Accueil Évènement  »Vous n’êtes pas en train de parler à un Australien… »

 »Vous n’êtes pas en train de parler à un Australien… »

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Contrairement à sa première journée de visite dans la capitale où il s’est montré réservé, le président de la République a exprimé, hier, sa colère à plusieurs reprises au cours de son inspection dans des projets économiques de l’Algérois.Visiblement irrité, le chef de l’Etat a déversé sa colère sur plusieurs de ses ministres et il n’a pas réussi à se contenir à plusieurs occasions. Dès l’entame de la visite avec l’inauguration du projet de l’accès à la nouvelle aérogare d’Alger, Abdelaziz Bouteflika a désavoué le ministre des Travaux publics qui voulait construire des centres de loisir et distraction autour du nouvel ouvrage. « Je ne veux rien voir autour. Les lieux sont suffisamment exigus. Il faut laisser les espaces verts », a-t-il fait remarquer au ministre et au wali d’Alger.

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« Ce n’est pas ce que vous m’avez dit en conseil des ministres » La visite du chantier de la nouvelle aérogare d’Alger a été une occasion pour le président de la République d’exprimer son mécontentement quant au retard enregistré dans le livraison de la structure. A peine si le responsable du projet eu le temps de faire une présentation, que Bouteflika interpelle son ministre des Transports, Mohammed Maghlaoui. « Je m’adresse au ministre, vous êtes très en retard. Ce n’est pas ce que vous m’avez dit en conseil des ministres, et le reste je le connais », a-t-il lâché sous le regard des deux responsables, qui n’ont pas d’autres arguments à faire valoir, sinon celui de dire que « le transfert de la gestion de l’aéroport prend du temps ». Ce n’était pas suffisant pour le Président qui réclame tout de même une meilleure qualité de service. « Je veux un service de premier choix », a-t-il dit à ses vis-à-vis. Le wali d’Alger, Mohammed-Kebir Addou, n’a pas non plus été épargné par le chef de l’Etat. Lors de la visite qui l’a conduit à la station d’épuration des eaux usées de Réghaïa, Abdelaziz Bouteflika a interpellé le premier responsable de la wilaya d’Alger sur la nécessité de respecter les délais de réalisation. Il n’a pas été convaincu par la réponse du wali qui s’était limité à un « prochainement ». « C’est quand exactement ? », interroge Bouteflika. « Pendant l’été », répond le wali d’Alger. Et le Président a pris au mot le responsable tout en le prévenant qu’il va les « surprendre » parce qu’ils le conduisent « là où ils veulent ». L’université des sciences et de la technologie de Bab Ezzouar a été une étape importante de la visite présidentielle. Non pas parce que Bouteflika s’est limité à des remarques, mais parce qu’il a profité de l’opportunité pour distiller des vérités connues de tous et revenir sur la situation lamentable de notre système éducatif. « Nous sommes à un seuil dangereux. Nous sommes au dessous de la moyenne », a asséné le Président pour parler de l’enseignement avant d’appeler à « répondre à l’Algérie nouvelle ». Le concept vaut pour lui que nos institutions manque de gestion. « Il faut régler le problème de gestion dans ce pays, quitte à créer une université de gestion. Tout doit être bien géré. D’ailleurs, aucun secteur n’est bien géré, à commencer par le secteur de la jeunesse et des sports. D’ailleurs, vous n’avez qu’à voir les résultats de nos équipes de football », a encore ajouté le chef de l’Etat qui pose le problème de la formation des formateurs dont le manque a conduit, selon lui, à « la médiocrité ». C’est parce que l’Algérie « va très mal sur le plan de la qualité » que Abdelaziz Bouteflika a appelé à réfléchir comment résoudre le problème de la qualité de l’enseignement dispensé à tous les niveaux. « Vous devez réfléchir à ce problème. Ce n’est pas normal de donner des diplômes qui ne valent absolument rien du tout. Il faut que vous disiez la vérité aux jeunes ». Boubekeur Benbouzid, ministre de l’Education qui a tenté d’expliquer au Président que lui et Rachid Harraoubia, ministre de l’Enseignement supérieur, ont lancé des projets à long terme, en a pris pour son compte. « Vous n’êtes pas en train de parler à un Australien. Vous êtes en train de vous adresser à un Algérien. Moi je vous parle d’une réalité qui fait que le niveau de notre scolarité a atteint des seuils inacceptables », a-t-il répondu avant de poursuivre que le problème réside dans la gestion. « L’enseignement est une chose et la gestion en est une autre. Ce n’est parce qu’on est un grand professeur qu’on est forcément un bon gestionnaire », a encore lâché le chef de l’Etat avant de demander aux ministres de présenter « une réflexion au gouvernement ». Une réflexion que le Président veut comme un diagnostic et des solutions aux problèmes de l’Education dans notre pays. Par ailleurs, Bouteflika, et dans le même registre, a plaidé pour la création de conditions susceptibles d’arrêter la fuite des cerveaux. « Ce n’est pas normal qu’on forme des cadres pour servir je ne sais quelle Canada ou quelle France. Je sais que c’est un problème qui touche même les pays développés, mais nous devons penser à nos intérêts ». Bouteflika a avancé que « certains nous parlerons du respect des droits de l’Homme. Mais, pour moi, les droits de l’Homme c’est avant tout les intérêts de l’Algérie », pour expliquer qu’il est conscient du droit de la libre circulation des personnes. Là aussi, le chef de l’Etat a invité le gouvernement à réfléchir « comment arrêter ces hémorragies. D’abord celle de la médiocrité et puis celle de la fuite des cerveaux ».

« Vous m’avez menti »Le quartier d’affaires d’Alger implanté à Bab Ezzouar est un projet prometteur pour la capitale. Il sera, après la fin des travaux en 2007, la vitrine de la capitale. Il contiendra des buildings modernes et des bureaux en plus d’un hôtel standing et des restaurants. Le chef de l’Etat, qui a suivi attentivement la présentation du projet, ne s’est pas empêché d’épingler les ministres des Investissements et des Finances. « Vous m’avez toujours menti. Vous bloquez des projets intéressants avec votre bureaucratie et vous privez les Algériens des millions de dollars. S’il y a des investisseurs qui résistent, d’autres sont obligés de changer d’air et aller voir ailleurs », a-t-il dit à l’adresse de Hamid Temmar, ministre de la Participation et de la Promotion de l’investissement. Le Président a exprimé son ras-le-bol de voir la lenteur du traitement des dossiers des investisseurs, notamment étrangers, et les entraves que ces derniers rencontrent lorsqu’ils affichent leur intention de fructifier leur argent dans notre pays.En somme, c’est toute la problématique de notre pays que le Président a exprimé, hier, en quelques phrases. C’est aussi l’expression d’un désarroi longtemps refoulé. Mais jusqu’à quand ?

Ali Boukhlef

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