«Voilà pourquoi je démissionne

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à travers cet entretien exclusif à la Dépêche de Kabylie, le maire de Tizi-Ouzou va au fond des choses et dit les vraies raisons de sa démission de son parti, le RCD. Comme il parle de son avenir politique. à découvrir…

La Dépêche de Kabylie : Vous venez d’annoncer votre démission du RCD que vous avez rejoint dès sa création. C’est une décision que vous avez prise récemment ou qui vous taraudait l’esprit depuis un certain temps ?

Aït Menguellet Ouahab : C’est une décision mûrement réfléchie. Je ne me retrouve plus dans ce parti auquel j’ai adhéré depuis 1989. Sans polémique et sans détour, je dirai barakat, salut et au revoir. Après avoir passé tant d’années au sein de ce parti, je n’ai pas envie de le dénigrer, mais au jour d’aujourd’hui, je ne retrouve plus les idéaux qu’il a tant défendus auparavant. Les comportements et attitudes au sein de ce parti ne peuvent me laisser indifférent. Ils étaient pour beaucoup dans ma décision de démission. J’ai milité plus de 28 ans au RCD, avec des moments très difficiles. J’ai été élu sous la houlette de cette formation, donc ce n’est pas de gaieté de cœur que je la quitte. J’ai été militant de ce parti parce qu’il était à l’avant-garde des luttes démocratiques, de la laïcité, de l’identité, mais ce n’est plus le cas, je le constate.

D’aucuns supputeront que votre décision serait directement liée à la liste des législatives que vous deviez au départ conduire ?

Ecoutez, je serai clair et net. Si on considère que les législatives sont un examen et que les meilleurs sont admis dans une liste, on va applaudir et les accompagner avec plaisir. S’ils ont choisi les plus méritants, nous serons derrière eux et les soutiendrons. Mais ce n’est pas uniquement pour cela que j’ai démissionné.

Au risque de me répéter, je ne me retrouve plus dans ce parti, parce que si je voulais le fauteuil de député ou de sénateur, je l’aurais déjà eu. Je ne suis pas un opportuniste, je ne frappe pas aux portes. Figurez-vous que le président actuel du RCD n’a jamais mis les pieds au siège de ma commune. Une commune modèle et symbolique pour le RCD.

Pire, il n’a même pas mon numéro de téléphone. Il ne m’a jamais appelé. Je n’attendais pas qu’il vienne voir Ouahab Aït Menguellet, mais le président de l’APC de Tizi-Ouzou qui a un bilan des plus positifs et concrets. Nous avons rétabli un climat de confiance et de stabilité avec les citoyens.

Une confiance mutuelle. Nous travaillons avec les comités de villages, les associations. Les portes de la mairie ne sont jamais fermées à nos concitoyens. Et le parti devait valoriser tout cela, il devait le mettre en avant et en être content. Mais, encore une fois, ce n’est pas pour cela que j’ai démissionné. Ces choses-là sont insignifiantes pour moi.

En mon âme et conscience, je me suis dit que chaque chose a une fin. J’ai été aux assises du RCD en 1989 à la maison de la culture, j’ai été candidat aux législatives de 1990. Ensuite j’ai été élu président d’APC de Tizi-Ouzou. Durant tout ce temps, j’ai été un bon militant pour eux et maintenant je ne le suis plus ?

Donc, vous n’étiez pas d’accord avec la liste des candidats aux législatives présentée par le parti ?

Non en effet, je n’étais pas d’accord avec cette liste, parce que je ne m’y retrouvais pas. Encore une fois, pas dans le sens où mon nom n’y était pas, mais parce que ceux qui y étaient ne sont pas des gens dignes de me représenter. Il n’est pas question d’assumer un tel choix.

Qu’a la composante de cette liste qui vous contrarie tant ?

Le fait de retrouver des gens comme ça, ça ouvre la voie à toutes les hypothèses. Des rumeurs circulent sur l’argent sale et sur autre chose. Sincèrement, je ne le sais pas, mais le fait d’avoir choisi des gens comme ça, ça me fait douter. Retrouver des gens comme ça et voir le parti courir derrière les législatives comme un quelconque parti en quête d’un strapontin, alors que nous étions des avant-gardistes… franchement, le parti sombre dans l’anonymat.

On dit que la liste confectionnée au bureau régional de Tizi-Ouzou a été complètement revue à Alger, vous le confirmez ?

Le problème n’est pas là. Elle a été confectionnée à Tizi-Ouzou, à Alger ou ailleurs, là n’est pas vraiment mon souci. Mon souci majeur était la crédibilité des candidats de cette liste. J’aurais aimé que le parti présente des gens crédibles, sincères qui ont cravaché au sein du parti, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Et tout ça ne rime à rien. Comme je l’avais dit, après 28 ans de militantisme dans ce parti, je ne m’y retrouve plus. Donc, j’arrête.

Quelle analyse faites-vous des résultats de ces législatives, du moins localement ?

Là résident justement les conséquences de ces mauvais choix. Les citoyens ne sont pas dupes, ils sont loin d’être aveugles. Certains considèrent que les gens sont bêtes et ignorants, or, ils se trompent. Les citoyens sont les vrais témoins des événements quotidiens : ils surveillent, ils écoutent. Et à la fin, ils prononcent leur verdict.

Vous vous êtes retiré du RCD, mais pas de la politique. Comptez-vous vous représenter aux prochaines locales ?

C’est trop tôt pour le dire. A priori, je ne suis pas partant. Je médite une expression kabyle qui dit «Laissons le destin faire… ». En français, on dit «laisser le temps au temps». Par contre une chose est certaine : je ne me présenterai pas sous la houlette d’un parti politique. Ceci dit, j’ai accompli mon devoir en tant que premier responsable de la municipalité.

Je suis très heureux et satisfait. Cela fait cinq ans que je cravache, j’arrive le premier à la mairie et je sors le dernier. Ça m’a usé, on n’a plus vingt ans, mais la confiance du public n’a pas de prix et s’il y a un sacrifice à refaire pour cette population, je n’hésiterai pas.

Et si on abordait un peu votre bilan à la tête de cette APC…

Au début, lors de la campagne des élections locales, les gens nous demandaient seulement deux choses : prendre en charge le problème des ordures ménagères et en finir avec la situation anarchique de l’état civil. Moi, j’ai rajouté une autre chose : c’est recevoir les citoyens au rez-dechaussée au lieu du 6e étage.

Au jour d’aujourd’hui, nous avons tenu nos engagements. L’état civil est réhabilité, humanisé, notre mairie est un modèle même à l’échelle nationale. Les déchets ménagers ne traînent plus dans les rues. Et on reçoit les citoyens au rez-de-chaussée. Les gens âgés ou handicapés sont soulagés par cette mesure. Autre chose, on fait comme on peut dans une commune qui a été dévalisée, délaissée. Une déchéance totale, aucun projet n’avait été fait, auparavant, ni dans la ville ni dans les villages. Alors, ce n’était pas évident d’assumer un tel héritage. Mais nous avons essayé.

Je citerai les 110 milliards de centimes pour l’entretien des 49 écoles primaires de notre commune. Ce fut une priorité pour nous. Le marché de Tala Athmane constitue aussi une autre priorité pour nous. Une autre situation qu’on a jugée également inadmissible : la zone qui s’y trouve doit reprendre sa vocation initiale, à savoir la création de richesse et d’emplois. La solution la plus indiquée est de déplacer le marché hebdomadaire vers Bouaïd.

On s’est réunis, il y a de cela 3 jours et j’en ai parlé avec le wali qui est à l’écoute de nos doléances. Si on réalise ce marché de gros, qui sera situé à proximité de l’autoroute, sa rentabilité avoisinera les 40% des besoins de la commune. Et il y aura un marché pour les grossistes en agroalimentaire. Il y a aussi le projet de relier les deux zones de Tala Athmane et Oued Aissi par un pont. L’étude est déjà faite. Sur le plan social, on attend la réalisation de 8 000 logements, mais il faut que les commodités suivent. Avec ça, le problème du logement ne se posera plus à Tizi-Ouzou.

Qu’en est-il de la forêt de Harouza ?

Pour la forêt de Harouza, je tiens toujours à ma décision qui est celle de l’assemblée de la commune et qui est contre l’installation des commerces dans cette forêt. Tant que je serai là pas question de laisser faire. Laissez ce poumon naturel tranquille !

Et pour les couffins du Ramadhan et l’animation durant ce mois, y aura-t-il du nouveau ?

On distribuera les coffins comme d’habitude, même si j’aurais préféré donner un chèque de 5 000 DA à la place des produits alimentaires. Ça fait 3 ans que je l’ai proposé à la ministre de la Solidarité, mais malheureusement, il n’y a pas eu de suite. Pour l’animation des soirées, on continuera comme à l’accoutumée. On fera de notre mieux pour faire passer le plus agréable des Ramadhans à nos concitoyens.

Entretien réalisé par Hocine Moula.

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