Matoub, toute une œuvre à méditer

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L’œuvre de Lounès Matoub sera revisitée, lors du colloque national que lui consacrera l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, les 23 et 24 janvier prochain. Un événement lors duquel Le Prix de la mémoire lui sera décerné.

La vie de Matoub Lounes et son œuvre suscitent toujours le plus grand intérêt, 20 ans après sa disparition. Plusieurs recherches, rencontres et colloques lui sont régulièrement consacrés. Le dernier en date fut celui de l’université Abderrahmane Mira de Béjaïa, en juin dernier. L’université de Tizi-Ouzou, avec laquelle le chanteur entretenait une relation exceptionnelle du temps du Mouvement culturelle berbère dont l’université a été le berceau dans les années 80 et duquel le Rebelle fut l’un des acteurs, bien qu’il ne fût point étudiant, a décidé de lui rendre un hommage amplement mérité.

«L’intérêt de cette rencontre est avant tout de reconstituer une base pour les recherches actuelles en littérature, particulièrement la littérature contemporaine, pour ne pas en rester à la poésie traditionnelle (…) Il s’agit aussi de faire l’approche des textes ‘’matoubiens’’ avec tous les outils théoriques qu’offrent les disciplines actuelles, à savoir la sémiotique, la narratologie et autres», précise Dr Said Chemakh, un des initiateurs du colloque. Ceci concerne le volet scientifique.

S’agissant de l’aspect culturel du colloque, notre interlocuteur souligne : «C’est la consécration du poète». Le colloque proposera en effet des études «approfondies» sur les thématiques chantées par Matoub Lounes. Des thématiques traditionnelles et d’autres novatrices seront abordées. «On ne va pas travailler seulement sur l’amour ou la vie sociale. Ce qui nous intéresse le plus c’est la recherche sur la part du narcissisme dans la poésie amoureuse, sur la désirance, mais surtout les approches des textes. On aura, certes, les thématiques traditionnelles sur le réalisme, l’amour, l’approche de l’Histoire telle que vue par Matoub, mais il y aura aussi une approche sur son autobiographie, le fait de se mettre en avant dans ses chansons mais aussi dans son livre témoignage « Le Rebelle ». Il y aura aussi des études, pas seulement du point de vue narratologique, mais également du point de vue de la sémiotique. On essayera d’utiliser tous les outils qui sont à notre disposition dans la critique littéraire, pour une approche ‘’matoubienne’’ du texte», affirme Dr Chemakh.

Aperçu des communications

«Matoub, entre narcissisme et réalisme», est une des communications qui seront présentées au colloque, par Mme Amrar Farida, doctorante et Dr Hamdi Aissa, DLCA, Université de Bouira. Loin des jugements de valeur et des stéréotypes que stimule le sens commun, précise-t-on, les chercheurs se sont penchés beaucoup plus sur son ouvrage Le Rebelle, moyennant de la technique d’analyse du contenu visant ainsi à recueillir les données, directement, de l’acteur social, tel que le recommandé pour toute recherche anthropologique. Les différents vecteurs reflétant sa pensée, telle que : Matoub l’enfant difficile ; Matoub et sa mère ; Matoub et le colonialisme ; Matoub et la diversité linguistique ; Matoub et les pères blancs ; Matoub et l’éveil identitaire, etc. seront donc abordés. Regard sur la poésie matoubienne. Un legs multidimensionnel à sauvegarder» est une autre conférence qui sera animée par M. Arab Khaled, doctorant en anthropologie, à Université d’Oran 2.M.

«… La voie initiée par Matoub Lounes empruntait les raidillons du gémissement sans voile, de l’expression débridée et des rêves fous de toute une génération qui voulait en finir avec le despotisme qui avait ligoté les libertés individuelles et collectives, confisqué l’identité millénaire d’un pays et pris en otage le sort de tout un peuple assoiffé de lumière et de justice. Apportant un nouveau style à la chanson kabyle engagée : style dénonciateur et revendicatif, le lion indomptable des montagnes se situait d’emblée aux antipodes des stéréotypes de l’époque ».

La communication se veut «une relecture du génie poétique de Matoub Lounes, en associant un ensemble de mots intimement liés à sa personne – Algérie, Montagnes, Kabylie, Boudiaf, Châabi, Djamila, El Anka, Femme, Gala, Hommage, Izem, JSK, Kenza, Lettre ouvertes aux&hellip,; Nadia, Octobre 1988, Pèlerinage, Québec, Rebelle, San Fransisco, Tajalt, Unesco, Yemma, Zénith …etc, – et leur synergie pour en savoir davantage sur le personnage contesté et incontesté de tous». Une autre communication pourtant sur la «Contribution à l’étude sémiotique du texte « Amjazi ou communion avec la patrie » de Matoub Lounes» sera présentée par Dr Bellal Nordine, DLCA, Université de Bouira.

Le conférencier abordera «L’approche de texte poétique de Matoub Lounes». A travers laquelle «nous viserons de réaliser une lecture sémiotique d’un poème de ce poète-chanteur qui sera comme un exemple d’étude de ses textes poétiques, c’est-a-dire, nous nous proposerons de mener une analyse sémiotique, comme une nouvelle lecture du texte « Amjazi ou communion avec la patrie ». Nous avons choisi de porter notre intérêt sur l’étude des composantes narratives et discursives de ce texte, afin de dégager ses structures signifiantes et constituantes. Nous appuyons sur la théorie sémiotique pour accéder au sens véhiculé dans ce poème et comprendre comment Matoub a construit et structuré cette signification dans son poème».

«L’œuvre poétique de L. Matoub : un livre ouvert sur l’Histoire» est une autre thématique qui sera abordée par Mme Bouzenada Leila, doctorante, au département de Français, Université de Blida. «L’œuvre de Lounès s’oppose, à travers plusieurs textes, au mensonge historique et à l’Histoire instrumentalisée. Elle constitue en effet un livre ouvert sur l’Histoire, un fond inépuisable qui servira toujours à démythifier l’Histoire idéologique et à la sortir des carcans de la censure», résume-t-elle.

Dr Chemakh, quant à lui, concentrera son intervention dans ce colloque sur «Les langues Tamaziɣt et Taɛrabt» dans les textes matoubiens. Significations et interprétations plurielles. «Sur un corpus constitué de plus de 130 textes poétiques chantés durant la carrière de L. Matoub, la langue et plus particulièrement les langues Tamaziɣt et Taɛrabt sont citées de façon explicite ou implicite dans près de 20 textes», souligne le conférencier. Plusieurs autres thèmes sont prévus dans le colloque qui s’annone d’ores et déjà très prometteur en matière de richesse des interventions et des thématiques choisies.

Kamela Haddoum.

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