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Béjaïa Célébration du nouvel an berbère 2968 : Un symbole d’une identité consacré

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Qu’ils soient de la Kabylie ou des autres régions de l’Algérie, les citoyens ont recouvré, cette année, un pan de leur Histoire.

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La reconnaissance par les plus hautes autorités du pays de Yennayer en tant que journée chômée et payée a, sans doute, réconcilié le peuple avec son Histoire. Désormais, Yennayer est décrété journée fériée. Sa célébration en Kabylie et ailleurs vaut constat : les Algériens manifestent de mille et une manières leur attachement à cette date hautement symbolique en renouant avec les traditions de leurs aïeux. Cette année, Tamazgha célèbre le nouvel an 2968 sous le signe d’une identité retrouvée et un symbole à mettre en valeur. Plusieurs activités sont au menu des associations à caractère notamment culturel aux quatre coins de la wilaya de Béjaïa dont l’objectif est de mettre en valeur le legs ancestral des populations de l’Afrique du Nord. À travers la wilaya de Béjaïa, le mouvement associatif est entré vivement en action pour faire revivre Chachnaq et dresser pour l’histoire des Berbères des chapelles de souvenirs et d’animations hautes en couleurs. C’est ainsi que les repères identitaires ont été convoqués pour étaler une histoire plusieurs fois millénaire qui se transmet de père en fils. Fête étalée sur une semaine, selon les moyens, les citoyens de Béjaïa sont entrés de plain pied avec des festivités diverses et riches destinées aux grands comme aux petits. Les associations locales ont presque rivalisé d’ingéniosité pour être à la hauteur de l’événement, liées par cette symbiose qui donne la fierté d’appartenir à cette terre, à cette culture. De nombreuses expositions qui ont pour thème la vulgarisation du patrimoine culturel agraire, culinaire et vestimentaire ont attiré l’attention, tant la nostalgie et le goût de l’art ont empreint la curiosité des visiteurs du hall de la maison de la culture Taos Amrouche. Là une exposition riche en couleurs et diverses autres activités se tiennent depuis samedi dernier.

Un repère historique à valoriser

Ces dernières années, des militants de la cause berbère et des académiciens n’ont pas cessé d’insister sur la nécessité de l’officialisation de la fête de Yennayer et d’en faire, à l’instar du 1er janvier et de awel moharrem, une journée fériée, chômée et payée. De plus, des démarches ont été effectuées auprès de l’Unesco pour faire de Yennayer un patrimoine universel de l’humanité. Il n’y a aucune raison pour que des événements de moindre envergure soient pris en considération par cette institution onusienne, et pas Yennayer qui concerne pourtant tous les peuples d’Afrique du Nord. Yennayer est une fête traditionnelle qui a été, rappelons-le, formalisée par l’Académie Berbère dans les années soixante. Depuis, elle est sortie de l’anonymat pour devenir une fête qui rassemble tous les peuples Amazighs de l’Afrique du Nord. Dans l’une de ses nombreuses contributions, Allaoua Rabhi, enseignant et chercheur à l’université de Béjaïa a tracé l’historique et la signification de la fête. «Celle-ci est incluse dans un calendrier agraire ancien. Yennayer marquait le début d’une nouvelle année célébrée différemment d’une région à l’autre, selon des rituels qui pouvaient différer selon les régions. Ils comprenaient la distribution de gâteaux, des sacrifices, des festivals,… Le but de la fête est de rassembler les gens, de les réunir en vue de l’expression de la communion et de la solidarité sociale. Personne ne devait être mis à l’écart des festivités», a-t-il souligné. De son côté, Ali Sayad, anthropologue, président de la Fondation Asaka, et qui avait participé avec Mouloud Mammeri à la confection du premier dictionnaire « Amawal » sur les néologismes berbères rappelle que «Massinissa rendait un culte au Soleil. Alors que Yennayer comprend douze mois lunaires, le calendrier agraire était aussi basé sur le cycle du Soleil qui indique les saisons. La journée chez les berbères commence à la tombée de la nuit, pour finir vingt quatre heures plus tard, à la tombée de la nuit suivante». Dans le calendrier agraire berbère, il y a quarante cinq périodes, toutes marquent les espaces entre les différentes phases de la végétation. Les paysans savaient ainsi exactement à quel moment planter, cueillir ou arroser. Même en perdant la langue, les paysans nord-africains continuent la tradition. «La culture est ce qui nous reste quand on a tout perdu», dit-on. Selon Gabriel Camps, l’une des plus anciennes divinités inscrites sur les sites funéraires est Ieru, en berbère Eior, ou Ior, c’est-à-dire Ayour, la lune. Rachid Oulebsir rappelle que l’Afrique du Nord a connu huit colonisations, en trois mille ans et aucune d’elles n’a réussi à supprimer Yennayer. Ainsi, il se demande comment après seulement moins de cinquante années d’indépendance, cette fête a quasiment disparu de l’Algérie. Yennayer a subi plusieurs mutations, dont celle de l’espace. De fête strictement familiale, elle est sortie sur la place publique pour devenir une fête de grande envergure. Elle s’est ainsi appropriée le combat et la revendication politiques, de par sa symbolique et de l’adhésion populaire à tout ce qu’elle peut représenter. Elle était traditionnellement célébrée durant trois jours. Le premier était consacré essentiellement au partage, avec le couscous et les gâteaux qui étaient distribués ou partagés. Le deuxième jour était consacré à la sortie des enfants en forêt ou en montagne, soit pour apprendre les rudiments de la nature, soit pour être initiés à la chasse. Le dernier jour était un jour de marché, où les hommes tiraient un trait sur l’année précédente en réglant leurs dettes et en effaçant les traces de l’année écoulée. Il fallait démarrer la nouvelle année dans un esprit nouveau, débarrassé des fardeaux de l’année écoulée. C’était aussi le moment de raconter les histoires anciennes qui permettaient aux Berbères de garder le lien avec leur histoire et de faire vivre leur culture. Mais depuis quelque temps, les Berbères qui étaient créateurs de culture, sont devenus de simples consommateurs. Selon Rachid Oulebsir, il est temps de reprendre les choses en main, et de montrer au monde comment cette fête est porteuse de valeurs universelles.

Yennayer au féminin au village Aguemoune

La toute jeune association culturelle 100 % féminine «Timunent N’tullas» du village Agurmounr N’Ath Amar, dans la commune de Taourirt-Ighil, daïra d’Adekar, en collaboration avec quatre autres associations du village, célèbre vendredi 1er yennayer 2968, jour de l’an amazigh qui coïncide avec le 12 janvier 2018. À cette occasion, dans le cadre de leur association, les femmes du village se sont concertées et ont concocté un riche programme de festivités. Ainsi, après l’ouverture solennelle de la cérémonie, le public sera invité à visiter une exposition-vente des produits de la région comme, entre autres, les stands d’habits traditionnels et ceux de la vente de miel. Les choses sérieuses commencent avec la course pour minimes filles et garçons, celle-ci sera suivie par une exhibition de «Minh long» et de «Jeet Kune do». À 11 heures, les organisatrices ont prévu une série de jeux traditionnels tels le jeu de la toupie «zerbouta» et celui de la raquette de figue de barbarie qui consiste, surtout pour le perdant, à mordre à pleines dents dans la raquette au risque de s’y faire piquer et d’en avoir toute la bave dans la bouche. Pour les filles, il y aura un jeu de la marelle et un autre dit d’«avoulqaf» où le tout est d’avoir la dextérité de lancer des dés de pierre en l’air et de se livrer au jeu de jonglage entre des pierres jetées en l’air et celles qui sont posées sur le sol. Pour les cordons bleus du village, les initiatrices de l’événement ont programmé un concours du meilleur plat traditionnel entre couscous, aasbane, verkoukès et autres aftir ouqeçoul. Le clou des festivités sera sans doute l’organisation d’un mariage fictif avec le cortège nuptial où la mariée sera portée sur le dos d’un mulet, le transport du coffre de la mariée et la troupe d’iteballen. La fête se terminera par une pièce théâtre et des déclamations de poésies.

F.A.B. et B. M.

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