Les avocats enfoncent Khalifa et la Banque d’Algérie

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Après plus de 34 jours consacrés à l’audition des accusés et des témoins, le tribunal criminel près la cour de Blida entame un nouveau cycle à savoir les plaidoiries de la partie civile. Le premier à ouvrir le bal est maître Bengorine Laid, avocat des déposants. Lors de son exposé, l’avocat estime que la plupart des fonctionnaires de la banque Khalifa venaient de la BDL. Qualifiant la banque Khalifa de géant aux pieds d’argile, il rappellera que l’acte de l’hypothèque ayant servi à la création de la banque ne remplissait pas les conditions nécessaires. « C’est un faux », s’exclame-t-il et d’ajouter que la loi stipule que le quart du capital social devait être versé auprès de la Banque d’Algérie. « Je défie quiconque de me prouver le contraire », dit-il. L’avocat en veut pour preuve la violation de la loi 90-10. Pour lui, l’agrément de la banque devait être retiré. Il affirme que Moumen Khalifa avait bénéficié de « piston » et de « cousinage ». Tout changement statutaire, comme opéré illégalement par la banque Khalifa, devait, estime l’avocat, avoir l’aval du Conseil de la monnaie et du crédit.

« La Banque d’Algérie n’a rien fait »

Maître Bengorine estime que cela n’a pas été respecté. Plus percutant, l’orateur accuse la Banque d’Algérie de ne pas avoir fait son devoir entre la période 1998 et 2003. « Le golden boy a soudoyé tout le monde », constate-t-il dans une allusion à l’inertie complice de la Banque d’Algérie. Voulant enfoncer le clou, l’avocat des déposants souligne que Abdelwahab Keramane avait reçu cinq rapports de la commission bancaire sans broncher sur les graves défaillances. Même les deux commissaires aux comptes chargés de faire le contrôle des bilans de la banque Khalifa n’ont pas échappé aux feux des critique de l’avocat. Selon lui, les agences de Chéraga, d’El Harrach et des abattoirs étaient « le triangle » par lequel des milliards se sont évaporés dans la nature S’agissant du sponsoring des clubs algériens par Moumen Khalifa, l’orateur le qualifie de ruse. Il se dit étonné devant le fait que de hauts responsables de l’Etat algérien, sans citer leurs noms, aient quémandé des postes d’emploi pour leurs progénitures. Tirant une liste qu’il dit avoir trouvé sur un site Internet, Bengourine égrène des noms qui selon lui avaient bénéficiés des cartes de crédits. Sur la liste en question figure les noms de Nadjia Guellimi, Omar Guellimi, et Djamel Guellimi lesquels avaient eu des cartes Golden pour le montant de 5000 euros, alors que Linda Benouis, Abdelmadjid Tebboune et Farid Lamari avait bénéficié de cartes Platinuim, dotées d’un montant de 10 000 euros. De son côté, Mehdi Sofiane Bouteflika avait bénéficié de 3 800 euros. Poursuivant sa plaidoirie, l’avocat aborde la soirée mondaine tenue dans la ville de Cannes en France ou, selon lui, 300 personnes de haut rang à l’exemple de Pamela Anderson, Jack Lang et Gérard Depardieu, avaient pris part. « L’argent du peuple avait profité à l’économie française », se désole-t-il.

« Khalifa s’habillait pour 50 millions de centimes »

Sur un ton ironique, l’avocat des déposants victimes de la banqueroute d’El Khalifa Bank note que l’énigmatique Raghed Echamaa, un Français d’origine libanaise, réputé proche conseiller de Moumen, s’occupait même des tenues vestimentaires de l’ancien golden boy d’Alger. Il affirme que s’habiller pour 50 millions de centimes et porter des montres d’un montant de 12 000 dollars était dans ses moeurs. Bengorine rappelle que des sommes faramineuses, notamment 10.2 millions d’euros et 10.5 dollars, ont été dépensées illégalement, malgré le gel des opérations du commerce extérieur. L’avocat lance un appel à Khalifa Moumen de venir au tribunal pour se défendre dans le respect de la légalité et des lois du pays. Il se dit contre le fait de laver le linge sale par des chaînes étrangères interposées, lesquelles exploitent, dit-il, la moindre occasion à de fins inavouables. Par ailleurs, maître Fayçal Brahimi, avocat de OPGI des Béchar et de Relizane, s’interroge pourquoi le liquidateur est à la fois technicien et partie civile. « Il faut trancher la question », précise-t-il et d’ajouter qu’il faut connaître le montant du préjudice de la banque Khalifa. L’avocat a émis plusieurs interrogations. Il se demande pourquoi l’enquête n’a pas fait la lumière sur ce que le tribunal a pu découvrir durant le procès. A en croire ses propos, l’ex-milliardaire en cavale en Grande-Bretagne depuis 2003, a eu tout le soutien moral et financier pour monter sa banque.

Sonelgaz perd 20 milliards de centimes

Pour sa part, maître Rédha Houdjri, représentant de l’EPLF de Boumerdes estime que cette dernière avait un dépôt de 45 millions DA dans l’agence bancaire d’El Khalifa Bank de Rouïba. Qualifiant « d’anarchique » la gestion de la banque Khalifa, l’avocat avoue ne pas être convaincu par le travail des membres de la commission bancaire chargés de faire le contrôle de la banque khalifa. « Ils disent que la taux d’intérêt est un acte de gestion interne à la banque. C’est faux. C’est la Banque d’Algérie qui fixe un taux d’intérêt directeur et les banques primaires peuvent ajouter 1 ou 2%, mais Khalifa proposait des taux faramineux », explique-t-il avant de dire que l’EPLF a été victime « d’escroquerie ». Mohamed Guerfi, avocat des OPGI de Mila et Skikda affirme que ces deux organismes ont perdus respectivement 12 et 55 milliards de centimes dans les abysses de la banque Khalifa. Il dit que cette banque était une « organisation maffieuse et machiavélique qui a mis la main sur l’argent du peuple ». Selon lui, Sonelgaz et la Casnos qui se sont constituées partie civile avaient perdu, respectivement, 20 et 26 milliards de centimes. Maître Ait Amar, avocat de l’Entreprise nationale des matériaux ferreux et de l’Institut national de l’informatique révèle qu’elles avaient fait un dépôt de 10 milliards de centimes chacune. De son coté, l’Entreprise de gestion touristique de Ghardaïa a perdu, selon son avocat Mustafa Hamiane, 19 milliards de centimes. Cela est le résultat, dit-il, de l’incurie des responsables de l’entreprise. Quant à l’OPGI de Sétif, son avocate, Djamila Youcefi, souligne que cet organisme n’avait pas l’intention de placer ses avoirs dans la banque Khalifa, n’était l’incitation pressante des dirigeants de ladite banque à faire les dépôts. S’agissant du Centre des études et des ouvrages établi à Sétif, Me Omar Benmani, révèle que le centre avait demandé une expertise comptable pour établir le montant du préjudice lequel, selon lui, s’éleve à 8 milliards de centimes. Pour sa part, l’OPGI de Tipaza, par la voix de son avocat, Mohand Saïd Hassib, se dit victime « d’escroquerie et de vol » d’un montant de 20 milliards centimes engloutis dans les méandres de la banque Khalifa.

Hocine Lamriben

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