Bouira Programmes de développement rural / Le développement humain en question

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Améliorer les revenus des ménages, diversifier les activités économiques génératrices de richesses, installer des équipements publics et des infrastructures sociales permettant la stabilisation des foyers ruraux et le retour des populations déplacées au cours de la décennie rouge du terrorisme sont les quelques grands axes de la stratégie de développement rural promus par les pouvoirs publics depuis le début des années 2 000 dans la wilaya de Bouira.

D’une superficie de 4 454 km2, la wilaya de Bouira compte près de 700 000 habitants répartis sur 45 communes selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat d’avril 2008.

Sur l’ensemble de la population, 392 726 habitants sont classés comme étant des ruraux. Ils sont répartis sur 39 communes, elles-mêmes composées de bourgades, hameaux ou petits villages. Le caractère de ruralité outre la fait qu’il se différencie du caractère urbain, présente des nuances selon la région géographique à laquelle il s’applique. Ainsi, les grandes plaines céréalières d’El Esnam, Aïn Bessem et El Hachimia présentent, sur le plan économique, social et écologique, peu de traits communs avec la zone de montagne de Saharidj ou la zone de la steppe de Taguedite. La première catégorie fait patrie- du fait de la disponibilité foncière, des potentialités édaphiques et de la proximité des grands axes de circulation- de la zone où l’agriculture professionnelle s’est longtemps établie. Il s’agit généralement d’exploitations agricoles collectives issues des anciens domaines autogérés lesquels sont issus des anciennes fermes coloniales (Marco, Bonfils, Prieur, Bastos, Gabriel,…). La seconde catégorie est grevé d’un certain nombre de contraintes (pente, rare disponibilité foncière, morcellement excessif de la propriété absence de titres de propriété indivision, manque d’accès, sous-développement en infrastructures et équipement, non mobilisation de la ressource hydrique,…).

Cette forme de catégorisation a été bien diagnostiquée par la nouvelle orientation de la politique agricole menée par les pouvoirs publics. C’est pourquoi deux grands axes de développement sont tracés par le ministère de tutelle pour approcher et valoriser les différents territoires. Il s’agit du renouveau agricole et du renouveau rural tels qu’ils sont déclinés depuis 2008 par la ministère de l’Agriculture et du développement rural.

La superficie agricole utile (SAU) de la wilaya de Bouira est de 189 960 ha dont 11 460 ha en irrigué. La zone des parcours est estimée à 76 686 ha. Sur l’ensemble de la SAU, on enregistre la répartition suivante : 91 030 ha (soit 31 %) dans la zone de montagne ; 117 458 ha (soit 40 %) dans les zones de piémont et de plaine et 85 157 (soit 29 %) dans la zone agropastorale. Le nombre d’exploitants agricoles recensés est de 32 000 sur l’ensemble de ces territoires.

La vocation première de l’agriculture dans la wilaya de Bouira demeure incontestablement la céréaliculture. Cependant, d’autres cultures sont en train d’acquérir leurs lettres de noblesse à l’image de l’oléiculture, particulièrement dans la région Est de la wilaya, et de la pomme de terre dans les plaines d’El Esnam et des Aribs.

Pour une vision innovante des espaces ruraux

Outre le domaine strict de l’agriculture professionnelle, et dans le cadre du Plan national du développement agricole et rural initié par le gouvernement depuis l’année 2 000, la wilaya de Bouira a pu bénéficier d’une série de projets de proximité de développement rural pilotés par la Conservation des forêts. Entre 2003 et 2006, il étaient au nombre de 14 répartis aux quatre points cardinaux du territoire de la wilaya. En outre, la partie sud, composée de dix communes, a bénéficié des PPDR initiés par le Haut commissariat au développement de la steppe, antenne de M’Sila.

Les projets de proximité ont pu installer une nouvelle tradition en matière d’approche du monde rural. Des centaines d’hectares de vergers arboricoles ont été réalisés en plus de l’amélioration des sols céréaliers par des interventions mécaniques (labour profond). Des dizaines de sources ont été captées et leur eau a été mobilisée pour l’AEP et pour l’abreuvement du cheptel. L’aviculture et l’apiculture ont pu se frayer un chemin dans les foyers ruraux démunis.

A partir de 2005, un autre projet, cofinancé à l’époque par la Banque mondiale, a été lancé par la Conservation des forêts. Il porte le nom de PER 2 (projet d’emploi rural n°2), comme suite au PER1 lancé en 1996 dans la partie ouest du pays.

Le PER2 a touché 6 wilayas du centre et du centre-ouest du pays (Bouira, Médéa, Aïn Defla, Chlef, Tissemsilt, Tiaret).

Au niveau de la wilaya de Bouira, le projet s’étend sur onze communes relevant des daïras de Sour El Ghozlane, Bordj Okhriss et Bir Ghebalou. Ce sont les zones montagneuses du Titteri et des Bibans ainsi qu’une partie de la steppe de la région de Dirah qui ont bénéficié des actions du projet aussi bien en travaux agricoles, hydrauliques et forestiers que des fournitures destinées à participer à la promotion de la femme rurale.

Les travaux sur le terrain ont commencé en janvier 2006 et sont achevés dans leur presque totalité hormis le programme de pistes (ouverture et aménagement) appelé à subir une réévaluation et la retenue collinaire dont l’étude d’exécution vient d’être finalisée.

Le défi qui se dresse dans cette région de la wilaya est évidemment son caractère sociologique nourri par un système de production orienté quasi exclusivement vers le pastoralisme intensif et la céréaliculture. Pratiquées sur des terrains fragilisés par la pente et la régression du couvert végétal, ces deux activités ont fini par atteindre la masse critique qui fait courir des dangers certains pour l’offre fourragère et, en général, pour la durabilité de la vie dans ces contrées. Pauvreté chômage, déscolarisation, régression des rendements des céréales, rareté des fourrages, manque manifeste de politique de mobilisation de la ressource hydrique, inadaptation des méthodes culturales, bref, un dense ‘’arbre à problèmes’’, comme l’appelle les sociologues, où s’enchevêtrent les causes et les effets. Cela a entraîné après la longue parenthèse d’insécurité aidant, au dépeuplement des campagnes au profit de ceintures de misères dans les villes moyennes (Sour El Ghozlane, Aïn Bessem) ou dans le chef-lieu de wilaya, Bouira.

Le Projet d’emploi rural trace la voie

Parmi les projets ayant ciblé les populations rurales, le PER 2 occupe une place particulière par les échos favorables qu’il a eu auprès des adhérents-bénéficiaires, par la discipline ayant présidé à sa mise en application sur le terrain (contrôle et suivi des travaux, collaboration étroite avec les autorités locales et les élus,…) et surtout par son caractère participatif. Ces caractéristiques font de lui un modèle de conduite de projet de développement rural.

Sur les régions montagneuses de Dechmia, El Hakimia et Ridane, certains plants fruitiers ont aujourd’hui presque cinq ans d’âge. Ils commencent à donner les fruits. La majorité du nouveau patrimoine arboricole étant l’olivier. En effet, il s’adapte bien sur ces flancs de colline et de montagne sous le bioclimat semi-aride. À la limite même de cette région géographique, sous l’isoyète de 200 à 250 mm, le plant d’olivier et d’amandier se comportent comme un charme. En tout, ce sont plus de 2 000 ha de plantation fruitière, rustique et irriguée, réalisés en un temps record de trois campagnes de plantation au profit de près de 12 000 foyers. Dans le même souci de développer l’agriculture sur ces terres traditionnellement à la marge des investissements relevant de l’agriculture professionnelle, il a été réalisé 1 700 hectares d’amélioration foncière. Cette opération permet d’élever les rendements céréaliers par un labour profond croisé et par l’action d’épierrage. Des témoignages vivants ont rapporté la multiplication du rendement du blé tendre à raison de 25 à 30 %. De cette action, ont bénéficié plus de 600 foyers. Autour de beaucoup de parcelles, il a été procédé à la plantation de brise-vents (en tout, un linéaire de 300 km). Les plants de casuarina et de cyprès ainsi plantés permettront de protéger les jeunes vergers de l’action du vent, particulièrement le siroco qui souffle régulièrement sur la région au milieu du printemps.

Redéploiement de l’économie rurale

Les actions relevant du volet de la promotion de la femme rurale sont l’aviculture (15 000 poules pondeuses distribuées et les œufs se vendent déjà dans les marchés) et 300 machines à coudre attribuées aux jeunes femmes nécessiteuses ou ayant reçu une formation mais demeurant en chômage. Quant aux modules apicoles, 7200 ruches pleines ont été distribuées au profit de 800 bénéficiaires. En tout, ce sont plus 13 000 foyers ruraux ont pu bénéficier des actions relevant de l’activité agricole ou rurale. À cela s’ajoute la mobilisation des ressources hydriques par l’aménagement de points d’eau et sources (46 unités) et par le projet de retenue collinaire à Dirah (étude d’exécution achevée). Les actions que le PER 2 a introduit pour juguler un tant soit peu l’action destructrice de l’érosion sont les reboisements (500 ha), la fixation biologique des berges (209 ha), la correction torrentielle (70 000 M3) et les entretiens des peuplements forestiers par des travaux sylvicoles (1 150 ha).

En matière d’emploi, les chantiers des travaux réalisés ont généré près de 245 000 journées de travail, soit 1020 emplois équivalents.

Le Projet d’emploi rural constitue assurément une expérience capitale dans sa double articulation : d’une part, l’approche originale développée à l’endroit du monde rural où la participation et la communication sont les maîtres-mots. D’autre part, l’approche intégrée du territoire, particulièrement les zones de montagne où les défis se posent en termes de préservation. Des ressources, y compris la ressource foncière, et d’exploitation rationnelle de celles-ci.

Dans le cadre du contrat de performance signé entre le ministère de l’Agriculture et la Conservation des forêts à la fin de l’année 2008, 38 projets de proximité de développement rural intégré ont été formulés et validés par les instances de la wilaya. Les procédures de contractualisation connaissent actuellement leur vitesse de croisière. Ce sont des projets basés sur les mêmes objectifs que les anciens PPDR et qui se déclinent par axes thématiques précis : amélioration des conditions de vie des ruraux (réhabilitation des villages et ksours), diversification des activités économiques en milieu rural (amélioration des revenus), protection et valorisation des ressources naturelles et protection et valorisation du patrimoine rural matériel et immatériel.

Pendant l’année 2009, un autre programme portant sur des unités d’élevage a été mené sur le terrain où des modules d’apiculture et de cuniculture ont été fournis aux foyers ruraux.

Le programme de la protection des bassins versants ainsi que celui de la lutte contre la désertification se déclinent, eux aussi, en projets de proximité. Dans ce cadre, 18 projets ont été formulés au cours de l’année 2009. Les projets de proximité de la lutte contre la désertification (PP-LCD), au nombre de 10, ont reçu leur lettre de financement et la procédure de contractualisation est en cours. Au niveau de la commune de Saharidj, un Plan de développement local (PDL), avec financement de l’Union Européenne, a été initié en 2009. La première action lancée sur le terrain au cours du mois de mars dernier, est la réhabilitation d’un ancien canal d’irrigation long d’environ 5 km dans la localité de Taddart Lejdid.

Amar Naït Messaoud

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