Comment mettre un terme aux disparités de développement ?

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Les célébrations de la Journée mondiale de la montagne, le 11 décembre de chaque année, se suivent et ne sont marquées que par de légères différences du fait qu’une politique hardie et bien réfléchie en direction des zones de montagnes n’a pas encore acquis toute sa maturité. Pour ceux qui habitent ces zones, les difficultés sont, à quelques degrés près, les mêmes. Parfois, l’on a même le sentiment que les obstacles s’accroissement au fur et à mesure que les aspirations légitimes des populations au développement s’expriment. Si on s’arrête sur trois exemples tirés de l’actualité la plus immédiate de la Kabylie, l’on est quelque peu édifié sur la spécificité des communes de montagne et sur l’ingéniosité qu’il y a lieu de développer pour faire face aux problèmes générés par la nature du relief. Depuis que le projet de raccordement au réseau de gaz naturel est inscrit au profit de la partie haute de la wilaya de Tizi Ouzou (à partir de Mekla jusqu’à Aïn El Hammam et Iferhounène), les oppositions des habitants contre le passage des canalisations sur leurs propriétés ont pris un caractère homérique. Les autorités de la wilaya ont multiplié les appels au bon sens et développé des relations responsables avec les comités de village sans venir complètement à bout des difficultés qui se dressent sur le chemin du gaz de ville pour des villageois qui ont en bien pourtant grand besoin sur ces pitons froids et neigeux. Cela illustre la grande problématique du foncier dans une région ou les arpents sont trop mesurés. Les mêmes scénarios se répètent pour les choix de terrain concernant les équipements publics (écoles, universités, hôpitaux, routes, barrages hydrauliques,…). Le moyen qui peut paraître le plus simple pour faire adhérer les populations à ces projets implantés sur leurs propriétés, à savoir l’indemnisation, s’avère parfois non efficient ; parfois, il est même boudé à la suite de surenchérissements infinis. L’autre exemple est la commune de Saharidj, dans la wilaya de Bouira. Le territoire de la commune (99 km2) est montagneux au sens strict du mot (sur le versant de Lalla Khedidja), comptant une population de plus de 12 000 habitants. Sur près de 80 de la superficie, la nature juridique de la terre est domaniale. Les villages ainsi que le chef-lieu de communes se sentent étranglés par un double handicap : le relief et la nature juridique de la terre. Pour bâtir une école ou disposer d’un cimetière, les populations et les gestionnaires locaux en arrivent à ‘’supplier’’ les services des forêts et l’administration des les domaines pour leur dégager les assiettes nécessaires. Sur les monts de l’Atlas blidéen de la wilaya de Bouira, les communes de Zbarbar, Maâlla et Guerrouma sur l’exemple de la difficulté de vivre en montagne. Perchés à 900 m d’altitude, les crêtes de ces cantons montagneux abritent une population livrée au chômage et aux mille tracas de la vie quotidienne. La chance qui vient de poindre à l’horizon pour ces communes est sans doute le barrage de Koudiat Acerdoune, d’une capacité de 640 millions de mètres cubes, implanté dans la commune de Maâlla. Jusqu’à présent, hormis l’espoir de voir toutes les bourgades bénéficier de l’eau potable, il n’y a aucun projet d’envergure pouvant exploiter les aux du barrage à des fins d’irrigation. Le futur périmètre irrigué de l’Isser dont on ne connaît pas encore les contours et les limites, bénéficiera aux habitants de la partie aval (commune de Lakhdaria et une partie de la wilaya de Boumedrès).

Des projets et des attentes

La partie de la problématique des zones de montagne relevant du foncier et du secteur de l’agriculture n’est que la partie visible de l’iceberg. Car, les spécificités des zones de montagne vont au-delà et touchent tous les aspects de la vie (santé éducation, culture, espaces de loisirs et de détente,…). Allusion ici est faite aux surcoûts économiques induits par les travaux de construction et de réalisation d’infrastructures (pistes, routes,…). La haute Kabylie compte des zones où les simples terrassements et le mur de soutènement peuvent consommer jusqu’à 80 % du budget du projet. Les solutions à dégager pour ce genre de contraintes résident indubitablement dans l’étude préalable qui est censé calculer les coûts réels des travaux. De même, cela appelle, sur le plan institutionnel, une autre approche en matière d’inscription des projets de développement. Cette approche a pour nom la décentralisation. Tant que l’administration algérienne demeure prisonnière de l’hypercentralisation qui la caractérise jusqu’à présent, au détriment des gestionnaires et des élus locaux, il le bon est peu probable que le bon sens et la rationalité puissent prévaloir dans l’acte de développement. Depuis le milieu des années 2 000, les pouvoirs publics ont conçu des projets spécifiques aux zones rurales, englobant bien entendu les espaces montagneux, mais les résultats sont en deçà des attentes. A l’horizon 2014, sont pas moins de 12 000 projets de proximité de développement rural intégré qui sont programmés au niveau national. Cependant, les zones de montagne, particulièrement dans les wilayas où la presque totalité du relief est classé dans cette catégorie (Tizi Ouzou, Béjaïa, Jijel,…) réclament un développement global où des solutions imaginatives sont sollicités pour le développement du tourisme, de l’industrie, des infrastructures et équipements publics et d’autres créneaux susceptibles de sortir ces régions du marasme social, du chômage endémique et de la fatalité de l’exode rural.

Ce sont là les grands axes dégagés en novembre 2009 dans des ateliers de travail organisés par le CENEAP (Centre national des études en économie appliquée) au siège de la wilaya de Tizi Ouzou à l’occasion de l’exposé de l’étude portant sur le massif du Djurdjura, commandée par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Il s’agissait de procéder à l’identification et à la classification des zones de montagne, opérations prévues dans le cadre de la loi de 2005 relative au développement des zones de montagne. Y étaient présents des élus, des corps techniques de l’administration et des enseignants de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Le diagnostic exhaustif au niveau des territoires ciblés- les 67 communes de la wilaya- constitue la base des critères physiques, sociaux et humains permettant de classer ces unités de gestion minimale que sont les communes. Cette classification est censée matérialiser le degré de difficulté de la gestion des territoires et des populations sur la zone de montagne. L’on sait la donnée naturelle faisant que la géographie de la Kabylie est principalement constituée de montagnes sur l’ensemble des wilayas où les villages kabyles sont situés (Béjaïa, Bouira, Tizi Ouzou, Boumerdès, Sétif, Bordj Bou Arréridj). Lors des forums organisés La Dépêche de Kabylie de 2004 à 2006 avec des acteurs économiques et des responsables de la région de Kabylie, il a été démontré que d’immenses gisements économiques créateurs d’emplois, y compris dans certains secteur de pointe, pouvaient suppléer à la pauvreté du sol et endiguer la fuite des capitaux et des cerveaux dans les communes de la montagne kabyle. La pêche, l’industrie légère, la pharmacie, l’agroalimentaire, l’agriculture de montagne, le tourisme, les services et d’autres créneaux pourront, avec le soutien des pouvoirs publics-dans la réalisation des infrastructures et équipements indispensables (routes, électricité AEP, télécommunications,…)- asseoir une dynamique de développement, loin de la simple stratégie de survie et à même de juguler un tant soit peu l’exode vers les villes, la fuite des cerveaux vers l’étranger et la tentation nihiliste de la jeunesse ; une jeunesse poussée dans ses derniers retranchements par la multiplication des impasses sociales.

Amar Naït Messaoud

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