Quels souvenirs pour les quinquagénaires ?

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Ils sont nés en 1956 et même avant et ils reconnaissent qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’apprendre l’histoire non seulement du fameux Congrès de la Soummam mais aussi de notre glorieuse Révolution ni à l’école ni au lycée, pis encore, au moment où ils devaient le faire, il n’était pas aisé de parler en public de ces héros qui ont fait l’histoire de l’Algérie.Le Congrès de la Soummam et les noms de Krim, Abane, Bentobbal et autres étaient proscrits.Pour toutes les personnes interrogées au sujet du Congrès de la Soummam, leurs confidences ont été toutes identiques malgré qu’ils ne soient ni ignorants, ni analphabètes mais jouissant d’une bonne instruction et ayant exercé de hautes fonctions. »Il est vrai que je suis actuellement à la retraite mais malgré mon âge, je n’ai pas étudié tout le long de mon cursus scolaire l’histoire de l’Algérie », nous confie Aami Ahmed, universitaire de surcroît qui ajoute que dans son enfance, à l’école coloniale, il se souvient que ses ancêtres étaient les Gaulois alors qu’il sait pertinemment que son grand-père n’a rien de commun avec celui du petit gaouri de madame Michèle. »Au collège, au début de notre indépendance,notre professeur d’histoire,un Français, nous parlait de la Mésopotamie alors que notre professeur d’arabe qui était Irakien nous entretenait des deux fleuves d’Irak, à savoir  » Edijla « et  » El Fourat « ,mais sans que nous sachions que les deux enseignants parlaient d’un même pays.En troisième, c’était la révolution industrielle qui n’avait rien à voir avec notre révolution alors qu’au lycée, la plus grande place était consacrée à la Seconde Guerre mondiale avec en prime un professeur qui nous mettait en garde contre ce qui est écrit dans notre livre, du programme français car les écrits émanaient d’historiens fascistes qu’il avait eu comme professeurs à l’université,donc même l’histoire de France a beaucoup à se reprocher alors que la nôtre reste à faire avec d’immenses pans qui ont déjà disparu », termine notre interlocuteur qui se désole de ne pas pouvoir nous fournir plus de matières.

L’adjudant “Vou Thaghyoult” Encore lycéen, Si Lounès, 56 ans, enseignant à la retraite, découvre tout au début des années 70 sa vraie identité. »C’est à la fin de 1969 et début 1970 que je fus présenté à des étudiants au niveau de la cité universitaire de Ben Aknoun,qui seront après très connus lors des évènements de 1980.Notre groupe sera et formera quant à lui celui des pupilles du mouvement berbère, c’est bien plus tard que je le saurai lorsque je fus présenté lors d’une commémoration par un leader politique à un autre que je connaissais déjà mais ce dernier ignorait tout de mes activités au sein du mouvement berbère. Alors, à partir de là, la célébration du congrès de la Soummam tous les 20 Août deviendra en quelque sorte un pélérinage à Ivry que nous avons connu en son état, comme en 1956, sans toutes ses transformations.En 1975, je n’avais pas pu entreprendre ce pélérinage car j’étais au service national. Qu’à cela ne tienne, en ce jour d’anniversaire, j’avais décidé d’en parler à un groupe de sous-officiers qui étaient tous d’anciens maquisards.Tout ce que je disais était puisés plus particulièrement du livre d’Yves Courrière La guerre d’Algérie »ou les magazines Historia que j’avais lus lors d’un voyage à Paris et je leur ai même cité l’histoire des documents du congrès qui avaient disparu avec l’âne qui les transportait. Après m’avoir écouté, l’un des adjudants, originaire de l’Est du pays, un homme âgé très respecté me conseilla d’aller voir plutôt l’adjudant F. qui appartenait à la zone de la Soummam alors que l’adjudant-chef M. du côté de Boghei me précisa qu’il convenait de lui citer « Vou Thaghyoult  » ( l’homme à l’ânesse) qui était avec lui, dans la même unité. Peu après, je rencontre l’adjudant F. Après le salut militaire d’usage, je lui demande de me parler de l’homme à l’ânesse (Vou Thaghyoult) dont l’animal, chargé des documents du Congrès de la Soummam s’était enfui pour rejoindre le cantonnement de l’armée coloniale après avoir entendu des coups de feu.J’était sûr que mon supérieur avait flairé le coup de ses collègues car après que son visage eut changé de couleur, il me demanda gentiment d’aller m’occuper de mon travail.C’est ainsi que j’avais appris que « l’homme à l’ânesse  » était mon adjudant F. Cette découverte resta pour moi comme un secret militaire « très confidentiel  » durant tout mon service”.

D’Ifri au palais des NationsToujours solitaire, traînant ses soixante années comme fait l’escargot avec sa coquille, Si Said n’adhère à aucun parti et la célébration de la tenue du Congrès de la Soummam est pour lui un devoir de mémoire et non de faire de cette journée une activité partisane. » A chaque fois que l’opportunité s’offre à moi de traverser la Soummam, je n’hésite pas à faire un crochet par Ifri pour venir me recueillir en ce lieu chargé d’histoire malgré sa modestie « ,nous confie notre interlocuteur qui ajoute qu’il peut rester des heures et des heures au seuil de la petite pièce qui a été le témoin de ce grand tournant historique de notre révolution tout en faisant le parallèle avec le palais des Nations du Club Des Pins avec tout son faste et lumières sans oublier ses gigantesques banquets servis à des pseudo-militants lors des congrès de l’ex-parti unique dont les résultats ont été toujours stériles et nuls. »Quand je me rends à Ifri, je mange toujours quelques fruits des figuiers qui restent toujours des témoins immortels et je bois autant d’eau que je peux de la source comme l’avaient fait sûrement les congressistes en ce mois d’août 1956 « , nous déclare notre interlocuteur en nous donnant rendez-vous pour ce jour devant l’éternelle source du village.

Essaïd N’Aït Kaci

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