Ath Mendès en ébullition

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Durant toute la semaine écoulée, l’aârch Nath Mendès, sur les hauteurs de la ville de Boghni, a vécu une ébullition sans précédent. Le siège du comité de village n’a presque pas désempli. Les soixante-quinze membres qui forment la coordination de cinq comités ont eu du pain sur la planche. Un seul mot d’ordre : ne touchez pas à Thiniri Mendès. En fait, ces derniers jours, les villageois ont entendu dire que cette oliveraie a été attribuée à une famille, d’où cette colère qui est monté d’un cran. Sinon cette affaire date en réalité depuis les années 1900.  Dès le début de la semaine, des banderoles ont été accrochées dans différents lieux de la ville, sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, « Nous dénonçons le complot administratif » et « Force est à la loi et non à la spéculation ». Lundi dernier, les représentants de ces villages ont tenu un sit-in dans la cour du siège de la daïra. « Le chef de daïra est descendu dans la cour. Après une brève rencontre, il nous a pris rendez-vous avec le wali pour le mardi. A la dernière minute, on nous a appelés pour nous annoncer que le rendez-vous était annulé et reporté au mercredi », nous a dit M. Abdelkader Hamzaoui, membre de la coordination. Les soixante-quinze membres ont donc été rencontrer le wali, mercredi dernier, munis d’un dossier bien ficelé. Pour en savoir plus sur les résultats de cette rencontre, nous nous sommes rendus au siège de la coordination d’Ath Mendès. D’emblée, l’un des sages du comité nous dira : « le wali qui a reçu une délégation de douze membres  a été surpris aussi bien par  l’organisation du mouvement que par la teneur des revendications ». Et de poursuivre : « En tout cas, il nous a promis devant le directeur des domaines qu’il prendra en charge le problème et réparera cette injustice de l’administration et de la justice. Nous lui avons remis tout un dossier relatif  à cette affaire ». Un deuxième sage nous remettra la déclaration rédigée par la coordination. « Cette oliveraie appartenait à l’Aârch Nath Mendès depuis la nuit des temps. La séquestration de celle-ci date des années 1870 suite aux sinistres lois scélérates du sénatus-consulte », lit-on  sur le document en question. Un peu plus loin; il est écrit : « Notre Aârch a participé à toutes les révoltes contre l’occupant français. Et il a combattu aux côtés de  » Boubaghla, de l’Emir Abdelkader et d’El Mokrani. Au déclenchement de la révolution en 1954,  les colons ont commencé à  fuir notre région et les collaborateurs ont voulu profiter de la situation pour s’accaparer des terres vacantes. Voyant le scénario des prédateurs, le FLN-ALN historique a interdit toutes transactions sur ces terres et particulièrement  » Thiniri »». Le premier sage ajoutera : « Pour avoir enfreint le mot d’ordre du FLN-ALN, cette famille avait été pénalisée et avait dû payer de lourdes amendes ».  En 1963, ajoutent les rédacteurs de la déclaration, justice a été rendue lorsque ces terres achetées durant la guerre de libération nationale ont été mises sous protection de l’Etat. « Malheureusement, après les lois scélérates de l’occupant français, l’administration algérienne a enfreint la loi 90-25 et a décidé de donner ces terres », nous dira un autre sage. Et de préciser : « Cette loi 90-25 ne concernait que les terres nationalisées dans le cadre de la révolution agraire de 1972. Donc, ces terres n’étaient pas concernées, quand on sait qu’au lendemain de l’indépendance elles étaient mises sous la protection de l’Etat ». Le premier sage relèvera trois trahisons dans cette affaire. Tout d’abord, expliquera-t-il, cette loi a été violée par l’administration, ensuite, il y a ce fameux procès entre la famille et la chambre administrative où elle a eu gain de cause dans la forme tout en étant indemnisée pour toutes les terres utilisées pour utilité publique. Des livrets fonciers leur ont été délivrés et on leur a restitué une superficie de 128 hectares alors qu’ils ont présenté des titres d’achats totalisant 55 hectares seulement. Du coup, un autre intervenant nous remettra une correspondance adressée par le wali de Tizi-Ouzou, le 10 août 1991, au délégué aux réformes agricoles et au président d’APC de Boghni dans laquelle il lui avait été demandé de procéder à l’annulation de l’arrêté portant restitution de terres à cette famille, suite aux témoignages écrits recueillis par l’APC de Boghni auprès des Moudjahidine, d’où il ressort que l’intéressé n’a jamais été autorisé par l’ALN à acquérir des terrains auprès des colons, mais bien au contraire, de telles transactions étaient interdites. « Devant toutes ces irrégularités et violations de la loi, nous, population de l’Aârch Nath Mendès, ne céderons jamais devant cette injustice et la compromission de l’administration. Nous exigeons l’annulation de tous les documents et arrêtés qui ont été délivrés», telle est la conclusion de la dite déclaration. « Thiniri Mendès devra être protégée contre toute prédation et devra être sauvegardés car elle est le poumon de toute cette région. Si par malheur l’administration ne revoyait pas sa position, des actions aux conséquences néfastes ne seraient pas écartées. C’est ce que nous avons dit au wali et au directeur des domaines », reprendront unanimement nos interlocuteurs. 

Amar Ouramdane

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