs d’une reprise économique ou sociale. Située à 17 Km du chef-lieu de la commune d’El Hachimia, la station de Hammam Ksenna prend naissance sur la façade du mont Guebr El Djahel, à environ 650 m d’altitude. Captée à cet endroit du temps de la colonisation, l’eau chaude chemine à travers un tunnel arqué et se dépose dans un premier bassin situé devant la bouche du tunnel ; à partir de là des conduites en PVC acheminent l’eau jusqu’au plateau des berges de l’oued El Hammam, où elle se déversait dans des bassins de réception. Tala Rana, dans la commune de Saharidj, est un autre espace présentant des atouts plus ou moins importants que ceux de Hammam K’sana. Connu et apprécié pour son eau minérale, son altitude et sa proximité avec Lalla Khlidja et Tamgout, le site focalise aussi l’intérêt de l’autorité locale. A côté de ces prédispositions naturelles, la wilaya a «hérité» d’un patrimoine historique qui remonte jusqu’à l’ère romaine. Auzia, l’actuel Sour El Ghozlane est la plus dotée en la matière, dans la wilaya. En effet, c’est à El Hakimia, daïra de S.E.G, que se trouve le tombeau de Takfarinas, qui a fait l’objet de restauration au même titre que le fort turc de Bouira, la muraille et les portes de S.E.G.

Des vestiges (pièces de monnaie et autres amphores) remontant à l’ère romaine, ont été trouvés à Tachachit, dans la commune d’El Adjiba. Des traces ne laissant aucun doute quant à l’existence d’une cité romaine, qui serait enfouie dans les parages. Tous ces vestiges existants, et d’autres à découvrir, sont un autre atout à impliquer dans la perspective d’un tourisme spécifique. Toute cette projection, qui du reste est du domaine du largement possible, ne peut être menée à bon port, que si, en amont, on accorde un intérêt à l’hôtellerie, le réceptacle d’un éventuel flux touristique. Et en la matière, Bouira ne recèle actuellement que de deux hôtels bien classés. En mai dernier, lors de la venue de Smail Mimoun, Ministre du Tourisme dans la wilaya de Bouira, ce dernier avait visité deux projets de construction d’hôtels : un établissement de 88 lits, à Ras Bouira et un autre d’une capacité d’accueil de 128 lits à la sortie nord de la ville. C’est dire que l’on est très loin de l’ambition affichée. Cela est d’autant plus vrai qu’il s’agit de deux établissements n’offrant que des prestations limitées à la restauration et l’hébergement. Mais il faut reconnaître, à la décharge des maîtres d’ouvrage que, en termes d’attraction touristique, le terrain n’est pas encore défriché à Bouira, même si les sites, en l’état brut, existent.

En fait, le tourisme ce n’est pas que du béton, c’est aussi et surtout une politique et des mécanismes pédagogiques à mettre en place, si l’on veut booster ce fragment de l’économie appréciable. C’est d’ailleurs à cela que fera allusion le ministre, lors d’un point de presse, animé en marge de cette visite. Il avait alors reconnu que le chiffre de 90 000 lits dont dispose l’hôtellerie à l’échelle nationale, est dérisoire. Un chiffre appelé à être revu à la hausse, d’ici 2014.

A la question de savoir si l’Algérie pouvait tirer profit des révolutions que vivent nos pays voisins, le ministre avait répondu que cela n’est que provisoire et que la démarche de l’Etat est de réussir un tourisme durable.

Hafidh B.

Béjaïa

Région à vocation agro-pastorale ou touristique ?

La célébration de la journée mondiale du tourisme a été l’occasion pour la Direction du tourisme et de l’artisanat de la wilaya de Béjaïa d’organiser trois journées durant des expositions et conférences au campus d’Aboudaou de l’université Abderahmane Mira. Ce fut l’occasion pour les conférenciers de relever qu’il y a un manque flagrant de prise en charge réelle du secteur et, particulièrement, des plages. Selon les services de la direction du tourisme, le ministère a réservé cinq millions de dinars pour l’étude d’aménagement et d’équipement d’un tiers des plages de la wilaya, dans un premier temps, avant d’étendre l’opération aux autres plages. Ce premier pas permettra d’espérer un avenir meilleur au secteur dans la wilaya. La région de Béjaïa, bien que majoritairement constituée de communes implantées dans les massifs montagneux et étant ainsi à vocation plutôt agro-pastorale, possède une centaine de kilomètres de plages, la plaçant parmi les régions touristiques par excellence. C’est la raison pour laquelle les autorités ont toujours prévu de prioriser le développement du tourisme multiforme qui constitue, à leurs yeux, l’atout principal de la région, à savoir le développement du tourisme balnéaire et de montagne, de l’écotourisme et le thermalisme. D’ailleurs, le secteur a enregistré ces dernières années plusieurs projets de réalisation d’infrastructures touristiques et hôtelières dont la presque totalité en milieu urbain et le reste en sites balnéaires. La mise en exploitation de ces projets donnera lieu au renforcement des capacités d’accueil du secteur par un apport de plusieurs centaines de lits et générera aussi plus d’un millier d’emplois. Pour ce qui est justement de ces infrastructures, même si Béjaïa dispose de près d’une quarantaine d’hôtels balnéaires et urbains, avec des capacités d’hébergement de près de 3 000 lits et ces dits projets de réalisation d’autres hôtels, dont le taux d’avancement dépasse les 70 % et pouvant augmenter la literie à près de 5 000, elle reste de très loin pauvre par rapport aux autres wilayas côtières. Heureusement pour celle-ci qu’une quarantaine de campings familiaux, implantés au niveau des stations balnéaires, assurent à eux seuls l’hébergement de 15 000 personnes par nuitée. En tout et pour tout, officiellement, hôtels, campings, centres de vacances, auberges de jeunes et maisons de jeunes comprises, les infrastructures au niveau de la wilaya de Béjaïa peuvent héberger plus d’une vingtaine de milliers de touristes. Ceci du point de vue officiel, il y a aussi l’informel qui consiste en la location d’appartements par les particuliers et… les agences. Le chiffre de ces deux catégories d’opérateurs reste toujours approximatif. Toutefois, le plus désolant c’est que ces structures n’arrivent pas à héberger tous les vacanciers, poussant certains d’entre eux à se rabattre sur la location de garages, sans aucune commodité en guise de lieux d’hébergement. La volonté des pouvoirs publics redorera-t-elle le blason de Béjaïa en tant que région à vocation hautement touristique ?

A. Gana

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