Total, la firme multi-milliardaire, rattrapée

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La Cour d’appel de Paris s’est prononcée lundi contre une nouvelle expertise de l’Erika, ouvrant ainsi la voie à la tenue d’un procès qui devra notamment déterminer la responsabilité de Total dans le naufrage du navire en décembre 1999, à l’origine d’une gigantesque pollution au large des côtes bretonnes. Total, qui avait été mis en examen le 7 novembre 2001 pour ’’complicité de mise en danger de la vie d’autrui et pollution maritime’’, a ’’pris acte’’ de cette décision. Parallèlement, une vaste campagne internationale a été lancée lundi par une quarantaine d’organisations, syndicats et partis dans 18 pays pour exiger le retrait de Total de Birmanie. Une enquête judiciaire sur des soupçons de travail forcé lors de la construction du gazoduc Yadana en Birmanie entre 1995 et 1998 est en cours. Total a toujours rejeté ces accusations et aucune mise en examen n’a encore été prononcée dans cette instruction ouverte en octobre 2002.Les bénéfices de Total publiés jeudi –plus de 9 milliards d’euros en 2004, largement supérieurs aux bénéfices des entreprises françaises cotées–, ont été jugés indécents par des organisations syndicales, voire des hommes politiques, qui réclament aujourd’hui que ces profits soient mieux partagés. Certains réclament que ces bénéfices servent à l’indemnisation des dommages provoqués par la marée noire de l’Erika. Pour la porte-parole du Parti socialiste Annick Lepetit, ’’Total doit assumer toute sa responsabilité et la meilleure manière est de concourir à régler financièrement les dégâts. Nous pouvons demander un peu de civisme à cette entreprise qui a largement les moyens de payer’’. Le président du Mouvement pour la France (MPF), Philippe de Villiers, avait jugé samedi que ’’ces bénéfices sont un sujet de scandale, ils devraient être en partie consacrés à la création d’un fonds qui viendrait compléter l’indemnisation partielle des victimes de l’Erika’’. Un analyste sous couvert d’anonymat relativise cependant l’impact de ces deux dossiers sur l’image de Total. ’’Ca fait presque quinze ans qu’on parle de Total et de la Birmanie. A l’époque il y avait déjà des manifestants à la Défense qui réclamaient le départ du groupe de ce pays’’, a-t-il déclaré à l’AFP. Quant à l’Erika, le jour où l’on a appris que le bateau avait été affrété par Total, le titre avait chuté à la Bourse de Paris, mais il s’était aussitôt redressé les jours suivants, a fait valoir cette source. Pour Thierry Libaert, maître de conférence à l’Institut d’Etudes politiques de Paris et spécialiste de la communication de crise, l’important est de bien percevoir les enjeux réels d’une ’’affaire’’. Dans un article en décembre 2003, M. Libaert soulignait qu’il ne faut pas analyser la crise uniquement en fonction du traitement médiatique et des baromètres de l’opinion publique. ’’A la suite de l’Erika, Total devient le groupe français porteur de l’image grand public la plus défavorable. Et alors?’’ Car dans le même temps, le cours le plus élevé de l’année 1999 de l’action est atteint (136 euros) une semaine après le naufrage, faisait-il remarquer. Et malgré les nombreux appels au boycottage, le groupe n’a perdu que 0,1% de ses parts de marché. En 2000, le groupe avait dégagé le plus fort bénéfice jamais atteint par une entreprise française (7,637 milliards d’euros soit 50 milliards de francs).

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