Le jour où Messaâdia a été défié

Partager

Nous étions des dizaines, intrépides, à attendre la venue de Messaâdia, à l’époque homme tout-puissant du FLN, qui devait déposer une gerbe de fleurs en cette Journée de l’étudiant. Le responsable du secrétariat permanent du Parti (appellation de l’époque) avait droit à tous les égards : le portail supérieur de la Fac centrale (jamais ouvert pour les étudiants) devait lui permettre d’éviter l’“agitation berbériste” qui avait gagné le campus. Pour montrer que le pouvoir de l’époque maîtrisait l’université, quelques larbins de service, recrutés essentiellement parmi les “baâthistes” (issus des facultés, s’étant mobilisées pour l’arabisation complète et totale de l’université, lui ont préparé le terrain. Sur les 20 mètres qui séparent le trottoir de la rue Didouche-Mourad du monument aux morts érigé à l’intérieur de l’université, Messaâdia ne descendra de voiture qu’une fois les lieux nettoyés des étudiants opposés à sa venue. Mal lui en prit, il entendra des vertes et des pas mûres : “A bas la répression”, “liberté d’expression” étaient entre autres les slogans que nous criions à tue-tête. Face à ce crime de lèse-majesté, où pour la première fois, l’homme qui menait d’une main de fer le verrouillage de tout le pays était défié par quelques dizaines de jeunes étudiants, la machine répressive a été mise en branle. Une fois le “chef” du parti engouffré de manière précipitée dans le véhicule officiel, toute la Fac centrale a été prise d’une effervescence inattendue : des groupes de “baâthistes” s’en sont violemment pris à l’exposition du “collectif culturel” avec des affrontements au corps à corps. Le gala de la troupe Debza, tenu sur les lieux, avait drainé une foule considérable : c’était un renfort inouï. Le regretté Mustapha Bacha, qui avait tenu à ce que toutes les affiches et photos de l’exposition soient sauvegardées, envoya un groupe d’étudiants (dont je faisais partie), afin de déloger un groupe de pro-FLN du bâtiment de lettres, situé à droite de l’entrée de la Fac centrale. Voulant me rapprocher de trop près de la porte en fer forgé, j’ai été blessé à la poitrine par un morceau de chaise lancé par le chef des “baâthistes” (qui occupe actuellement de hautes fonctions d’Etat). J’ai vite été évacué vers l’hôpital Mustapha où, déjà, la police filtrait et arrêtait les blessés. La solidarité des médecins m’a évité, ainsi qu’aux autres étudiants blessés, d’être arrêté. Je m’en suis sorti avec deux côtes cassées et dès le lendemain, la lutte a repris…

D. B.

Partager