Takfarinas : “J’ai hâte de retrouver mon public”

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Propos recueillis par Mohamed Mouloudj :

En dépit des blocages qui empêchent sa tournée en Algérie, Takfarinas, persiste et signe. « C’est un traumatisme artistique cet état de fait », estime-t-il ,concernant sa tournée qui n’arrive toujours pas à voir le jour en Algérie.

Dans cet entretien Takfarinas évoque presque tous les sujets liés à sa condition d’artiste, ses nouveaux albums, la chanson kabyle, le rythmé la Yal musique et le chaâbi et pleins d’autres sujets.

« Je n’ai fait que ressortir ce qui m’habite en terme musical et artistique », estime-t-il concernant son dernier travail.

mencer, qu’est- ce que vous attendez de vos nouveaux albums ?

Takfarinas : ce que j’attendais de ces albums, c’est, tout naturellement, qu’ils plaisent au public et à mes fans. D’après les échos que j’ai eus, le produit fait un tabac. C’est cela ,ce que j’attendais. Quand votre travail attire et plaît aux gens, je crois que c’est l’attente de tout artiste,

Donc l’écho que votre travail a eu est convaincant ?

D’abord, je dois préciser que ce travail est destiné dans son intégralité à l’Algérie et à toute l’Afrique du nord et au monde entier. C’est comme si je dirai que j’ai fait ce travail pour nous même, I nekni ! Et j’ai remarqué aussi,que même les étrangers, cherchent cet album. C’est dire que même sur le plan international, ce travail cartonne auprès des étrangers.

Quelles en sont les raisons qui font que ce travail destiné à l’Algérie trouve une oreille attentive même ailleurs ?

Vous savez , chacun de nous aime connaître, goûter et voir ce que produit autrui. C’est dire que les étrangers veulent goûter à nos plats, à notre travail et le connaître. Dans ces albums j’ai fait de la musique purement algérienne, donc, je pense que c’est cela qui a fait que même ailleurs, on s’intéresse à ce travail, dans le souci de goûter à notre musique.

Pourquoi ce mélange entre la Yal musique et du pur chaâbi ?

C’est ce que j’ai en moi, et je l’offre à mon public. Je n’ai fait que ressortir ce qui m’habite en terme musical et artistique. La Yal est ce que nous chantions depuis toujours et qui constitue notre musique moderne. Quant au chaâbi, comme vous le savez, j’ai été élevé dans cette musique, donc, je n’ai fait que métisser les deux musiques pour ressortir ce que je produis.

Le chaâbi a pris la part du lion dans tout le travail … ?

Le chaâbi c’est la base. Cette musique est ancienne, conçue par nos maîtres, donc, ce que j’ai fait ,attirera de plus en plus le public parce qu’il s’inscrit justement dans cette optique : la poursuite de l’œuvre des anciens.

Est-ce que vous prévoyez d’autres activités artistiques en dehors de l’édition de ces albums, des tournées, des spectacles… ?

D’abord, je dois rappeler que cela fait 20 ans que je n’en ai pas donné de spectacles ici en Algérie. C’est un traumatisme artistique cet état de fait. Durant la décennie noire,c’est à dire les années 90, c’est tout le monde qui a été touché par ce qui s’est passé. On pensait beaucoup plus à notre survie et non pas à l’art. Et depuis 2000, à nos jours, c’était une décennie noire pour moi. C’est depuis dix ans que je cherche de trouver le moyen pour chanter chez moi, mais en vain. Je n’arrive pas à décrocher le fameux sésame qui me permettra de me produire chez les miens. J’ai sollicité tout le monde ,j’ai frappé à toutes les portes mais toujours rien en contrepartie. En 2006, j’ai tout fait pour décrocher une tournée, à tel enseigne qu’ils m’ont demandé de chercher des sponsors,C’est ce que j’avais fait en mon âme et conscience mais comme vous le savez, c’était sans résultat. Ailleurs, ce n’était pas à l’artiste de chercher des sponsors.

Pourquoi avez-vous accepté tout cela ?

J’ai accepté dans le seul souci de leur prouver que je veux me produire et chanter chez moi, je veux rencontrer mon public. C’est leur dire que je viens d’en bas pour solliciter ceux qui sont là-haut. Je n’ai pas envoyé mes managers, mais je me suis présenté moi-même. D nek id yussa-n s-uqamum-iw. Et ce sont les autorités culturelles qui m’ont orienté vers les sponsors. Ils m’ont même demandé d’aller voir les tourneurs indépendants, mais cela n’existe pas bien sûr chez nous. Chez nous, je connais ceux qui font les fêtes de mariages, mais, en ce qui me concerne, je voulais faire de grands spectacles, et non pas de simples fêtes.

8) Comment avez-vous réagi à toutes ces orientations au-delà du fait que vous aviez « obéi » ?

On est un pays, dont je ne dirai pas sous développé mais plutôt en voie de développement,ou du moins , nous voulons le faire participer à la logique de développement. Nous voulons avancer même si notre pays marche à pas de tortues. Et je précise que seul l’argent prime ! Mais en ce qui me concerne, j’ai atteint ma vitesse de croisière. Je roule bien et je suis en égalité avec des puissances mondiales dans le domaine musical. On n’a pas de complexe devant les autres musiques du monde.

C’est dire que des blocages empêchent votre tournée en Algérie ?

Oui effectivement, il y’a des blocages. Au fait, si mon choix était porté sur les petites salles comme le Casif ou autres, je peux venir tout de suite, mais ce n’est pas cela que je cherche et ce n’est pas mon style. Durant les années 80, je faisais des galas dans des stades et je roulais avec des camions de matériels, alors comment voulez- vous que je régresse et que je recule !

Nous faisons notre devoir d’une manière sérieuse et avec abnégation. Nous avons quitté le pays pour s’abreuver du savoir des autres et mon devoir est de le présenter à notre public afin de promouvoir notre culture et la développer avec.

Cette situation n’est pas étrangère à celle que vit l’artiste en général en Algérie… ?

Notre art est magnifique. Il a fait le tour de la planète. Nos artistes réussissent partout dans le monde, mêmes les étrangers, nous rapprochent le fait qu’on réussit chez eux, donc, c’est grâce à eux. Ils nous le repprochent souvent en nous disant, «vous avez réussi mais chez nous ». De mon côté je dis souvent que j’ai réussi d’abord chez moi avant que je ne le fasse ailleurs. J’ai exploité tout mon travail ici, même si, j’ai édité ailleurs, et c’est ici que j’ai fait la scène, chez nous. C’est grâce au public algérien que je suis là où je suis aujourd’hui. Je me suis dit qu’il n’est jamais trop tard pour venir travailler ici après la difficile période que nous avons vécue.

Quel est votre commentaire quand des artistes étrangers, généralement du Moyen-orient sont payés à coup de milliards pour des galas en Algérie et que nos artistes ne trouvent pas de place dans de petites fêtes. Ce que des artistes dénoncent depuis le temps… ?

Ce n’est pas grave si des artistes étrangers produisent chez nous. On est un pays civilisé et c’est tant mieux. Mais dans le cas où des étrangers font ce qu’ils veulent chez moi alors qu’on me l’interdit pour moi, je dirai plutôt non ! Cela est un traumatisme comme je l’ai déjà dit.

Je pense que le budget alloué à ces galas n’est pas du ministère de la Culture dont les subventions sont très réduites, mais je remarque que des budgets colossaux sont dégagés pour des festivités comme Tlemcen capitale de la culture islamique, le Panaf, où je devais prendre part avant de voir les contacts rompus avec les responsables dont j’ignore toujours les raisons.

Ils veulent seulement qu’on fasse ce qu’ils veulent, pourtant on ne demande que chanter.

Je ne veux pas être commandé dans ma scène, et je veux le faire comme je l’entend , c’est ce que je faisais ailleurs. Je ne demande pas à être président ou ministre ?

Par rapport à vos venues dans le cadre de certaines des festivités, vos fans évoquent souvent votre venue à l’émission Alhan Oua Chabab… ?

J’étais invité à cette émission conçue pour les jeunes artistes. J’ai accepté parce que l’émission est une louable initiative, et j’y étais sans contrepartie. Elle est destinée à la jeunesse et j’ai apporté ma modeste contribution. J’ai seulement demandé que l’émission soit préparée et diffusée dans les règles. Ils ont, effectivement, mis les moyens nécessaires à la disposition de Amar Bahloul, qui est un homme qui assume souvent. Ils m’ont invité pour inaugurer et clôturer l’émission. Je suis venu pour la jeunesse.

Et votre single consacré à l’Equipe nationale … ?

J’ai été très touché par la violence dont ils étaient victimes nos joueur au Caire. J’ai été en Algérie juste pour vivre la chaleur et l’ambiance. Et j’ai décidé de partir au Soudan pour les soutenir et ensuite en Afrique du Sud. Je me suis dit qu’il n’était pas question de ne pas composer une chanson sur cette épopée. En plus, j’aime le football.

Quelle est la place de la Kabylie dans votre produit … ?

Je dirai que mes albums sont la Kabylie. Mon travail c’est la Kabylie, c’est la culture de Tamazgha. Mais ils sont destinés à l’Algérie, à l’Afrique du Nord et au monde entier.

Mis à part ce que nous avons évoqué comme blocage pour votre tournée, avez-vous du moins, prévu une rencontre avec le public en Kabylie ?

La seule rencontre avec ma famille, donc, mon public, est de chanter. Je ne peux faire plus que ça.

Un spectacle…. ?

Plus que ça. Je prévois une tournée qui démarrera de Tizi-Ouzou, Bgayet, Batna, Annaba, Oran…pour sillonner tout le pays.

Un mot sur les nouvelles figures de la chanson kabyle…

Beaucoup de jeunes travaillent avec les tendances d’aujourd’hui. Les gens suivent le rythme. Aujourd’hui, c’est le monde entier qui est envahi par des nouvelles tendances qui ne s’éternisent pas. Le monde actuellement même s’il est dominé par l’électronique, une tendance tire vers le retour à l’acoustique. Tout le monde aime voir un artiste jouer d’ un instrument.

Le rythmé par exemple dans la chanson kabyle…

Nous les artistes, nous savons ce qui ce fait réellement. Quand vous allez en studio, et que vous utilisez les machines, les gens pensent que vous avez mis du temps et fourni des efforts, mais en réalité non. C’est un seul rythme qui tourne en boucle dans tous les albums. C’est vrai, certains rythmes font plaisir et donnent envie de danser, mais ce rythme basé sur le va-et-vient et encore utilisé dans tout l’album n’est pas vraiment fameux. C’est dérisoire comme travail. On a d’autres rythmes à faire valoir en dehors de quelques uns. On a une richesse de rythmes extraordinaire. Tout autre chose est de la facilité.

Quel est donc votre conseil pour les jeunes artistes ?

Je leur dirai seulement de travailler l’art. On dit en kabyle ; xas ur nelsi axelxal, nwallat ghur medden. (Même si nous n’avons pas porté de bijoux, nous les avions vu chez les autres).

Donc, on a qu’à regarder et suivre les autres dans leur manière de faire de la musique pour apprendre. En plus, les jeunes d’aujourd’hui ont les moyens avec Internet et les autres moyens de télécommunication, contrairement à nous ,qui n’avions que les chaînes de radio.

Par exemple, pourquoi, nous ne pouvons pas faire comme les autres dans d’autres domaines aussi.

Aujourd’hui, on a les moyens de diffuser notre travail pour toute la planète.

Donc, grosso modo, je dirai, encore une fois, il faut travailler et faire surtout de l’artistique.

Beaucoup de jeunes font de la belle musique.

Des noms de jeunes artistes…

Je ne peux pas citer de noms, de crainte que d’autres ne vont pas apprécier ou se décourager.

Ça sera un encouragement pour ceux que vous allez citer?

Je ne fais pas de différence entre eux. Beaucoup font du très bon travail, mais ils ne sont pas mis en valeur pour des raisons que j’ignore. Mais je dois citer par exemple, le téléchargement qui une vraie source de problèmes pour les artistes. Il faut que les gens comprennent que quand vous achetez un MP3, vous venez de porter un coup dur pour l’artiste en question.

Toute une carrière à 100 DA est une manière de casser l’artiste qui ne pourra plus donner.

Des questions à réponses courtes : Takfarinas et l’Algérie ?

C’est mon pays. Tout ce que je dis, c’est pour lui ! Il n’en est pas question que je ne chanterai pas comme je veux chez moi. En tant qu’artiste, je suis universel, mais en tant qu’Ahcene Zermani, je n’ai pas de pays de rechange. Je ne vais pas lâcher.

Takfarinas et Taqvaylit ?

Rien que ça !

Takfarinas et la Kabylie ?

Je l’ai déjà dit , c’est comme si vous me disiez est- ce que l’eau est mouillée !

C’est en Kabylie que respire la liberté pour l’Algérie et toute l’Afrique du nord.

Takfarinas et la Yal musique ?

C’est la musique de tous les Amazighs . C’est notre musique.

Un mot pour terminer ?

Je dédie ce travail à tous les parents, Imawlen. Et je souhaite que l’amour qui me lie avec ma famille,mon public grandira. Je dédie aussi ces deux albums à tous les martyrs de la liberté de par le monde et à Matoub Lounes.

M. M.

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