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Aït Yahia - La 11e édition lancée avant-hier : Aït Hichem renoue avec la Fête du tapis

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La 11ème édition de la Fête du tapis d’Ait Hichem a ouvert ses portes, avant-hier jeudi, en présence du directeur général de l’artisanat, du ministère du Tourisme et de l’artisanat, accompagné d’une délégation de hauts cadres du secteur, de l’intérimaire du directeur de wilaya du tourisme, du président de la chambre de l’artisanat de la wilaya de Tizi-Ouzou, des autorités locales et d’une forte délégation d’élus à l’APW de Tizi-Ouzou.

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La cérémonie fut riche en couleurs et très animée. Les organisateurs, particulièrement les femmes tisseuses, avaient planté le décor, depuis la veille, avec l’installation des artisans, alors que les préparatifs avaient commencé avec le roulage du couscous, depuis plus d’un mois. Un tel événement ne s’improvise pas. Il demande beaucoup de réflexion et de concertation pour les différents acteurs. Les villageois d’Aït Hichem occupent une place prépondérante dans la conduite de la manifestation.

Les plus âgés, rompus à ce genre de manifestations, veillaient au grain. Toute une armada de jeunes gens et de jeunes filles, souriants, sillonnent le site de l’exposition pour guider les visiteurs. Des jus, du thé et des gâteaux sont mis gracieusement à la disposition du public en attendant que tous les présents prennent part au banquet (waâda), servi au réfectoire de l’école. La fête avait commencé de bonne heure à Aït Hichem par une troupe folklorique «tbel».

L’école primaire de la localité était noire de monde, dès les premières heures de la matinée, avec une forte présence d’invités de nombreux villageois des deux sexes, enthousiastes, semblant reprendre goût à leur fête après une longue éclipse de dix années (de 2007 à 2016). Cette absence (de la fête) que les villageois semblent regretter, est revenue plusieurs fois dans les discours des nostalgiques de «la belle époque» dont ils ne sont pas peu fiers.

Dès l’entrée de l’école, un grand portrait de Da Larbi, le fondateur de la Fête du tapis, attire l’attention du visiteur. Les étrangers à la région s’informaient sur cet homme, connu et respecté dans la région, décédé en 1993. Les Aït Hichem lui rendent hommage à chaque événement.

Les femmes tisseuses à l’honneur

Les femmes tisseuses, comme chaque année, se sont rassemblées sous un chapiteau dans la cour de l’école pour assister à l’ouverture officielle de la manifestation. L’ombre de leurs ainées, aujourd’hui disparues, plane sur les lieux. Au fond de la tribune, faisant face au public, plus d’une trentaine de portraits, les représentant, sont accrochés en guise de décor.

Pendant que les plus jeunes tisseuses s’affairaient à l’organisation, le groupe des anciennes, dont la plupart sont adhérentes à l’association, prenait place à l’ombre, attendant la fin de la cérémonie pour rejoindre leurs stands. Habillées de leurs plus beaux atours, elles semblaient heureuses d’être distinguées lors de cette fête dont elles sont les actrices principales.

Les jeunes villageois allaient de l’une à l’autre pour les congratuler. Elles se faisaient un plaisir de discuter avec d’autres visiteurs qui les sollicitaient sur leur parcours dans le domaine du tapis. Elles racontaient l’histoire du tapis avec force détail, citant les premières tisseuses telles Mesdames Périn, Chantereaux, Abdeslam, Zemouri jusqu’à leurs collègues décédées telles Na Taous, na Ghnima ou Na Ldjazira.

Parlant de leur situation actuelle, elles ne cessent de rappeler, comme chaque année, «toutes les difficultés» auxquelles elles font face dans leur travail quotidien. «Le coût de la vie et surtout les prix de la laine» jouent un rôle sur le prix de revient des tapis. «Nous aimerions trouver la matière première à bon prix pour vendre moins cher nos produits», confie une sexagénaire qui avoue que «les ventes ne sont plus aussi importantes qu’au temps des touristes étrangers.

Les gens de chez nous n’achètent nos tapis que pour la constitution du trousseau de la mariée.» Taous Aït Ouazzou, présidente de l’association des femmes tisseuses pour la sauvegarde et la promotion du tapis d’Ait Hichem, est l’une des membres les plus actifs qui ont milité pour le retour de la fête du tapis, à Aït Hichem, village de ses origines.

Selon elle, «pour cette 11e édition, soixante participants, dont dix huit femmes tisseuses représentant le tapis du village organisateur de l’événement, et une quarantaine d’autres artisans et artisanes de différentes spécialités, ont été installés dans le site réservé à cet effet.»

Elle signale également que parmi les exposants, certains sont venus de wilayas éloignées telles Ghardaïa, Touggourt, Khenchela et Béjaïa. Avant de procéder à l’ouverture officielle de l’exposition, les officiels dont monsieur Tahar Ben Slimane le P/APC d’Aït Yahia, le directeur de l’artisanat et autres ont été appelés à la tribune, à tour de rôle pour une prise de parole.

En tant que présidente de «Azetta», madame Aït Ouazzou prit la parole pour souhaiter la bienvenue aux hôtes de cette manifestation. La plupart des orateurs regrettent que la fête du tapis ait été mise sous l’éteignoir durant des années. Lila Hadj Arab dira à ce propos: «Ceux qui veulent préserver le tapis d’Ait Hichem, c’est à Aït Hichem qu’ils doivent le faire». A son tour, Tahar Ben Slimane, le P/APC d’Aït Yahia, comme de nombreux orateurs, rendra hommage à celles qui ont milité pour que le tapis revienne à Aït Hichem.

«C’est grâce aux efforts consentis par les femmes tisseuses que le tapis est revenu à son lieu de naissance», a-t-il souligné. Une déclaration suivie d’un tonnerre d’applaudissements et de youyous. Il rendra «un hommage appuyé à toutes celles qui nous ont légué cet art ancestral», considéré ici comme un trésor. Le président de l’APW, quant à lui, après avoir rendu hommage aux femmes tisseuses vivantes ou défuntes, dira que «le tapis d’Aït Hichem représente un symbole qui porte l’identité de cette région et du pays tout entier.»

S’adressant aux artisanes il ajoutera «nous sommes fiers de votre combat. Nous étions, nous sommes et nous serons avec vous.» Il annoncera que «l’APW vous fait don de cinq cent mille dinars (50 millions de centimes). Le directeur de l’artisanat de la wilaya, Ben Ali, qui abonde dans le sens de ceux qui l’ont précédé à la tribune, parlera quant à lui de cette «valeur nationale», ajoutant: «Nous sommes disposés à prendre en charge toutes vos doléances».

Le discours le plus long est revenu à l’un des doyens du village, Monsieur Aït Ouazzou Mohamed, ancien président du comité, qui a eu à organiser plusieurs éditions de la fête du tapis. Il dira d’emblée que «si le tapis a gardé son identité, c’est grâce à ces femmes tisseuses jeunes ou vieilles.

«(…) Je ne peux que saluer son retour (la fête du tapis) ou plutôt sa résurrection après une longue éclipse qui a failli sonner son glas… Il serait inutile de relater les péripéties d’une sombre période qui a transformé une activité florissante en une entreprise de colportage… Notre espoir est grand quant à la reprise de l’artisanat qui est presque la seule ressource de nombreuses familles. Le premier pas est déjà franchi mais le chemin est encore long…».

A. O. T.

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