«Une loi pour la montagne»

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Il y avait foule, hier, au meeting d’Amara Benyounès à la Maison de la culture de Tizi-Ouzou.

À cet accueil des plus chaleureux, le tête de liste du parti à Tizi-Ouzou, Ali Ould Taleb, rajoutera une bonne dose d’émotion lorsqu’il vêtira l’hôte d’un Burnous traditionnel berbère.

«Iguechvah mathemlil thassa Dwaythourew», furent les premiers mots prononcés par le président du MPA, pour exprimer sa joie de retrouver les siens, dans cet espace qui lui est cher et qui l’a vu mener toutes les luttes pour l’identité berbère et la démocratie en Algérie. «La Kabylie est le socle de la démocratie, toutes les luttes ont démarré d’ici», dira-t-il.

Dans ce sillage, il a rappelé le combat qui a été mené et dont la maison de la culture Mouloud Mammeri fut «le témoin». «Beaucoup de sacrifices ont été faits, beaucoup de jeunes sont morts, pour qu’en 2016 Tamazight soit langue nationale et officielle». «En 1980, j’étais un jeune étudiant, on a organisé la première manifestation publique contre le parti unique, notre revendication à l’époque c’était Tamazight à l’école».

«C’était un rêve, on se battait pour l’identité et la démocratie», a déclaré Benyounès. Il a rappelé le parcours long et douloureux, mené jusqu’à l’officialisation de la langue amazighe, marqué par la disparition de 126 jeunes de la région, et là il a rendu un hommage aux Aarchs.

Benyounès ajoutera : «Il reste encore des choses à faire et le combat continue, mais cette fois-ci, la lutte est différente». L’intervenant continuera, dénonçant l’instrumentalisation de la cause berbère : «Les partis politiques n’ont rien à faire dans le combat amazigh maintenant. C’est un combat de scientifiques, d’experts et de techniciens, pour donner une dimension scientifique à notre langue».

L’autre registre qui tient à cœur à Benyounès et sur lequel il s’est attardé, c’est le développement de la région, un sujet qui a captivé l’assistance, notamment avec la promesse que l’ex-ministre fera à la population de Tizi-Ouzou, si toutefois elle accordait sa confiance à la liste MPA. Il s’agit de «la loi sur les montagnes». Sous les applaudissements, il a expliqué : «En Algérie, en matière d’investissement, il existe des lois qui aident le Sahara et les Hauts plateaux. Quand j’étais ministre de l’Environnement, j’avais initié la loi sur la montagne qui n’a malheureusement pas abouti.

Cette loi va donner un avantage aux investisseurs, sur le plan fiscal et foncier, ce qui leur permettra de venir investir. Cette loi favorisera l’investissement dans la région». Toujours concernant la relance de l’économie dans la région et dans toute l’Algérie, le président du MPA a plaidé pour une «solution exclusivement économique» qui doit s’établir selon deux principes, «l’efficacité et la justice sociale», a-t-il expliqué. Amara Benyounes a plaidé pour «une économie sociale de marché».

“Notre armée n’est pas une armée de coups d’état”

Il a insisté sur la nécessité de procéder à des réformes «structurelles et urgentes». Dans ce sens, le MPA propose plusieurs solutions pour éviter que la situation ne dégénère. Il a mis en exergue notamment le problème du chômage en Kabylie : «La solution doit être ici à Tizi-Ouzou, ce sont les projets économiques». «Quand on dit ça, on a tout dit et on n’a rien dit, car pour que les industriels viennent investir en Kabylie, il faut un minimum de conditions», a-t-il clamé, en précisant : «La paix et la sécurité dans la région sont primordiales».

Il a pour l’occasion «regretté certaines pratiques devenues courantes en Kabylie, à savoir fermer les rues et brûler des pneus». Toujours dans la même logique, il a cité l’exemple des deux zones industrielles de Souama et de Draâ El-Mizan et les deux pénétrantes de Tizi-Ouzou et Béjaïa, des projets inscrits lors de son mandat au ministère de l’Industrie et qui ont été bloqués par les oppositions, ce qu’il a regretté.

Il a préconisé la diversification de l’économie et l’encouragement de la main d’œuvre locale, en insistant sur la valeur du travail et en réaffirmant que «les jeunes kabyles travaillent». Le président du MPA, depuis Tizi-Ouzou, «le socle de la démocratie», dira-t-il, a appelé à un «vote massif», «une démarche qui s’inscrira dans la continuité de la région à être à l’avant-garde de toutes les luttes démocratiques comme elle l’a toujours été». Il a affirmé que c’est la seule solution partout en Algérie. Benyounès a par ailleurs évoqué les partisans du boycott, qui, soulignera-t-il, «ne sont pas nombreux en Kabylie, vu que les partis qui boycottaient d’habitude participeront aux prochaines législatives».

Il a mis en garde ceux qui croient que le changement puisse venir de la rue, en rappelant les souffrances de l’Algérie lors de la décennie noire : «La rue mène toujours vers le chaos, elle ne mène jamais vers la démocratie». Il dira à ceux qui pourraient attendre un changement par le biais d’un coup d’Etat militaire : «C’est impossible, notre institution militaire est républicaine, constitutionnelle et respecte la loi. Elle est au service de la population et de personne d’autre», a-t-il clamé. Dans un autre registre, et revenant sur le choix du slogan de la campagne de son parti «Pour une démocratie apaisée», le président du MPA dira que c’est une question de conviction : «Il n’y a pas d’autre solution en Algérie que la démocratie. Il faut nous respecter mutuellement et respecter nos différences de vision et d’opinion». Il a exhorté à «s’éloigner de l’insulte qui est très répandue en Kabylie avec l’apparition d’une nouvelle sorte de militants virtuels qui n’ont épargné personne», en citant l’exemple des grands chanteurs kabyles Idir, Akli Yahiatène et Aït Menguellet tous ciblés.

«Il faut élever le niveau du débat, c’est l’instruction donnée aux candidats du MPA». Sur les élections, il a réaffirmé «l’impossibilité d’avoir la majorité absolue lors des prochaines législatives. Il va y avoir des alliances, c’est obligatoire», dira-t-il. Sur le slogan du parti, à savoir «Moderne et patriote», il a expliqué que la modernité était une valeur fondamentale pour le MPA : «Il faut vivre dans son temps et son monde. L’Algérie doit changer et elle changera selon les changements qu’il y a dans le monde. La modernité va s’imposer».

Pour ce qui est de l’adjectif «patriote», il a expliqué : «On a payé un grand prix pour la liberté de ce pays», puis il a rendu hommage aux moudjahidine, qui étaient nombreux dans la salle, ainsi qu’à «toutes les victimes de l’intégrisme dans le pays». Benyounès a par ailleurs estimé qu’une mise au point était nécessaire sur la question de l’alcool, il dira qu’il n’a «jamais délivré aucune licence» et que ce commerce «existait avant et a continué d’exister» après son départ du ministère de Commerce. Pour terminer, il a insisté sur le respect des libertés individuelles.

Et dans le volet sécuritaire, il a appelé à préserver le pays contre les risques qui viennent de l’intérieur et de l’extérieur, il a cité l’exemple des printemps arabes et ce qui se passe en Syrie, en Libye et au Mali. «Il n’y a pas de Kabylie sans l’Algérie et il n’y a pas d’Algérie sans la Kabylie», a conclu Benyounès, sous un tonnerre d’applaudissements et de youyous.

Kamela Haddoum

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