«Nos produits agricoles sont sains»

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Le secrétaire général de la Chambre nationale d’agriculture, M. Abdelmalek Akouche, parle dans cet entretien des rumeurs colportant que la consommation de fruits et légumes irrigués avec des eaux usées soit à l’origine de l’épidémie de choléra apparue en Algérie. Le responsable écarte, tout de go, tout danger tout en appelant au respect des normes d’hygiène qui s’imposent au quotidien.

La Dépêche de Kabylie : De folles rumeurs circulent quant à la contamination des fruits et légumes pouvant être à l’origine de l’apparition des cas de choléra en Algérie. Qu’en est-il ?

Abdelmalek Akouche : Avant d’être secrétaire général de la Chambre d’Agriculture, je suis d’abord ingénieur en agronomie. Mes études et mon expérience en agriculture me permettent d’aborder ce sujet sereinement pour démentir catégoriquement ces informations infondées, visant à déstabiliser l’économie nationale et hypothéquer l’avenir de nos agriculteurs.

Les chercheurs et universitaires de par le monde ont fait des analyses et des recherches, sans qu’aucune n’ait prouvé que l’irrigation à partir des eaux usées, puisse drainer les métaux lourds ou les virus à l’intérieur des fruits ou des légumes. Il faut savoir que l’arbre, ou la plante, est un être vivant qui respire et qui s’alimente pour nourrir ses fruits ou ses légumes. Ces plantes ou arbres protègent les fruits qu’ils portent.

Ces végétaux disposent de filtres complexes leur permettant de ne laisser aucun virus pénétrer à l’intérieur de leur chair. Ceci d’une part, d’autre part, il est possible que certaines eaux d’irrigation puissent être polluées, toutefois, les résidus ne se retrouvent pas à l’intérieur du fruit ou du légume, mais à l’extérieur. La partie consommable est épargnée de ce virus et autres contaminations possibles.

Alors il faut juste soigneusement laver ou éplucher le fruit ou le légume avant sa consommation. Laver à grande eau, car dans une bassine, les éléments de pollution stagnent et ne sont pas évacués de la surface du légume ou du fruit, d’où la nécessité d’utiliser de l’eau javellisée.

Pourtant, la plupart des consommateurs pensent que le virus est à l’intérieur du fruit ou du légume…

C’est impossible, je le répète, aucun fruit ou légume ne contient de virus dans sa chair, c’est la surface qu’il faut nettoyer à l’eau de javel avant la consommation. Des gens vous diront que des membres d’une famille ayant consommé de la pastèque ont été malades, possible, mais je doute fort que seule cette pastèque ait été irriguée à partir des eaux usées. Ce sont des tonnes de pastèques qui sont produites de manière identique sur une même parcelle.

La maladie peut par contre provenir de la fraicheur douteuse de la pastèque, qui peut tourner avec la chaleur ou par mauvaise condition de stockage. Le phénomène se rapportant à la vérification, à l’achat au marché, de la qualité des pastèques consistant à en extraire un carré , peut présenter des risques quand on sait que le fruit n’est d’abord pas lavé, en plus du couteau dont on se sert, qui traine partout sans jamais être lavé, ou que certains plongent dans un récipient d’eau jamais renouvelée.

Acheter de cette manière, c’est acheter une maladie. Nous produisons annuellement près de 111 millions de quintaux de légumes et pas loin de 6 millions de quintaux de fruits sans jamais avoir connu une épidémie ou une quelconque maladie.

Cependant, l’institut Pasteur évoque l’irrigation avec des eaux usées et possibilités de contamination…

Il doit certainement y avoir des gens peu scrupuleux qui irriguent leurs parcelles avec des eaux usées, je ne peux pas affirmer le contraire, mais pour nous, ce ne sont pas des agriculteurs et nous ne pouvons pas les considérer comme tels. Ce sont des criminels, des hors la loi et en général ce ne sont pas de grands exploitants.

Ce sont surtout ceux qui disposent d’une petite parcelle dans des endroits isolés. Je précise que chaque année, à travers le territoire national, les walis établissent des arrêtés pour interdire l’utilisation des eaux usées dans l’irrigation. Il y a surtout les services de sécurité, notamment les éléments des brigades de gendarmerie qui sont chargés du suivi et de l’exécution de cet arrêté.

Ces pratiques sont de rares exceptions qui nuisent forcément à la réputation de nos agriculteurs et de nos produits. Nous avons 40% de notre production nationale qui provient des maraichages de la wilaya de Biskra. Une région qui dispose d’un immense périmètre irrigué avec des retenues collinaires, des puits ou des barrages et il n’y a aucun individu se réclamant agriculteur qui irrigue ses cultures avec des eaux usées.

Au niveau de la chambre nationale de l’agriculture, y a-t-il des rapports qui vous sont adressés sur les agissements de ces individus qui irriguent avec des eaux usées ?

Non, au niveau de la Chambre Nationale de l’Agriculture nous ne recevons pas de rapports dans ce sens et je vous garantis que ces méthodes réprouvées et interdites sont minimes et absolument pas répandues à travers le territoire national. Ces personnes peu scrupuleuses profitent qu’un oued se trouvant à proximité de leurs parcelles et s’en servent pour l’irrigation, mais je souligne que ce sont des actes isolés et insignifiants.

En aucun cas les grands exploitants agricoles n’agissent de cette manière. Je vous réaffirme que tous les produits issus de notre agriculture sont sains et propres à la consommation, ne représentant aucun danger sur la santé humaine. Je souligne juste qu’il faut les laver avant de les consommer et il ne s’agit là que de mesures d’hygiène censées être adoptées au quotidien.

Comment comptez-vous regagner la confiance des consommateurs aujourd’hui ?

Encore une fois, les rumeurs attribuant l’épidémie du choléra à la consommation des fruits et légumes, ne sont que des allégations sans fondement. Les réseaux sociaux ne sont pas des revues spécialisées, ni des laboratoires d’analyses et de recherches, et les personnes qui animent certaines pages ne sont pas d’éminents spécialistes en la matière.

Ces allégations pénalisent les agriculteurs consciencieux et honnêtes qui se retrouvent aujourd’hui cloué au pilori à cause d’une campagne mensongère. Émettre une hypothèse infondée d’une telle gravité est criminel, c’est un acte délibéré portant atteinte à l’économie du pays, sans parler des milliers de familles qui vivent de l’agriculture.

De ce fait, les auteurs de tels crimes devraient être sanctionnés. Je mets quiconque au défi de me prouver par une analyse scientifique ou un rapport d’expertise que des fruits ou des légumes soient contaminés par un virus dans leurs chairs via une irrigation à partir des eaux usées.

Ces spéculations ne sont pas sans conséquences sur l’économie nationale, ne serait-ce pas l’Algérie qui est visée du moment qu’elle commence à exporter les produits de son agriculture ?

Des gens ont commencé à médire de la qualité des produits agricoles algériens bien avant, en rapportant que les produits de notre agriculture ont été refoulés par tel ou tel pays. Notre agriculture est saine, aucun pays n’utilise autant de produits phytosanitaires comme l’Europe.

L’Algérie se passe de l’abus de ces produits, car nous les utilisons de manière rationnelle et nous n’avons pas de productions d’envergure qui susciteraient l’utilisation intensive de ces adjuvants. Nos produits sont appréciés de par le monde et nous continuons l’exportation. J’espère qu’on arrêtera ces manœuvres criminelles et ces polémiques stériles autour de sujets qu’on ne maitrise pas. Aux spécialistes de se prononcer en toute âme et conscience, et que le l’algérien soit rassuré, il peut consommer en toute quiétude nos produits agricoles

Recevez- vous des plaintes des agriculteurs victimes de cette propagande, notamment pour la pastèque et le melon ?

Oui nous recevons les doléances des agriculteurs qui se disent pénalisés par cette campagne de désinformation et qui nous demandent d’intervenir pour démentir ces rumeurs. Le consommateur doit savoir qu’au niveau des 48 chambres d’agriculture au niveau national, nous menons chaque année des campagnes de sensibilisation pour interdire d’irriguer les cultures à partir des eaux usées.

La récolte de la pastèque et du melon a été prolifique cette saison et nous avons enregistré des productions records de El Ménéa, Mostaganem El Oued. Tout le monde en a consommé à profusion sans que l’on enregistre un quelconque problème d’ordre sanitaire. Jusqu’à présent, aucune épidémie ne s’est déclarée à cause de la consommation de la pastèque ou du melon. Il peut y avoir de temps en temps des cas d’intoxication, si le fruit est mal conservé ou gâté par l’effet de la chaleur ou s’il n’est pas de première fraicheur, mais aucune épidémie ne s’est déclarée ou ne se déclarera suite à la consommation de melon ou pastèque et aucune étude ne l’a scientifiquement prouvé.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

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