Vers quelles alternatives de développement ?

Partager

Un demi-siècle après son indépendance, l’Algérie se donne un outil législatif relatif à l’aménagement du territoire. Il s’agit du Schéma national d’aménagement du territoire adopté par l’Assemblée populaire nationale en 2010 et qui déploie ses projections aux horizons 2025. Mieux vaut tard que jamais. Cependant, il y a lieu de prendre en compte les difficultés de redressement d’une situation de gestion du territoire où l’anarchie et le désordre sont les travers les mieux partagés aussi bien dans la gestion des ressources et la répartition de la population que dans les valeurs esthétiques d’urbanisme et d’hygiène environnementale.

Bien que les structures administratives et les services techniques chargés de ce volet important de l’économie nationale aient été installés depuis longtemps, au même titre que tous les autres services ayant simultanément les attributs techniques et de puissance publique, l’action et l’efficacité sur le terrain laissaient à désirer particulièrement à l’ombre de la rente pétrolière, pendant les décennies 70 et 80 du siècle dernier, où aucune espèce d’imagination ou de créativité n’était exigée des cadres et techniciens qui étaient chargés de l’administration spatiale de l’économie nationale et des équilibres naturels basés sur la gestion rationnelle des ressources.

Par Amar Naït Messaoud

Le passif en la matière est lourd à porter. L’ensemble des segments de la vie économique du pays et toute la collectivité nationale en pâtit d’une façon franche, directe ou insidieuse.

L’une des fâcheuses conséquences du développement anarchique que l’Algérie a héritées du processus de construction nationale après l’Indépendance est, aux yeux des aménagistes et des économistes, le déséquilibre de la répartition spatiale de sa population, des ses investissements et de sa gestion des ressources, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception la plus large qui recouvre aussi et surtout le capital foncier. Même si la terminologie moderne impose son lexique- aménagement du territoire, développement durable, sauvegarde de la biodiversité- qui fait florès au sein des bureaux d’étude et des départements techniques de certains ministères, les préoccupations relatives à la gestion des territoires ont accompagné les différents plans de développement des pays avancés et de beaucoup d’autres pays dits émergents. L’Algérie, qui s’est dotée depuis les années 1970 de structures administratives inhérentes à l’aménagement du territoire, s’est rapidement laissée griser par la rente pétrolière qui a permis une urbanisation effrénée et anarchique, suivie de pôles industriels autour de certains grandes villes. Cette situation a drainé des populations de l’arrière-pays montagneux et steppique au point où l’exode rural est devenue une réalité avec laquelle il faut compter dans tous les autres programmes de développement.

Il n’est un secret pour personne que la concentration démographique, industrielle et commerciale a élu domicile dans la partie la plus septentrionale du pays, à savoir la bande côtière limitée par l’Atlas Tellien. Plusieurs facteurs historiques, climatiques et sociologiques peuvent expliquer cette ‘’préférence’’ de vivre sur un territoire spécifique au détriment du bon sens et de la rationalité. Ces distorsions ont amené la densité de la population à avoisiner les 300 habitants/km2 en moyenne dans les wilayas du Nord tandis que sur les Hauts Plateaux elle descend parfois au-dessous de 50 habitants/km2. Les territoires du Sud, en revanche, enregistrent les densités les plus faibles allant de 10 à 20 h/km2.

Tous les indices montrent un engorgement de la partie Nord du pays. La concentration des activités économiques y a crée des problèmes de circulation presque insurmontables (le nombre d’accidents de la route est dans ce cas un des indices majeurs) d’autant que le réseau du chemin de fer n’a subi aucun changement depuis l’époque coloniale, se réduisant presque à l’unique maghrébine ligne Oujda-Tunis. D’autres problèmes d’infrastructure et d’équipement annoncent une asphyxie prochaine de la bande littorale (AEP, décharges publiques, réduction drastique de réserves foncières pour les programmes d’équipement,…). La devise d’ ‘’équilibre régional’’ arborée pendant des années- sous couvert de plans quadriennaux et de plans spéciaux- est, on en convient aujourd’hui, un slogan creux qui ne servait que de façade politique à des clientèles qui se disputaient le lobbying dans les hautes sphères du pouvoir.

Le SNAT (Schéma National d’Aménagement du Territoire) est conçu en tant qu’outil de gestion et de prospective ; il est initié par le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement à partir de 2004 et il est adopté en Conseil des ministres et par les députés en 2010. Ce schéma est présenté par ses promoteurs comme pouvant « anticiper les ruptures et les risques pesant sur l’espace algérien en tant que lieu de vie à protéger et à préserver ». Il a pour but de fixer, pour une population de 50 millions d’habitants d’ici 2025, les grandes orientations spatiales en matière d’investissement et de politique de développement, localisation des infrastructures de base et des équipements publics, voies de communication, ouvrages hydrauliques, zones à urbaniser, zones touristiques,…comme il prévoit aussi les actions qui pourront valoriser les espaces particuliers caractérisés par une sensibilité exceptionnelle comme les zones littorales, les couloirs steppiques, les zones désertiques, les franges frontalières et les zones de montagne.

Réaménager les territoires de la steppe

Entre la région côtière et le sud algérien, les Hauts Plateaux de la steppe se présentent sous forme d’un couloir naturel allant de la frontière marocaine à la frontière tunisienne. Ils sont limités au Nord par les derniers contreforts de l’Atlas Tellien (Monts des Daïas, Beni Chougrane, Ouarsenis, Titteri, Hodna, Monts de Constantine et Guelma) et au Sud par l’Atlas Saharien (Djebels Ksours, Amour, Ouled Naïl, Aurès). L’altitude moyenne y est de 900 m à 1100 m, mais l’aspect du relief présente une uniformité exceptionnelle, d’où le nom que la géographie physique a consacré à ce territoire : Hautes Plaines ou bien Hauts Plateaux. Ce dernier terme a eu les faveurs des livres et des médias. C’est un vaste territoire de plus de 200 000 km2, correspondant à la superficie de certains pays européens.

Les caractéristiques physiques et biotiques de ce couloir oblong allant de Naâma à Tebessa sur près de 1500 km de longueur sont connus des géographes depuis au moins le XIXe siècle : territoire steppique à base d’alfa, d’armoise, sparte et autres graminées supportées par un sol souvent chétif auquel succède, sur une grande partie de la surface, une dalle calcaire. Le réseau hydrographique est du genre endoréique (ses eaux, n’ayant souvent pas de débouché vers la mer, se déversent dans le continent au niveau des chotts, exception faite de certains réseaux, comme les sources du Cheliff à Djebel Amour et les sources de Bousellam-Soummam au massif de Boutaleb, au sud de Sétif). Le climat est caractérisée par une rudesse particulière, à savoir des amplitudes thermiques intenses (jusqu’à moins 10 degrés en hiver et 45 degrés en été), une faible pluviométrie à la limite de l’aridité (autour de 200 mm/an) et des pluies torrentielles à l’équinoxe de l’automne (fin août-début septembre).

Sur le plan économique, la région est historiquement connue comme étant une ‘’zone du mouton’’ comme l’ont qualifiée les géographes coloniaux. En effet, jusqu’à ce jour, les Hauts Plateaux sont considérés comme la réserve nationale en espèce ovine, en laine et en toisons de moutons. La viande de la plaine du Sersou (entre Tiaret et Aïn Oussara) était si bien estimée par les habitants de l’ancienne métropole que les bêtes abattues dans les abattoirs locaux étaient acheminées dans les 48 heures sur Marseille via la ligne de chemin de fer de Djelfa-Alger. Nul besoin de s’attarder ici sur la notoriété mondiale de la variété Ouled Djellal ayant pour origine cette petite localité de Biskra limitrophe des Hauts Plateaux de l’Est.

Cette vocation- par un élevage intensif et transhumant de l’ovin- que l’homme a imprimée à la région ne va sans incidence sur l’écologie de la zone. En effet, le potentiel végétal des Hauts Plateaux a atteint ses limites biologiques en raison du surpâturage et de l’anarchie régnant dans le secteur de l’élevage. Le capital alfatier se dégrade de jour en jour, alors qu’à un certain moment l’usine de Baba Ali de traitement de l’alfa ne suffisait pas aux grandes quantités récoltées sur ces territoires. La ligne de chemin de fer Djelfa-Blida était spécialement conçue pour le transport de cette matière première. Aujourd’hui, les dégâts occasionnés par les labours illicites, les défrichements et le pacage transhumant sont peut-être irrémédiables. Le premier signe inquiétant de la désertification en Algérie est bien la réduction en peau de chagrin du couvert alfatier et le recul de la valeur agrologique des sols du fait de la dégradation due à l’érosion. Sur les piémonts, les atteintes au capital végétal ne sont pas non plus à prendre à la légère. En tout cas, au cours de ces dernières années, la réduction de l’offre fourragère due à au surpâturage, couplée au phénomène de la sécheresse cyclique, ont fini par venir à bout des efforts de beaucoup d’éleveurs pour maintenir un métier ancestral et, pourquoi pas, le promouvoir à la faveur des nouvelles techniques relatives à l’agriculture et au développement rural.

Outre cette impasse écologique et économique, les difficultés auxquelles sont confrontées les populations des Hauts Plateaux algériens sont dues aux distances séparant les hameaux et les villes et au faible développement des infrastructures de base (routes, ouvrages hydrauliques, chemins de fer) et des équipements publics (centres de santé écoles, lieux de loisir,…). Il en résulte un fort degré de pauvreté des taux de chômage ahurissants, une déperdition scolaire exceptionnelle et même un phénomène de déscolarisation qui entraîne le travail précoce des enfants.

Le choix porté par les hautes autorités du pays pour développer la ‘’zone du mouton’’ remontent aux année 1970 lorsque le président Boumediene, dans sa vision où se mêlaient gigantisme et volontarisme, voulait installer ‘’sa’’ capitale à Boughezoul, un ‘’quatre-chemins’’ désertique situé sur la RN 1, et à équidistance entre quatre grandes villes aux quatre points cardinaux : Alger-Djelfa-Tiaret-M’sila. Des études ont été engagées sur plusieurs années, puis, c’est le silence radio. Ce n’est qu’avec Cherif Rahmani, ministre de l’Aménagement du Territoire, et Ahmed Ouyahia, Premier ministre, que le projet sera exhumé au début des années 2000, et ce dans le cadre des nouvelles villes dont fait partie Sidi Abdellah, dans la banlieue Sud-ouest d’Alger.

Mais, les défis des Hauts Plateaux ne peuvent se réduire à la construction d’une grande ville dût-elle être une nouvelle capitale. Au milieu des années 1980, des jeunes appelés du service national furent mobilisés dans des GTVF (groupements de travaux de voies ferrées) pour installer la ligne de chemin de fer de la rocade des Hauts Plateaux. L’expérience s’arrêta au niveau du tronçon Batna-M’sila. Il en fut de même avec le Barrage vert, toujours dirigé par l’ANP, destiné à installer sur les piémonts des Hauts Plateaux une ceinture verte pour arrêter le phénomène de désertification. Des choix techniques et une mauvaise prise en charge des données socioéconomiques et des réalités sociologiques de la région conduit à relativiser fortement l’impact de cet ouvrage dont les travaux se sont arrêtés au début des années 1990.

Il faut dire que toutes ces actions s’apparentent à un cautère sur une jambe de bois du fait que ce sont des solutions trop fragmentaires et trop émiettées- dans l’espace, dans le temps et dans la logique d’enchaînement rationnel- pour prétendre réhabiliter d’immenses espaces frappés par une crise multidimensionnelle et qui sont supposés alléger la pression sur les territoires du littoral et du Tell intérieur.

Le nouveau programme spécial Hauts Plateaux lancé en 2006 est doté d’une enveloppe financière de 620 milliards de dinars. Il y a lieu de reconnaître à ce programme une certaine cohérence de vision aussi bien socioéconomique que spatiale (aménagement du territoire). En effet, sa multisectorialité est l’une des garanties que veut se donner le gouvernement pour la réussite d’un grand projet qui s’apparente à un véritable défi. Aucun secteur de développement n’a été omis dans l’architecture de ce programme : urbanisme et construction (programmes de logements), travaux publics (routes nationales, départementales, ponts, viaducs), Agriculture et Forêt (élevage, céréaliculture, cultures irriguées, pistes, travaux sylvicoles, corrections torrentielles, fixation de berges), hydraulique (forages, retenues, captage de sources, canaux d’irrigation), santé (hôpitaux, centre de santé), industrie et énergie (électrification rurale, cellules photovoltaïques, raccordement au gaz de ville), éducation (lycées, CEM, écoles primaires), culture (centres culturels et de loisirs, cybercafés, salles de cinéma), transport (chemins de fer),…etc.

Cependant, comme pour l’ensemble des programmes d’investissements publics mis en œuvre depuis 1999, celui des Hauts Plateaux ne manque pas non plus de s’attirer des critiques venant de certains spécialistes qui lui reprochent un ‘’déficit de maturation’’ en matière d’étude et de planification dans le temps, de même qu’on émet des doutes sur les capacités des entreprises algériennes à pouvoir prendre en charge un tel programme.

Quoi qu’il en soit, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie, la zone de la steppe est appelée à être traitée par les programmes de développement en tant qu’entité physique et écologique particulière et en tant qu’espace humain et économique qu’il y a lieu de réhabiliter, de promouvoir et d’intégrer judicieusement dans le schéma national de l’aménagement du territoire.

Quel schéma de développement pour les zones de montagne ?

Sur l’ensemble du territoire algérien, la montagne représente 3,66% de superficie, soit 8 millions d’hectares. Cependant, par rapport aux zones les plus habitées du pays, à savoir la bande allant de la côte aux portes des Hauts Plateaux, le système montagneux représente 60% du territoire. Il est habité par environ 9 millions de personnes, ce qui représente 32,7% de la population totale du pays. Ces chiffres ont été révélés lors de l’installation, en septembre 2006, du Conseil national de la montagne par M. Chérif Rahmani, ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement. Ce Conseil a pour mission de promouvoir et d’aménager les différentes zones de montagne, de définir les activités spécifiques à cet espace et de coordonner l’action des divers acteurs y intervenant. Cette structure multisectorielle est aussi appelée à jouer un rôle prépondérant dans la sensibilisation à la notion d’espace montagneux et de définir les conditions d’octroi des subventions sur le Fonds de la montagne dans le cadre du développement durable. Le cadre réglementaire permettant à tous les acteurs de la politique de la montagne d’agir en parfaite symbiose et synergie est le Règlement d’aménagement du territoire des massifs montagneux.

Les zones de montagne constituent des entités écologiques spécifiques sur le plan physique, biologique et humain. Il convient de signaler que l’intérêt des pouvoirs publics pour les zones de montagne remonte aux années 80, du moins pour ce qui est des sous-espaces agro-forestiers. En 1988, un établissement étatique fut crée à cet effet. Il s’agit de l’OAMV, l’Office d’Aménagement et de Mise en valeur des terres de montagne, qui avait pour mission d’aménager ces espaces fragiles et de les mettre en valeur dans le respect de leurs spécificités naturelles. Cet établissement sera dissous quelques années plus tard. L’action de l’État en la matière sera réduite à des politiques par à-coups caractérisées plus par le ‘’saupoudrage’’ que par la cohérence et l’efficacité.

Même les parcs nationaux, comme ceux de Belezma (Batna), Djurdjura (Tizi Ouzou et Bouira) et Theniet El Had (Tissemsilt), dont les structures sont pourtant mises en place depuis plus de vingt ans, n’ont pas encore élaboré une véritable stratégie de la montagne. Leur action s’était confinée, jusque dans un passé récent, dans une espèce de ‘’tour d’ivoire’’ faisant privilégier la notion de biodiversité dans des zones généralement très peuplées. L’intégration des populations riveraines au développement harmonieux de ces espaces particuliers est une idée récente imposée par la nécessité d’un développement durable.

Au début de l’année 2008, les conservations des forêts des wilayas ont transmis à leur tutelle des plans d’action orientés vers le développement des zones de montagne. Ces programmes intégrés- combinant la lutte contre l’érosion, la mobilisation des ressources hydriques, la reconstitution des espaces forestiers et l’agriculture de montagne-sont censés être étudiés et inscrits au profit des communes concernées. Mais, aucun calendrier n’est encore fixé pour la mise en œuvre d’un tel programme.

En juillet 2008, une réunion des cadres du secteur de l’agriculture a porté sur le thème majeur de la politique de la montagne.

Cet important chapitre qui fait combiner le soutien à l’agriculture traditionnelle, la nouvelle notion de développement rural durable et la promotion de la biodiversité a déjà été mis sur la table par les pouvoirs publics au début des années 1980 sans que qu’il ait le prolongement pratique souhaité sur le terrain. Hormis les expériences, par ailleurs très concluantes, des opérations de défense et restauration des sols (DRS) menées sur les terrains en pente (gradins, banquettes plantées en arboriculture fruitière) jusqu’au milieu des années 1970, peu de projets peuvent se prévaloir d’une quelconque réussite qui puisse améliorer sensiblement le niveau de vie des populations ciblées.

Le propre des montagnes maghrébines, particulièrement de l’Atlas tellien, est leur densité démographique. Dans certaines zones, comme la Kabylie, les Aurès, les Bibans et les Babors, la ‘’masse critique’’ est atteinte depuis longtemps. De même, il importe de savoir que certaines wilayas du Nord d’Algérie ont plus de 60% de leur territoire composé de montagnes. Tizi Ouzou, Béjaïa, Skikda, Jijel sont parmi les régions les plus montagneuses d’Algérie avec une pression démographique des plus fortes (densité allant jusqu’à 500 habitants au km2). Les statistiques de la wilaya de Jijel donnent une proportion de 82% de territoires montagneux sur la superficie totale de la wilaya. La frange de plaine littorale allant d’El Aouana à Sidi Abdelaziz voit parfois sa largeur réduite à 2 km.

Du fait d’une politique peu claire en matière de gestion de ces espaces spécifiques, les régions montagneuses d’Algérie, qui ont subi les affres de la guerre de Libération et la pression terroriste au cours de la dernière décennie, ont été les parents pauvres du développement et des actions de protection. Des spécialistes ont établi le diagnostic des dégradations qui commencent à affecter sérieusement la montagne algérienne. Ces dégradations ne résultent pas toujours des effets d’un développement inadéquat, mais il est aussi le produit de ce que les aménagistes appellent la ‘’stratégie de survie’’ des populations. En effet, confrontés à la misère et à l’enclavement, les populations, avant de se résoudre à l’exode et au déracinement dans les villes, s’emploient à exploiter au maximum les ressources naturelles au-delà de toute rationalité jusqu’à compromettre leur régénération et entraîner d’autres dommages ‘’collatéraux’’ difficilement réparables. La déforestation et l’urbanisation anarchique ont entraîné la réduction des espaces cultivables et l’accélération de l’érosion des terrains de montagne. Ce dernier phénomène, outre qu’il annihile l’offre fourragère et arrache la meilleure couche arable du sol, constitue un danger pour certaines infrastructures qu’il déstabilise (routes, rail) ou dont il réduit les capacités de rétention (barrages hydrauliques). D’autres corollaires, à plus ou moins brève échéance, sont encore induits : disparition de certaines niches écologiques, amenuisement de la biodiversité régression de l’attractivité touristique et dépeuplement des hameaux et bourgades de la montagne. L’exode rural a fini par compliquer et exacerber la crise dans les villes sans, pour autant, diminuer le rythme de dégradation des zones de montagne.

En 2009, le Centre national des études en économie appliquée (CENEAP) a été chargé par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de mener des études sur les massifs montagneux de l’Algérie visant à l’identification et la classification des zones de montagne. Ces opérations sont réglementairement prévues par la loi n°04-03 du 23 juin 2004 relative à la « protection des zones de montagne dans le cadre du développement durable » et le décret exécutif n° 05-469 du 10 décembre 2005 fixant les études et les consultations préalables ainsi que les procédures relatives à ce genre d’opérations.

La classification officielle des communes de montagne leur fera acquérir un statut qui leur ouvrira les possibilités d’accéder à un fonds de développement spécifiques appelé « Fonds de la montagne », comme elle induira un traitement spécifique pour ces communes dans les autres actions de développement et, cela, en tenant compte d’une multitude de critères : pente, altitude, érosion, rigueur climatique,…etc.

Ces nouveaux instruments techniques et juridiques établis par les pouvoirs publics- et qui s’insèrent dans la nouvelle stratégie de l’aménagement du territoire- seront-ils à même de juguler la régression économique, sociale et écologique qui menacent les zones de montagnes ?

Amar Naït Messaoud

[email protected]

Partager