Mokrane, Lounis, Loucif…

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Ils étaient trois, le premier marquait des buts, le second chantait et le troisième cognait sec. Ils le faisaient pour nous. Au début des années 70, une photo en noir et blanc de ce trio de vedettes ornait nombre de devantures de magasins en Kabylie. Des images de la Kabylie que gagnent des artistes et des sportifs grâce à leur réussite sont brandies, comme des modèles pour la jeunesse de toute une région, en quête de son identité. Il y a d’abord Mokrane Baïlèche qui alliait avec bonheur football de haut niveau et études en médecine. Le jeune beau garçon aux longs cheveux était la coqueluche locale, un avant-centre racé, le buteur attitré de la JSK et de l’équipe nationale. Il y a ensuite Lounis Aït Menguellet, la vedette de la chanson sentimentale naissante qui osait les rimes les plus audacieuses pour distiller des messages dans la droite lignée des grands maîtres de l’Asefru. Personnage discret, timide et réservé, il dégageait l’image de la lucidité et de la fragilité du poète qui émerveillait les foules. Il y a, enfin, Loucif Hamani, ce boxeur qui vit à Paris que l’on disait ami d’Alain Delon. Il avait la mâchoire carrée, le regard fixe et décidé, celui de l’armoire à glace, du cogneur, Champion d’Afrique. Il fut lésé d’une médaille aux Jeux olympiques de Munich, en 1972. Au sommet de sa gloire, il disputa le titre de champion du monde, mais le perdit face à l’Américain Hagler. Mokrane le footballeur, Lounis le chanteur, Loucif le boxeur, étaient la fierté de toute une région, ses meilleurs représentants. Ils nous ont procuré tant de bonheur. Hier, adulés et portés aux nues, aujourd’hui loin des feux de la rampe, on leur a préféré des starlettes d’un soir, des unijambistes cabochards, des aras au beau plumage mais aphones, des poules mouillées. Le public kabyle est ingrat, il a la mémoire courte.

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