A la recherche d’une efficiente synergie

Partager

Les universitaires algériens ne comprennent pas que, pour participer à des journées d’études ou séminaires à caractère scientifique en France, en Espagne ou en Tunisie, par exemple, le chercheur algérien puisse obtenir l’autorisation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Pour une telle mission, il sera appelé à justifier l’objet de son déplacement, l’ordre du jour du séminaire et le contenu de sa propre intervention. Le ministère se défend de vouloir brider l’esprit de recherche ou de limiter le déplacement des universitaires algériens. Il avance comme argument sa volonté de prévenir des situations où l’intervenant pourrait porter atteinte aux ‘’intérêts nationaux’’. Cette explication ne convainc pas beaucoup de monde. La démarche administrative ainsi adoptée par les autorités du pays est plutôt vécue comme une nouvelle forme de censure appelée à brider davantage l’esprit universitaire, les échanges académiques et la recherche dans notre pays. La colère des universitaires est allée jusqu’au point où une partie d’entre eux a pris l’initiative de lancer une pétition à travers la presse pour amener l’administration à annuler la mesure prise.

Par Amar Naït Messaoud:

En 2010, le taux de chercheurs algériens par rapport à la population totale est de 600 chercheurs pour 1 million d’habitants. La moyenne mondiale, apprenons-nous à l’occasion de la validation et du lancement de 34 programmes nationaux de recherche en mai dernier, se situe autour de 2 000 chercheurs pour 1 million d’habitants. Le Japon bat le record mondial avec le chiffre de 5 000 chercheurs pour 1 millions d’habitants. Globalement donc, l’Algérie dispose d’une ressource humaine de 17 000 chercheurs. Les ambitions du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique aux horizons 2020 est de pouvoir mobiliser un potentiel de 68 000 chercheurs. Pour chaque programme de recherche il est alloué un montant de 3 millions de dinars. Exceptionnellement, si le projet revêt une importance capitale, l’enveloppe financière peut être portée à 10 millions de dinars.

Tel qu’il est pris en charge par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le schéma de la politique de la recherche a fait l’objet d’une agrégation en loi-programme sous l’intitulé « recherche scientifique et le développement technologique » qui s’étale sur la période 2008-2012.

Les grands axes thématiques prioritaires ciblées par le ministère sont, entre autres, la promotion de la productivité agricole et aquacole (domaine relevant, avec la gestion des ressources en eau, de la sécurité alimentaire du pays), la prévention et le traitement des maladies transmissibles graves à travers une amélioration de la couverture sanitaire et de la situation épidémiologique, la production de médicaments génériques, la recherche dans les énergies renouvelables, la promotion des sciences et de la technologie, la protection contre les risques majeurs et le renforcement des sciences sociales et humaines.

Parallèlement à la validation des programmes nationaux de la recherche scientifique, une polémique est venue bousculer le monde universitaire et a pris des dimensions qui la placent dans la sphère des relations qu’entretient notre pays avec l’étranger.

En effet, l’ entrave dressée par l’administration à la participation des chercheurs algériens à des séminaires ou colloques à l’étranger est tombée comme ‘’un cheveu sur la soupe’’ au moment où des efforts pour réhabiliter l’acte de recherche sont fournis par tous les acteurs et partenaires.

Les universitaires algériens ne comprennent pas que, pour participer à des journées d’études ou séminaires à caractère scientifique en France, en Espagne ou en Tunisie, par exemple, le chercheur algérien puisse obtenir l’autorisation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Pour une telle mission, il sera appelé à justifier l’objet de son déplacement, l’ordre du jour du séminaire et le contenu de sa propre intervention. Le ministère se défend de vouloir brider l’esprit de recherche ou de limiter le déplacement des universitaires algériens. Il avance comme argument sa volonté de prévenir des situations où l’intervenant pourrait porter atteinte aux ‘’intérêts nationaux’’. Cette explication ne convainc pas beaucoup de monde. La démarche administrative ainsi adoptée par les autorités du pays est plutôt vécue comme une nouvelle forme de censure appelée à brider davantage l’esprit universitaire, les échanges académiques et la recherche dans notre pays. La colère des universitaires est allée jusqu’au point où une partie d’entre eux a pris l’initiative de lancer une pétition à travers la presse pour amener l’administration à annuler la mesure prise.

La recherche et le monde de l’entreprise

La diversité des propositions de thèmes à traiter dans le cadre du budget réservé à la recherche scientifique a contraint les responsables de ce secteur à procéder aux opérations de sélection. Cela prend le nom de ‘’validation des programmes de recherche’’. Il s’agit de filtrer et de hiérarchiser les thèmes proposés, opération qui débouche sur leur homologation et permet la mobilisation de l’enveloppe financière nécessaire à la mise en œuvre du programme.

Le gouvernement, par le canal du ministère délégué à la Recherche, a annoncé déjà en 2007 qu’il allait mettre une enveloppe financière de 100 milliards de dinars à ce secteur. À ce niveau, deux questions ne manqueront pas d’être posées par les institutions chargées de gérer cette enveloppe (université et autres laboratoires) et par les concernés eux-mêmes. Jusqu’à quand la recherche scientifique demeurera l’apanage exclusif de l’État, alors que dans la plupart du pays du monde elle est assurée en grande partie par des entreprises industrielles qui consacrent une partie de leurs budgets à l’axe de recherche/développement (symbolisée dans la comptabilité desdites entreprises par les initiales R & D) ? Cette question est induite par le fait qu’une recherche pragmatique, utile et efficace pour le développement ne peut réellement être ‘’commandée’’ que par ses futurs utilisateurs. De là découle la deuxième question : à quel type de recherche devraient s’atteler les Algériens ? Nous savons que la recherche fondamentale requiert des aptitudes et des enveloppes financières hors de notre portée et que la situation générale de notre économie ne peut pas justifier.

L’axe fondamental de notre système de recherche, tel qu’il est aperçu actuellement par la majorité des universitaires versés dans ce domaine, est incontestablement la recherche appliquée.

Que ce soit pour les besoins de l’industrie, de l’agriculture ou des autres secteurs de développement, l’on ne peut consentir des dépenses en recherche qu’en contrepartie d’un cahier de charges dans lequel seront inscrits les vrais besoins de l’économie en la matière et projetés les résultats d’application censés augmenter la productivité résoudre un problème technique ou apporter une nouvelle organisation des mécanismes de travail. L’idéal sera d’impliquer dans le futur proche les entreprises industrielles dans le financement de la recherche, et cela sans aucune coercition.

Au contraire, c’est en encourageant l’investissement dans l’économie d’entreprise par toutes formes d’incitations que, à un certain moment de sa croissance, l’unité de production ou l’atelier d’usinage sentira de lui-même –via la concurrence et la pression du marché-la nécessité du renouvellement des connaissances et l’impératif de l’innovation.

Même si la conception et la démarche relatives au domaine de la recherche scientifique bénéficient de nouvelles réflexions dans notre pays où l’administration et les universitaires concernés sont appelés à une concertation toujours plus approfondie, la stratégie générale dont est censée bénéficier la recherche souffre d’un certain flou aussi bien dans les modalités de la prise en charge de l’opération que dans les objectifs économiques qui lui sont normalement assignés.

Quelles chances pour le transfert de technologie ?

À l’occasion de la mise en œuvre des nouveaux plans de développements, la nécessité de transfert de technologie apparaît de nouveau. Ce concept, lancé à la fin des années 1970 lorsque des usines « clefs en mains » étaient livrées aux pays du Sud pour faire durer leur dépendance technologique- vient de retrouver en Algérie son une vive actualité à la faveur du lancement des programmes d’investissements publics quinquennaux. En effet, il est théoriquement attendu de l’intervention des entreprises étrangères dans notre pays non seulement la réalisation des travaux physiques prévus dans les projets qui leur sont confiés, mais également un transferts de savoir et de savoir-faire du fait de l’utilisation de la main-d’œuvre et des techniciens locaux. Bel idéal s’il en est.

Cependant, connaissant l’appât du gain et le recherche du monopole des entreprises en question, l’objectif risque de demeurer un vœu pieux. En tout cas, la chose ne peut pas relever d’un acte de prestidigitation.

Si l’on n’a préparé ni l’école ni l’université ni les unités industrielles pour opérer éventuellement ce fameux transfert, le savoir saura choisir les siens, c’est-à-dire les pays qui le prennent en haute estime en considérant que c’est la seule voie de salut pour une croissance et un développement durables. On contraire, dans un système basé sur le nivellement par le bas, toutes les énergies susceptibles de s’investir dans la recherche scientifique sont plutôt destinées à une marginalisation certaine. La fuite des cerveaux est la conséquence imparable de telles dérives de gestion. Toutes les tentatives initiées jusqu’à présent- y compris par le canal du ministère de la Solidarité nationale et de la communauté algérienne à l’étranger- pour favoriser un courant inverse de celui de la fuite des cerveaux sont demeurées vaines. Et pour cause ! le climat de la recherche, le statut social et d’autres facteurs spécifiques à notre pays dissuadent plus qu’ils encouragent de tels mouvements.

En focalisant parfois le débat dur l’espoir du retour des compétences nationales dans leur pays d’origine, l’on oublie que la recherche scientifique est un tout, une ensemble de maillons solidaires les uns des autres (financements, statut du chercheur, accès aux sources documentaires et statistiques, politique d’investissement et de création d’entreprises, participation des entreprises à la recherche,…).

Lorsqu’on prend connaissance des mécanismes de recherche mis en place depuis des décennies dans les pays développés- mécanismes institutionnels, managériaux, financiers, partenariat avec les entreprises privées, la société civile et les élus- l’Algérie enregistre un énorme déficit Actuellement, les sujets de recherche sont quasi exclusivement inspirés par des individualités au sein de l’université par des conseils scientifiques y siégeant ou par la tutelle administrative.

Les résultats de la recherche élisent souvent domicile dans les tiroirs de l’université. Leur prolongement sur le terrain ne bénéficie d’aucune garantie. Dans quelle mesure la nouvelle politique de la recherche pourra faire éviter aux investissements réalisés dans ce domaine le sort peu glorieux qui fut le leur sous le règne de l’économie administrée ?

Amar Naït Messaoud

Partager