«Même endettée, l’ENIEM est une entreprise viable…»

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Sans détour ni démagogie, M. Yadadène a répondu, du mieux qu’il pouvait, à tous les questionnements des journalistes et des invités présents pour dévoiler les réalités- pas toujours étincelantes- de la plus grande entreprise de la wilaya de Tizi Ouzou.Les débats objectifs et très enrichissants ont débouché par la suite sur les véritables embûches qui freinent la relance économique de la région ainsi que les meilleurs modèles de développement de la Kabylie. Les interventions de M. Yadadène étaient constamment étayées ou enrichies par celles émanant d’autres invités, notamment le maire de Tizi Ouzou et le directeur régional de la CNAC.

Un géant aux pieds d’argileEn proie à une multitude de contraintes financières, l’ENIEM, toujours considérée en Kabylie comme un fleuron de l’industrie locale, n’arrive toujours pas à se mettre définitivement sur les rails. Alourdie par des dettes faramineuses accumulées sur plusieurs années, le complexe industriel de Oued Aïssi tente aujourd’hui tant bien que mal de redresser la barre en relevant défi sur défi. Depuis l’arrivée de M. Yadadène à sa tête, l’entreprise semble se maintenir sur une cadence de productivité assez constante. Mais de l’aveu même de son PDG, cela demeure insuffisant pour l’arracher du spectre de la faillite ou de la fermeture.L’asphyxie financière à laquelle elle fait face présentement a sérieusement bouleversé ses équilibres internes.Toutefois, avant d’en venir à cela, l’invité de «la Dépêche de Kabylie» a tenu à faire une courte rétrospective sur le lancement de l’entreprise dans les années 1970 et les différents contextes économiques auxquels elle a obéi depuis la fin des années 1980. L’orateur expliquera que l’ENIEM est passée à l’autonomie de gestion en 1989, ce qui a changé son statut juridique de société publique (EPIC)à une société par actions (SPA) dont les modes de gestion et de fonctionnement sont régis par le code du commerce. Durant les années 1990, reprend M.Yadadène, l’ENIEM s’est retrouvée incapable de s’approvisionner en matières premières.Par conséquent, elle fut contrainte à réduire ses capacités de production à des proportions à peine croyables. L’ENIEM sombre dans l’inertie.Mieux, vers le début des années 90, l’entreprise a étéobligée de contracter des dettes externes dont les montants se sont avérés, quelque fois proches de 7 millions de dinars dont plus de 70% détenus par les banques.La situation devient inquiétante. Il fallait réagir en toute urgence pour redresser l’entreprise avant qu’elle sombre définitivement dans la faillite. L’Etat, en véritable propriétaire de l’unité, est interpellé en dépit du fait qu’il se soit désengagé entre temps de toute activité industrielle.Grâce à une insistance sans relâche, l’entreprise parvient à obtenir une «faveur» : geler l’endettement d’une manière temporaire et ce, pour pouvoir relancer (enfin) le cycle de l’exploitation.De fait, l’ENIEM a reconquis un semblant d’activité. La production est relancée au même titre que les opérations de commercialisation et de distribution.Cette démarche, qui a indéniablement permis à l’entreprise de souffler, n’est malheureusement pas à même d’assurer son maintien sur un marché terriblement concurrentiel. Malgré la relative embellie, l’entreprise continue de payer un milliard de dinars chaque année sous forme d’intérêts sur les dettes des banques.Les équilibres internes de l’unité en sont durement éprouvés, voire destructurés. En effet, il faut savoir que tant que l’ENIEM continue à s’acquitter de ces charges (aux montants faramineux), elle demeure déficitaire quels que soient les résultats obtenus au niveau de la production, la décommercialisation ou de la distribution.Toutefois, et en dépit des contraintes, l’entreprise s’est permis quelques petites prouesses : des performances assez appréciables au niveau de la production et des chiffres d’affaires ont été réalisées ces trois dernières année. A titre d’illustration, l’ENIEM produisait en 2001 près de 70 000 réfrigérateurs, alors qu’en 2004 elle a pu en produire… 225 000. Le chiffe d’affaires, qui atteignait péniblement le seuil des 3 milliards de dinars en 2000, a grimpé en 2004 à hauteur de 5,5 milliards de dinars.

L’épée de DamoclèsL’ENIEM, le plus grand employeur à Tizi Ozou avec 2885 salariées à temps plein, est dans un besoin urgent de traiter à nouveau ses dettes.A se fier à ce qui a été dit lors des débats, seules trois solutions peuvent mettre un terme à ce surendettement qui dure depuis plusieurs années : l’effacement des dettes de l’ENIEM, leur gel, ou bien retrouver un partenaire, répondant à certains critères, qui se proposera pour reprendre l’entreprise. Cette option étant actuellement écartée, puisque, selon les dires même de M. Yadadène, aucun partenaire sérieux n’a émis officiellement le souhait de racheter l’ENIEM, tous les espoirs se sont accrochés aux deux premières. Des espoirs qui demeurent toutefois teintés d’appréhension parce que l’ENIEM garde toujours un mauvais souvenir des deux premiers traitements de ses dettes survenus en 1991 et en 1997, lesquels ont continué à générer d’importants intérêts.“En l’absence d’un véritable plan d’assainissement, la santé financière de l’entreprise demeure toujours menacée…”, disait sèchement, M. Yadadène qui voulait certainement mettre l’accent sur la primordiale nécessité d’épauler l’entreprise sur le plan financier.Optimiste, mais très rationnel, l’invité de “la Dépêche de Kabylie, s’est néanmoins permis une petite explication, quelques temps après, en affirmant que “contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’ENIEM n’est pas sous perfusion. Economiquement, c’est une entreprise viable…” et d’ajouter : “Si elle n’a pas été alourdie par ces dettes, jamais elle ne se serait retrouvée dans de pareilles conditions. Pour redresser l’ENIEM, il suffit que l’Etat en prenne la décision. Avant de clôturer les débats, M. Yadadène était convié à émettre sa vision personnelle sur le modèle de développement le plus approprié pour la région de Kabylie. En gestionnaire connaisseur et habile, le PDG de l’ENIEM estimera, d’emblée, qu’“à partir du moment où l’Etat s’est désengagé de l’affaire économique et industrielle, et qu’il a définitivement renoncé à la construction de gigantesques poles industriels en se contentant d’assurer la survie de ceux existants, on a génére d’autres options que d’encourager les investissements privés. Pour ce faire, il fait leur accorder de réels avantages et autres facilités…” Et de reprendre : “Il faut alléger les fiscalités, faciliter l’octroi des crédits, assainir le volet foncier et prendre toutes les mesures financières adéquates, car il ne fait oublier que notre wilaya recèle de précieuses compétences humaines mais, qu’elle ne pourra percer que dans un cadre législatif répondant aux exigences actuelles de l’économie…”.

Ahmed Benabi

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