Accueil Éducation ‘’Le courage, c’est…’’

Extrait de ‘’Discours à la jeunesse’’- Lycée d’Albi (1903) : ‘’Le courage, c’est…’’

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«L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car, le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. Le courage, ce n’est pas de livrer sa volonté aux hasards des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action. Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de la bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli, c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de ménager à son égard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendues. Le courage, c’est d’être tout ensemble et quel que soit le métier, un praticien, et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés. Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes. Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir, mais de n’en être pas accablé et de continuer son chemin.

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Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».

Jean Jaurès

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