Désarroi et fortes aspirations

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Constituant le plus fort taux de la population active — en âge de travailler —, les jeunes sont, entre autres missions de solidarités nationale qui leurs sont dévolues, censés nourrir les pensions de retraite de nos aînés.

Actuellement, le taux de chômage évalué à plus de 23% ne permet à notre jeunesse de générer que difficilement l’argent de nos retraités.

Le problème est d’autant plus crucial qu’un dispositif de départ en retraite anticipée est en vigueur depuis le début des années 1990.

Une loi très discutable permet aux cadres et ouvriers algériens — elle les encourage même — à partir en retraite en pleine maturation de leurs expériences professionnelles qu’ils sont censés transmettre aux nouvelles recrues dans les entreprises et l’administration.

L’Algérie est-elle un jeune pays qui a vieilli trop vite ?Au vu de la place peut enviable qui revient aux jeunes dans la société et dans l’économie nationale, l’on comprend aisément le désarroi et l’impasse dans lesquels se trouve cette frange importante de la population.

Pour la première fois, le ministère de la Jeunesse et des Sports se penche sur le problème de la jeunesse algérienne en dehors des attributions strictement sportives de ce département.

M.Abdelaziz Ziari, détenteur de ce poste ministériel, vient de rendre public les résultats d’une enquête nationale sur les besoins et les aspirations des jeunes.

Le panel est formé de 8 325 jeunes répartis sur 36 wilayas ayant reçu un questionnaire de 220 questions.L’enquête a commencé en novembre 2003 et a permis de répertorier les préoccupations, les penchants et les principaux problèmes des jeunes à partir de l’échantillon étudié.

Ce dernier est formé de jeunes filles et garçons âgés de 10 à 35 ans et donne lieu à une base de données exploitables comportant 1 800 000 informations.

Cette enquête a reçu le soutien de l’ambassade de France à Alger et a vu la participation de Tariq Ragi, chercheur en sociologie et en sciences politiques à la Sorbonne.

M. Ziari fait remarquer que l’enquête révèle que « les jeunes, avides de modernité, restent cependant attachés aux valeurs de solidarité familiale et sociale ».

Nous savons, cependant que cet attachement du fait de conflits de génération, du chômage et de la perte de certains repères culturels prend parfois les allures d’un repli sur soi au point de conduire aux plus dommageables extrémismes.

L’invasion médiatique par le moyen de la télévision satellitaire et de l’Internet associée à un déficit culturel préparant mal notre jeunesse à une assimilation raisonnée et bénéfique de ces flux d’images et d’informations, placent la frange juvénile dans une situation de vulnérabilité avérée.

L’enquête montre que 73% des jeunes interrogés ont comme premier moyen de loisir la télévision.

Il n’est pas exigé de faire des recherches plus poussées pour savoir que les programmes les plus suivis sont ceux des TV étrangères (françaises ou orientales).

Talon d’Achille de la sociétéL’un des signes patents de l’échec du modèle de développement de l’Algérie depuis l’indépendance est, sans conteste, la situation sociale, économique et culturelle de la jeunesse.Le constat est établi aussi bien par les spécialistes que par les officiels.

Les grands fléaux que rapportent quotidiennement la presse, et que traitent régulièrement les tribunaux sont les conséquences dramatiques d’un profond malaise, lequel, s’il n’est pas traité d’une façon sérieuse et radicale, constituera la bombe à retardement pour tout le pays.

Octobre 1988 est passé par là avec ses centaines de victimes. La décennie rouge a broyé une grande partie de la jeunesse dans les maquis terroristes.

Ceux qui avaient 10 ans d’âge au début des « événements » sont aujourd’hui âgés de 25 ans, la plupart sans travail et sans perspective de fonder un foyer.

L’énergie juvénile, lorsqu’elle ne trouve pas une saine occupation par le travail, explosera inexorablement en mille maux : drogue, alcoolisme, prostitution, vols, cambriolage, banditisme, terrorisme et suicide.

Des scènes insolites ne cesseront d’envahir notre quotidien par des bandes de jeunes « déboussolés » à la recherche de sublimations sensationnelles.

L’année passée, un groupe d’adolescents dans la wilaya de Bouira n’a pas trouvé autre chose à faire que de se livrer à la consommation de la viande d’âne. Pendant une veillée nocturne dans un stade, ce groupe se rend dans une ferme voisine pour voler un âne.

Sous l’effet de la drogue, ils égorgent la bête et en font des grillades sur un feu de fortune. Lorsqu’ils récidivèrent le deuxième jour, ils furent pris en flagrant délit par les gendarmes.

Aucune enquête ne pourra probablement nous informer loyalement sur l’ampleur de la prostitution de jeunes filles dans des boîtes clandestines ou dans des établissements hôteliers.

Des adolescentes de 16-18 ans sont réduites à des filles de joie suite à la misère qui frappent leur famille ou parce qu’elles ont carrément perdu leur famille.

Nous ne connaîtrons sans doute pas le nombre de jeunes qui ont contracté en Algérie, un mariage avec des émigrées pour la simple raison de sortir du pays.

Une fois installés en France, plusieurs couples se disloquent car fondés sur la recherche exclusive de la régularisation administrative du jeune garçon émigré.

Pour une grande partie de nos adolescents, les « portes du ciel » sont entrevues par le moyen d’un mariage avec une émigrée.

A. N. M.

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