L’Aïd et l’argent pour le fêter

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Par S. Ait Hamouda

Le Ramadhan touche à sa fin. Avec son crépuscule l’accompagne aussi la faim, son corolaire. Combien nous a-t-on promis, au début de ce mois, une mercuriale acceptable, il n’en fut rien. Les prix ont décollé, ont été hors de portée du citoyen, qui se retrouve sans le sou pour l’Aïd. Rien ne présage, vu l’extrême cherté de la vie qu’on a connu, une embellie par les temps qui courent. Seulement pour acheter des habits aux enfants, on doit de deux choses l’une, soit se faire passer du fric, soit prendre ce qu’il y a de moins cher, c’est-à-dire la fripe, ou les stocks américains comme dirait l’autre. C’est ce qui s’appelle la débrouille, en pareil cas, et encore pour se débrouiller, il faut être autrement plus solide, avoir quelques sous, de quoi subsister et de quoi habiller sa marmaille. Lorsque il n’y en pas de quoi mettre, à la rigueur, du beurre dans les épinards, ils sont tous les deux intouchables, on enjolive, on travestit, on farde comme on peut le plat pour qu’on ait l’impression d’être le jour de l’Aïd. Cela-dit, on fête ce qu’on peut fêter, les joies, les jeux et la bonne humeur, consacrés à cette célébration, doivent livrer leurs secrets à tout le monde. Il n’y en a pas de plus coûteux que l’illusion d’un bien être qui n’en est pas en vérité. Certes, on va se couper en quatre pour contenter les enfants et la famille, parce qu’une fête ça suppose la famille au sens large du terme. Rien ne sert à se fouler la rate pour s’apercevoir après coup de l’indicible, de l’insondable, pauvreté dans laquelle on baigne sans se mouiller. Il va falloir mettre de côté sa sensibilité, sa paranoïa, sa schizophrénie et ses autres souffrances mentales ou physiques, pour prendre son courage à deux mains et affronter l’heure comme elle vient. Le moment est mal choisi pour se plaindre de tout et de rien à qui ne peut t’entendre. Ne dit-on pas «ventre affamé n’a point d’oreilles ?» Garder le bon sens est mieux que se plaindre à tout va.

S. A. H.

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