Urgence signalée

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L’actualité du pillage du patrimoine et des objets historiques de l’année 2010 qui vient de s’achever est tout simplement effrayante. La presse s’est dernièrement fait l’écho de plusieurs actes de ce genre, particulièrement à l’Est du pays où l’Algérie regorge de vestiges et d’objets de valeur aussi bien dans l’enceinte des musées (Skikda, Guelma, Constantine) que sur les sites historiques à ciel ouvert. Une grande partie de ces objets prend la destination de la Tunisie. Certains chefs-d’œuvre continuent leurs chemins jusqu’à l’Europe.

En 2009, Mme Khalida Toumi, ministre de la culture a annoncé un plan d’urgence pour le renforcement de la protection du patrimoine culturel et de la lutte contre toutes formes d’atteinte aux bien culturels ou de tentatives de trafic de ces biens. Les informations sur les vols, la destruction et le trafic des biens culturels matériels (pièces de musée, tableaux de peinture, peintures rupestres,…) qui va jusqu’à l’exportation illégale vers les pays voisins ou vers l’Europe ne cessent de se multiplier et d’inquiéter l’élite éclairée du pays. Le membre du gouvernement a essayé de sensibiliser l’opinion et surtout les autres partenaires de l’administration (services de sécurités, APC, wilayas,…) pour apporter leur part de contribution à la protection des pans entiers de la mémoire du peuple algérien et de ses valeurs culturelles ancestrales.

Des inspections et des audits réguliers doivent accompagner la gestion du patrimoine. Sur les grandes aires où reposent des centaines, voire des milliers, de pièces archéologiques à ciel ouvert (parc national du Hoggar-Tassili, site archéologique de Brizina, au sud d’El Bayadh, les Djeddars de Tiaret, les sites de Aïn Sefra,…) ou dans les villes antiques comme Timgad, Tipasa ou Djemila, l’action des pouvoirs publics est plus que sollicitée. Elle est le seul moyen qui puisse arrêter la saignée de la mémoire collective des Algériens et qui, hélas, commence à être bradée en lambeaux sur les marchés de brocante d’Europe ou dans les magasins des antiquités. Dans un domaine aussi sensible de la vie de la collectivité nationale, où la symbolique et le poids de l’histoire jouent un rôle prépondérant, la sensibilisation permanente et à tous les niveaux des institutions du pays demeure incontestablement la meilleure arme pour protéger et promouvoir ce précieux legs de l’histoire nationale millénaire.

Un mois du patrimoine, période pendant laquelle, chaque année, s’organisent journées d’études et campagnes de sensibilisation autour du précieux legs, matériel et immatériel, laissé par les générations qui nous ont précédés et dont l’âge remonte parfois jusqu’à…l’âge de pierres, ne suffit guère pour vulgariser notre patrimoine culturel et sensibiliser les citoyens à son importance. A plusieurs reprises, des spécialistes, des médias et des responsables chargés du secteur ont tiré la sonnette d’alarme sur le sort réservé à certaines pièces culturelles ou historiques, mémoire censée être indélébile du peuple algérien. Le phénomène du vol de pièces archéologiques et de musée a pris une ampleur inquiétante au cours des quatre dernières années, y compris dans la zone du Parc du Hoggar-Tassili.

En effet, il ne se passe pas un mois sans que la presse ne fasse état de vol, pillage, vandalisme, concernant le patrimoine culturel et historique de notre pays.

Ce nouveau phénomène de vandalisme particulier nous jette à la figure l’étendue de notre impuissance et la puissance notre inconscience face à ce qui prend l’allure d’une forfaiture nationale commise à l’endroit de la mémoire et de l’histoire du peuple algérien.

Certes, nous avons cette consolation d’être informés par la presse ; mais, c’est pour mieux culpabiliser, sans grand résultat, les autorités chargées de la protection d’un patrimoine datant de plusieurs milliers d’années et éparpillé aux quatre coins du pays. Y a-t-il façon plus pernicieuse de tuer le sentiment d’appartenance à un pays, à une culture, à une civilisation ? Y a-t-il manière plus avilissante de jeter la jeunesse algérienne dans le giron du nihilisme et dans les bras de l’intégrisme en leur faisant perdre les repères les mieux établis historiquement ?!

On n’insistera jamais assez sur la nécessité de déployer un plan d’urgence pour protéger les sites archéologiques, les musées et autres lieux de mémoire. Toutes les instances sont concernées : structures du ministère de la Culture, services de sécurité Collectivités locales,…Il s’agit aussi de renforcer la législation en la matière en la rendant plus répressive et plus dissuasive.

A.N.M.

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