«La situation du handicapé est alarmante»

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A travers cet entretien, le président de la commission sociale de l’APW de Tizi-Ouzou, M. Smaïl Benhama, dresse un tableau noir sur la situation du handicapé, en butte à différents manques dénotant l’insuffisance de la prise en charge de cette catégorie vulnérable de la société.

La Dépêche de Kabylie : Comment est la situation actuelle des personnes handicapées et quels sont les problèmes auxquels elles font face ?

Smaïl Benhamna : Leur situation est alarmante, elle nous interpelle tous et à tous les niveaux. Cette frange sensible de la société mérite une nouvelle réflexion et de nouveaux mécanismes pour lui permettre de retrouver sa dignité et de vivre normalement. Concernant les problèmes, il y en a malheureusement plusieurs, à commencer par la scolarisation, la formation, l’emploi, l’accessibilité, les soins, le matériel et même l’âge de départ à la retraite. Il faut savoir que lorsqu’une personne handicapée a la chance de trouver un travail stable, on l’a contraint à ne partir en retraite qu’à l’âge de 60 ans, chose impossible pour un handicapé ! Il faut revoir le nombre d’années de travail et l’âge de départ à la retraite. Les personnes aux besoins spécifiques, affaiblis par le handicap et la maladie, ne peuvent pas tenir jusqu’à l’âge de 60 ans, c’est une injustice à réparer rapidement !

Qu’en est-il des problèmes de scolarité, de formation et d’emploi ?

Concernant la scolarité des handicapés moteurs, le principal problème est celui de l’accessibilité. Les écoles, les collèges, les lycées, les universités et les instituts ne sont pas aménagés de sorte à accueillir cette catégorie. Les élèves handicapés sont parfois scolarisés aux étages supérieurs et les accès facilitant leur circulation ne leur sont pas aménagés partout. Il leur faut, donc, toujours de l’aide pour rejoindre leurcccccccs salles de classe. Les handicapés atteints d’insuffisance mentale, quant à eux, ne sont pas tous scolarisés car les structures d’accueil ne sont pas suffisantes. Hormis le chef-lieu de wilaya et quelques communes, les autres localités ne sont pas dotées de structures. Le mouvement associatif intervient parfois pour limiter les dégâts. Et d’ailleurs, six établissements sont gérés par des associations. Pour ce qui est des non-voyants et des sourds-muets, il n’existe qu’une seule école qui leur est dédiée, à Boukhalfa. Ce qui est, bien entendu, insuffisant. Dans le domaine de la formation professionnelle, nous n’avons aucun centre au niveau de la wilaya. L’emploi, c’est un cauchemar ! Pourtant, la loi garantit 1% des postes budgétaires aux handicapés, mais sur le terrain, c’est autre chose. Les employeurs ne jouent pas le jeu. C’est finalement du noir sur blanc. Certes, certains sont employés dans le cadre du filet social mais dès que le contrat arrive à terme, c’est le chômage. Les handicapés sont également rejetés quand ils veulent monter leurs entreprises, leurs dossiers sont rejetés par la CNAC, L’ANGEM et l’ANSEJ.

Le problème le plus crucial reste celui de l’accessibilité, n’est-ce pas ?

En effet, c’est un casse-tête quasi quotidien pour les personnes handicapées. L’accessibilité aux infrastructures et édifices publics n’est jamais garanti. Un accompagnateur est toujours indisponible pour l’handicapé. Pour se rendre au bureau de poste, Chikhi par exemple, aux administrations publiques, aux universités, aux banques et même aux mosquées, l’accès permettant l’autonomie de l’handicapé n’est pas toujours disponible. L’handicapé fait face, seul, à d’autres problèmes, notamment l’accès au logement, le transport, l’acquisition de matériel orthopédique et le matériel de lecture pour les non-voyants. Et pour couronner tout cela, il y a la modique aide de 4 000 DA accordée aux handicapés à 100% et 3 000 DA aux moins de 100 %. Il faut, et dans l’urgence, revoir ces pensions à hauteur au moins du SNMG.

Que fait justement votre Assemblée et votre commission pour venir en aide à cette catégorie ?

Notre Assemblée fait des efforts en direction de cette frange de la société, mais cela reste insuffisant pour améliorer de manière significative le cadre de vie des personnes aux besoins spécifiques. Dès notre installation, nous avons mobilisé un montant financier pour réaliser l’accès à l’Assemblée. Nous distribuons annuellement du matériel orthopédique aux handicapés, celui de cette année dépasse les 12 millions de dinars. Nous attribuons, aussi, des subventions aux associations sociales et accordons des fiches techniques aux établissements d’accueil. Nous avons aussi demandé l’inscription de 3 centres psychopédagogique, 1 centre pour les non-voyants et les sourds-muets, 1 maison des associations et 1 centre pour les sans domicile fixe (SDF) et les femmes en détresse.

Entretien réalisé par H. T.

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