Smaïl Mira, le retour

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Smail Mira est en effet quelque part un produit de guerres. Le FLN, en quête de revigorer sa  » légitimité révolutionnaire « , l’extrait de son ténébreux état d’instituteur à Yakouren pour le bombarder maire de Tazmalt. C’était en 1985. Il y restera dix-sept ans. Le multipartisme survient mais ne parvient pas à le déboulonner. Il se fait élire en 1990, se maintient comme DEC après la dissolution des municipalités et se fait encore réélire en 1997. L’histoire aurait pu en rester là si ce n’est qu’une autre guerre éclate entre temps. En 1993, l’Armée lui fait appel et l’intègre dans son dispositif  » patriotique « . Là il confirme rapidement qu’il est le fils de son père en s’illustrant par des actions d’éclat contre les hordes islamistes. Du Djurdjura aux Bibans en passant par Bouzegza, il fait parler la poudre et devient la terreur des  » tangos « .Il aurait pu continuer à crapahuter dans le sombre univers des maquis et n’être connu que des seuls initiés si Ait Ahmed n’en a pas décidé autrement, qui le projette sous les feux de la rampe en lui imputant directement l’assassinat du jeune Ouali Hamza dans le sillage des manifestations qui ont éclaté à Tazmalt à la suite de la mort de Matoub Lounès. Pour le leader du FFS, le maire de Tazmalt symbolise l’archétype de ce que la crise algérienne a enfanté de plus exécrable : un seigneur de la guerre. A l’instar de Hadj Ferguène, le FFS veut en faire l’exemple même de la dérive milicienne que la politique du  » tout- sécuritaire  » engendre. Loin de se laisser impressionner, Smail Mira multiplie tribunes et interviews et riposte avec une rare virulence à Ait Ahmed qu’il accuse de collusion avec l’islamisme armé. Il se laisse même aller à une certaine provocation. A la une d’un quotidien, l’homme s’affiche avec un PA et clame être à la tête d’  » une armée civile de 3000 personnes « . Son champ d’intervention s’étend de Béjaia à Boumerdes en passant par Bouira et Tizi Ouzou. Un procès en diffamation ouvert au tribunal d’Alger aboutit à la condamnation d’Ahmed Djeddai au dinar symbolique et à la publication d’excuses publiques, un jugement qui n’a jamais été exécuté soit dit en passant. A Tazmalt où Ait Ahmed est apparenté par alliance, les prétentions hégémonique du FFS ont toujours buté sur l’obstacle Mira. L’homme serait, dit-on, passé maître dans les dosages d’équilibre entre  » Çofs  » qui font et défont le pouvoir local. Les çofs ? Un legs des temps anciens, éteint partout ailleurs, qui demeure vivace dans cette contrée de la haute vallée de la Soummam. Même le RCD s’efface pour laisser place nette à celui qui est considéré comme le leader naturel du  » clan d’en bas « . En 1997, Nordine Ait Hamouda, grand mandarin du RCD et lui aussi chef Patriote était venu, dans un précédent symptomatique de la prééminence des Çofs sur les partis, prêter main forte à Smail Mira contre la liste présentée par son propre parti.Mira s’en défend néanmoins.  » Faites la revue de la composante de ma liste et vous remarquerez qu’elle renferme des éléments des deux Çofs. On ne peut pas dire autant des autres « , objecte-t-il. Et les  » autres « , c’est l’ enfer « , comme dirait Sartre, et c’est immanquablement le FFS pour Smail Mira. La sociologie de la ville est en fait piégée par de lourds passifs historiques et sociétaux. Dans la furie des évènements de 2001, la demeure de Smail Mira est mise à sac, des archives historiques se rapportant au parcours de son père sont emportées. La statue de ce dernier, qui avait failli succéder au colonel Amirouche à la tête de la wilaya III, est furieusement abattue.  » Une besogne de harkis revanchards « , estime Smail Mira lors d’un récent meeting. Avertis de son caractère impétueux, des  » responsables haut placés  » décident opportunément de le mettre au vert, à Oran puis Constantine, pendant ce sombre épisode. Il tente de prendre la clef des champs mais il est sans cesse repris.  » Je n’aurais autrement pas hésité à faire un bain de sang « , regrette-t-il à posteriori. Absent du scrutin de 2002, où il avait préféré tenter sa chance à l’APW, sans succès, Smail Mira revient à son Tazmalt de prédilection où il s’affirme comme un sérieux prétendant au trône municipal. Les circonstances ont changé et le FFS n’est désormais plus dans la peau de l’opposant affranchi de tout bilan. Les rôles s’inversent et c’est désormais Smail Mira qui s’en donne à cœur joie sur les ratés de l’équipe municipale sortante qui lui avait succédé depuis octobre 2002. Ses sorties drainent les grandes foules et le placent dans une position de sérieux outsider sinon carrément de favori. Chevauchant l’air du temps, il se veut le candidat de la  » réconciliation « , une idée apprêtée à la sauce Tazmaltaise. “Nous avons, clame-t-il, la sincère intention de passer outre les clivages traditionnels claniques séparant la population de la région, effacer la zizanie séculaire qu’alimente une partie de nos citoyens et entreprendre un vrai travail de réconciliation de tous les citoyens de cette ville en vue de procéder ensemble à l’édification d’une commune construite sur la justice, la solidarité, le respect des uns et des autres et la garantie de lendemains meilleurs pour les générations à venir « . Tout un programme.

M. Bessa

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