Novembre, le repère

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Adverse fortune

Est-il écrit quelque part que l’on ne peut servir une idée, un idéal ou son pays que lorsqu’on est au pouvoir ? Les professions de foi et les gesticulations constituent-elles une garantie que, une fois parvenu au trône, on servirait précisément et ipso facto ces idéaux ? Ce serait vite oublier ce lucide et âpre constat d’Aït Menguellet : «Qui se plaint de l’injustice s’y exercera dès qu’il en aura la possibilité». Ces questionnements ne manquent pas de se poser et de s’imposer devant le vide sidéral caractérisant la sphère de ce qui est commodément désigné par ‘’classe politique’’. Ils concernent, à un autre niveau, les milieux associatifs et syndicaux. Sous d’autres cieux, les partis qui n’ont jamais accédé aux commande de l’État ont joué un rôle des plus déterminants dans l’avancée des idées qu’ils défendent au point où celles-ci ont fini par s’inscrire comme culture et comme pratique dans la société et dans la gestion des affaires de la cité. L’atonie et la mollesse qui ont frappé les territoires de la réflexion qui auraient pu et dû être considérés comme des relais politiques, culturels et sociaux n’ont d’égal que le l’empressement et la frénésie que leurs acteurs développent à la veille d’échéances électorales ou à l’occasion d’un travail- basse besogne devrait-on dire- de dénigrement tous azimuts dont ils sont passés maîtres. Tout ne baigne pas dans l’huile sous le ciel gris d’Algérie ; tout le monde le sait et La Palisse ne ferait pas de plus ample constat. Dès qu’il s’agit de faire des propositions concrètes et réalistes, de mobiliser l’opinion et les médias autour d’idées constructives, nous avons affaire à un véritable désert et à une angoissante vacuité. Finalement, nous sommes en droit de penser que seules leurs petites personnes et les carrières que jalousement ils convoitent, intéressent ces personnels pléthoriques de la société.

«Être dans un parti politique, n’est-ce pas déjà avoir une parcelle de pouvoir» ?, s’interrogeait en 1990 Aït Ahmed. Responsabilité sur des hommes et des idées dans le cadre d’une éthique de l’exercice de la politique. Responsabilité morale de formateur d’opinion. Quand est-ce que les perspectives nées du multipartisme instauré par la Constitution de 1989 pourront-t-elles se prévaloir d’une pédagogie politique à la hauteur des sacrifices des enfants d’octobre tombés quelques mois auparavant ? En ce 52e anniversaire de Novembre 1954, il faut reconnaître que les principes et idéaux portés par la déclaration ronéotypée à Ighil Imoula demeurent encore des vœux pieux, sinon une lointaine illusion d’optique. La République sociale et démocratique doit se faire avec l’ensemble des Algériens, particulièrement sa frange la plus éclairée, qui doit resituer et recadrer les enjeux qui se posent au pays en ce début du IIIe millénaire. Mondialisation des économies, brassages culturels, défis technologiques, bref, le village planétaire est en marche. Cela n’exclut pas le substratum qui fait la spécificité de chaque nation ; au contraire, le repère du premier Novembre doit demeurer ce flambeau qui jette son aura et son auréole sur la marche du pays vers plus de liberté et de démocratie ; pour tout dire, vers la modernité. Mais que reste-t-il du premier Novembre dans nos écoles ? Dans l’espace naturel où doit être dispensé la véritable histoire du pays, dans ses heures de gloire comme dans ses nuits sombres, la guerre de Libération est réduite à la portion congrue ; pire, elle est soumise à une lecture idéologique faite à la convenance des princes du moment. Former le citoyen de demain, loin de la haine, de la hargne et de l’esprit nihiliste, lui inculquer les valeurs du travail, de l’esprit positif et de l’ouverture sur les autres, voilà le grand défi que l’Algérie est appelée à relever dans un climat politique et culturel englué dans une sordide médiocrité et dans une adverse fortune.

Amar Naït Messaoud

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