La perspective d'un nouveau "casus belli''

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Est-ce une ironie du sort ou un signe d’une cohérence intrinsèque, aujourd’hui mise à mal, que cette coïncidence du lexique utilisé par les auteurs- dissidents du FFS- de l’appel au meeting de jeudi prochain et mille fois usité par le président du parti, Hocine Aït Ahmed? L’appel en question réitère, en effet, ces chers principes que le parti fait siens depuis 1963: “éviter au pays de sombrer dans le chaos’&lsquo,; provoquer un sursaut démocratique et patriotique’&lsquo,; et, enfin, cette fameuse tirade dite par Aït Ahmed lorsque le président Boudiaf commençait à rencontrer les premières difficultés de gestion et surtout lorsqu’il peinait- en avril/mai 1992- à asseoir son idée de Rassemblement patriotique national (RPN): “le patriotisme aujourd’hui, c’est la démocratie”. En reprenant à son compte la terminologie du parti- celle qui a fait jusqu’ici sa cohérence et sa ligne de conduite- qu’espère le groupe de dissidents qui s’apprête à organiser ce jeudi un rassemblement au Théâtre régional Kateb Yacine? Se rapprocher de la direction du parti en la mettant devant ses responsabilités par rapport à la philosophie générale du parti que l’on dit ‘’enfreinte’‘ par l’acceptation de participer aux élections législatives de mai 2012? Ou, au contraire, s’en éloigner au maximum pour lui signifier un divorce consommé qui pourrait mener loin; éventuellement, jusqu’à la création d’un autre parti. Ne préjugeons de rien. Le FFS a connu des crises par le passé. L’avant-dernière est celle gérée, en 2006, par l’ex-secrétaire général, en l’occurrence Karim Tabbou, au cours de laquelle de hauts responsables du parti furent évincés. C’est une opération qui ne pouvait pas s’effectuer sans l’aval du président du parti. Apparemment, on veut, quelque part, faire payer à Tabbou le ‘’zèle’‘ mis dans la conduite de cette opération, puisque, aujourd’hui, au sein du groupe qui appelle au rassemblement de jeudi, Tabbou ne figure pas. S’agit-il d’une purge à l’intérieur même de la dissidence?

L’on sait que la dissidence la plus grave que le parti du FFS ait eu à vivre depuis l’instauration du pluralisme politique est celle conduite en 1989 par Yaha Abdelhafid, dit Si L’Hfid; une opération qui l’avait amené à déposer un dossier d’agrément au ministère de l’Intérieur au nom du FFS, alors que Aït Ahmed s’apprêter à renter en Algérie pour réactiver son parti. Après un cafouillage qui a duré quelques mois, Si L’Hafid se résolut à créer son propre parti, le FFD. Cet épisode a été vite oublié avec la rentrée de Aït Ahmed au pays en décembre 1989. D’autres soubresauts suivront au cours de la décennie rouge, décennie qui fait se recroqueviller la plupart des formations politiques et qui a mis toute l’Algérie entre parenthèse. La dissidence de l’époque était souvent vue et vécue comme une ‘’coquetterie’‘ face aux grands défis de la survie de la nation. Cependant, dans ses grandes lignes politiques, le FFS a observé une cohérence remarquable qui lui a valu le respect d’une grande partie de la classe politique, malgré les réserves qu’une grande partie de l’opinion kabyle a pu émettre au sujet de l’acharnement du parti à vouloir maintenir le processus électoral de décembre 1991. Le temps ayant fait son œuvre, Bouteflika investi président de la République en 1999, le Printemps noir étant passé par là en 2001avec son lot de 126 morts, les choses commencèrent apparemment à se recentrer sur la politique proprement dite à partie des élections législatives de 2007; élections que le FFS boycottera. Avec feu Abdelhamid Mehri et Mouloud Hamrouche, le FFS semblait trouver une tendance politique qui répond, ne serait-ce que dans ses grands traits, à la sienne. Les choses se préciseront davantage avec la candidature d’une nièce de Hamrouche à Constantine sous les couleurs du FFS au cours des dernières législatives. Elle est élue député à l’APN suite au recours introduit par le parti au Conseil constitutionnel. Cette “accointance’‘ confirme-t-elle l’information colportée par la vox populi sur une forte éventualité que Moloud Hamrouche soit présenté comme candidat du FFS aux présidentielles de 2014, sachant que le président du parti est atteint par la fatalité de l’âge? Dans le même sillage, les contestations actuelles que connaît le parti n’auraient-ils rien à voir avec la volonté d’une succession anticipée pour le poste de président du parti? En vérité le vide que laissera la disparition d’Aït Ahmed est loin d’être circonscrite à la seule structure du FFS. Personnalité emblématique forgée dans l’épopée du mouvement national, dans le feu de l’action révolutionnaire de la guerre de Libération, et, enfin, dans l’opposition au système installé après l’indépendance, Aït Ahmed ne sera pas appelé à être ‘’remplacé’‘. Ce sera une autre page qui sera tournée pour le FFS et pour la perception que la Kabylie se fait de son élite politique. N’est-ce pas révélateur que tous les dissidents actuels-primaires ou secondaires -n’aient pas franchi le pas de s’en prendre au président du parti. Ce serait sans doute tabou (et non Tabbou)! On préfère volontairement accuser la direction du parti, laquelle tire pourtant sa légitimité première du président du parti. La grande question qui taraude la base, à moins de quatre mois des élections communales et de wilaya, est de savoir comment le parti va affronter cette décisive échéance avec deux ailes qui paraissent irréconciliables. Il est probable que les enjeux liés à ces élections- même s’ils concernent des mandats locaux- puissent acquérir une portée et une dimension qui leur confèrent le statut d’un nouveau ‘’casus belli’‘ dans l’appareil du parti. Et de tous ces enjeux, les différents protagonistes ne peuvent être que conscients.

Amar Naït Messaoud

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