Les amazighs revendiquent leur place dans la nouvelle Libye

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Dans ce sillage, la libération de Tripoli a été un véritable tremplin pour les amazighs qui y ont organisé une manifestation grandiose dans la place des martyrs. Au cours de ce gigantesque rassemblement, qui s’apparentait à une véritable démonstration de force, les berbères de Libye, drapeau amazigh à la main, ont scandé à l’unisson leur revendication de l’officialisation de leur langue.

Au moment où Fethi Benkhelifa, militant berbère et conseiller au CNT, se faisait élire, à Djerba, à la tête du Congrès mondial amazigh, le peuple berbère de Libye manifestait à Tripoli pour la reconnaissance officielle de la langue et de la culture Amazighes. Plus que jamais, cette question sera au cœur du débat politique dans la Libye nouvelle. La mort de Kadhafi devra, justement, ouvrir les horizons d’une reconnaissance qui viendra libérer ce peuple de 42 ans d’isolement. Cela dépendra, cependant, de l’orientation que voudrait donner le CNT à la nouvelle Libye. Les régions de Zouara, l’Adrar Nefoussa ou les Villes de Yefren, Jadu, Kebaw, Kikla et tant d’autre villes habitées par le peuple amazigh de Libye, respirent la liberté et savourent l’ouverture dont ils ont été privés depuis plus de 42 ans . À l’aube d’une nouvelle ère qu’amorce la Libye, les berbères ne veulent pas restés en marge de l’histoire et espèrent plutôt lutter pour exister dans la nouvelle Libye qui se profile. Lors d’une imposante manifestation publique, la première après un calvaire de tant d’années de tyrannie, les Amazighs de Libye ont scandé sur la place des martyrs à Tripoli, libérée de la dictature, un seul mot d’ordre, la reconnaissance de leur identité et l’officialisation de la langue berbère. Mais comment, justement, ces Amazighs, longtemps réprimés et condamnés à vivre dans les ténèbres, ont-ils réussi à se propulser au devant de la scène d’un mouvement de rébellion qui s’est vite transformé en révolution qui a coupé la tête d’un régime tyrannique ? Alors que les combats s’intensifiaient dés le début de l’année en cours, les berbères de Libye feront leur apparition dans ce mouvement dés Février, jouant ainsi, par le biais des combattants postés à l’ouest du pays, aux montagnes de Nefoussa et dans la région de Zaoura, un rôle capital dans la suite des événements, puisque c’est justement à partir de cette contrée, distante d’un peu plus de mille kilomètres de Benghazi, base de la révolution Libyenne, que l’assaut final sur Tripoli a été mené avec l’implication de troupes majoritairement constituées par les Amazighs qui se sont assurés, au préalable, du contrôle du poste frontalier avec la Tunisie, ce qui a évidemment donné une crédibilité et une importance grandissante à leur action. À partir de là les Amazighs de Libye ont pu s’imposer et sortir de l’isolement dans lequel ils ont été confinés durant de très longues années. Cet engagement féroce pour la chute du guide, « rois des rois d’Afrique », ne sort pas du néant, mais il est justifié par une répression des plus sauvages exercé sur tout ce qui symbolise ce peuple. Considéré comme des citoyens de seconde zone, les berbères de Libye retrouvent, avec la chute du régime de Mouammar Kadhafi, leur liberté de parole. Longtemps réprimés et condamnés à renier leur culture et leur origine, les Imazighen explosent et laissent apparaître, enfin, leur identité qu’ils assument pleinement. Sous l’ère Kadhafi, parler ou écrire en langue Amazighe était interdit et passible d’une lourde peine de prison. Déjà en 2009, soit quelques mois seulement avant le début de la rébellion qui a mené le régime libyen à la chute libre, la région de Neffussa, à l’ouest de Tripoli, a été le théâtre d’appels au lynchage publique des amazighs, notamment ceux de la ville de Yefren connue pour son engagement pour la cause berbère. Des militants du Congrès mondial amazigh (CMA) ont été persécutés sous l’œil malveillant des très zélés membres des comités révolutionnaires, mis en place par le guide libyen, alors que durant les années 90, Kadhafi qualifie cette culture ancestrale de « poison ».

Tamazight, langue officielle ?

Après la mort de Mouammar Kadhafi, l’actualité en Libye sera dominée par la question de la formation d’un gouvernement provisoire qui ébauchera un avant projet pour la reconstruction, dans tous les domaines, de la nouvelle Libye, une nouvelle constitution, entre autres. Cependant, la première mouture de la constitution, rendue publique il y a un peu plus d’un mois par le CNT, a provoqué l’ire du peuple amazigh qui s’est dit, par le biais des représentants des tribus, stupéfait du fait qu’il est fait uniquement référence à l’Arabe comme unique langue officielle, même si le texte évoque, toutefois, les droits linguistiques et culturels des minorités. C’est donc la première fausse note du CNT vis-à-vis du peuple amazigh qui n’a pas manqué d’ailleurs, d’exprimer sa désapprobation de la démarche à travers des lettres de réclamation envoyées par les représentants des tribus de Nefoussa et Zaoura . Dans ce sillage, la libération de Tripoli a été un véritable tremplin pour les Amazighs qui y ont organisé une manifestation grandiose dans la place des martyrs. Au cours de ce gigantesque rassemblement, qui s’apparentait à une véritable démonstration de force, les berbères de Libye, drapeau amazigh à la main, ont scandé à l’unisson leur revendication de l’officialisation de leur langue. Ils sont, en effet, environ 10 % sur les six millions d’habitants à parler Tamazight, à respirer l’air de la liberté de cette civilisation ancestrale qui renvoie à la rébellion et au refus du fait accompli. C’est la tribu des Warfallah, située à Benghazi, qui compte le plus d’Amazighs. Cette tribu a, de tout temps, résisté contre les régimes qui se sont succédés à la tête de la Libye. Elle a même tenté au début des années 90, de renverser Kadhafi, en vain. Le tout nouveau président du Congrès mondial amazigh, M.Fethi Benkhelifa, explique la difficulté de faire accepter l’identité berbère : « Les Libyens n’ont aucune expérience du débat politique, ni même de la pluralité. Du fait de la nature du régime de Kadhafi, il n’existe aucune société civile. Il est extrêmement difficile de faire comprendre les arguments en faveur de la langue amazighe. La notion que les Libyens peuvent être différents et unis à la fois est très difficile à faire passer dans un pays où émerge de décennies de politique unanimiste. ». De son coté Fethi Bouzakhar, activiste et militant berbère, déclarait, en marge de la manifestation, « nous allons mettre en place une organisation qui portera nos revendications. Ce n’est pas la fin de cette question. », avant d’ajouter : «la question de l’officialisation de notre langue est politique et nous souhaitons la résoudre de manière politique, pas militaire. Aujourd’hui, nous avons besoin de nos milices, qui assurent notre sécurité du fait de l’absence d’un véritable Etat, mais nous disons à nos jeunes d’attendre l’issue politique de nos revendications. Tous les Libyens sont nos frères, d’ailleurs 90 % d’entre eux ont des origines amazighes. », ajoutera-t-il comme pour montrer la détermination de son peuple à survivre et imposer son identité à part entière.

A. Z.

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