Les législatives ressuscitent le Printemps noir

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Cinq ans après le Printemps noir de Kabylie et l’avènement des archs, 126 martyrs, des milliers de blessés, véritables témoins de l’Histoire, dont certains sont totalement handicapés, traumatisés ou carrément désespérés.après deux ans passés sur la table du dialogue, quel constat pourrions-nous dégager? Où sont arrivées les procédures de prise en charge morale et matérielle des familles des victimes et des blessés ? Et surtout qu’en est-il du jugement des auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes commis?

De Béjaia à Alger en passant par Tizi et Bouira, les conclusions et les bilans divergent.

Khoudir Benouaret, délégué de la CICB, déclare que sa coordination a enregistré 41 dossiers de martyrs, dont 36 validés par la wilaya, et 792 dossiers de blessés, 703 parmi eux indemnisés, selon le taux d’incapacité. Deux d’entre eux ont été transférés à l’étranger. Le reste est en cours de validation. « Nous avons établi une autre liste et l’avons déposée auprès de la Chefferie du gouvernement dont nous attendons toujours une réponse », déclare-t-il. Concernant le deuxième point de la plate-forme d’El Kseur, à savoir le jugement par les tribunaux civils de tous les auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes et leur radiation des corps de sécurité et des fonctions publiques, notre interlocuteur affirme qu’il y a effectivement une relance de la procédure. La justice ayant effectivement convoqué les témoins et les parents des victimes et blessés à se présenter devant les tribunaux civils. « L’essentiel est que la procédure commence ! », estime-t-il. Et de préciser que, jusque-là, seul un policier a été condamné et un autre voit son affaire étudiée par la Cour suprême. Quant à la délicate question du départ du corps de la Gendarmerie, à Benouaret de déclarer : « Il est clair que la majorité écrasante de la population, et ce malgré l’agitation de ceux qui ont intégré cette revendication en 2001 et se sont ravisés aujourd’hui, souhaite leur départ et le jugement de ceux d’entre eux ayant commis des crimes, tortures et destructions de biens particuliers. Nous maintenons cette revendication, et allons travailler pour sa concrétisation sur le terrain ». Son partenaire de Sidi-Aich, Bezza Benmensour, moins optimiste, affirme qu’à chaque reprise des pourparlers, les pouvoirs publics sortent de leurs tiroirs l’histoire des instructions judiciaires : « Cela fait cinq ans et nous sommes toujours au stade de l’instruction. Cela me parait s’éterniser. Nous n’avons pas vu de gendarmes devant les tribunaux ».

Du côté de la CADC, Rachid Allouache estime le nombre de blessés entre 1200 et 1500, la majorité ayant été indemnisée et six transférés à l’étranger. Idem pour les martyrs, sauf pour les cas isolés, à savoir les victimes orphelines, les délégués décédés dans le cadre de leurs activités et les cas d’assassinats en dehors des forces de l’ordre, à l’exemple de Hakim Allouache. Le délégué assure que « le procureur près le tribunal de Tizi-Ouzou avait fait appel contre la relaxe prononcée en faveur du cousin de Said Sadi ».

La procédure de jugement des gendarmes et forces de l’ordre impliqués dans les crimes a été entre autres relancée à Azazga, le délégué d’Ath Jennad affirme à ce titre, la convocation des témoins par le tribunal de cette ville et le transfert du dossier de l’assassin de Guermah Massinissa du tribunal militaire de Blida au tribunal civil de Tizi-Ouzou.  » J’espère que la procédure continuera « , a-t-il conclu.

Djaafar Abdeddou, dit Mandela, de Bouira, joint hier par téléphone, déclare que les martyrs de sa wilaya sont des cas particuliers, en majorité asphyxiés, dont un… bébé. Quant aux blessés, il affirme que près de la moitié des dossiers ont été validés. « Nous allons nous réunir prochainement avec les représentants de la wilaya et comptons défendre les dossiers restés en litige ».

Pour la wilaya d’Alger, Lyes Chibane déclare : « On a enregistré les blessés notamment ceux du 14 juin. A défaut d’avoir une permanence, nous les orientons vers la wilaya. Il y a une grave lenteur de la part de l’administration. Le Mouvement citoyen est de portée nationale avec des revendications tout aussi nationales ».

Cinq ans après, cette répression n’est pas parvenue totalement à atténuer « la rage ». Elle a au contraire raffermi la révolte. Mais avec des moyens de lutte différents.

Yassine Mohellebi

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