’’Les massacres du 8 mai 1945, une tragédie inexcusable’’

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L’éventualité devient de plus en plus probable et le sujet est plus que jamais d’actualité si l’on se réfère au dernier discours prononcé avant-hier à Sétif par Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie. Le prétexte est des plus banals et concerne une ’’convention de partenariat entre l’université de Clermont-Ferrand et l’université Ferhat Abbas de Sétif.’’ Mais l’allocution a vite débordé pour traiter de la personnalité de Ferhat Abbas et surtout des tragiques évènements connus par la ville il y a de cela soixante ans.’’Je salue ici, dans cet amphithéâtre de Ferhat Abbas de Sétif, la mémoire d’un homme d’Etat qui incarnait avec une grande dignité la rigueur intellectuelle si nécessaire dans notre monde compliqué (…)’’, a dit l’ambassadeur à propos de Ferhat Abbas avant de reconnaître : ’’Ferhat Abbas fut un temps, pour nous, un adversaire. Mais sa longue intimité avec notre peuple et notre culture faisait de lui un adversaire respecté. Et c’est au GPRA, qu’il présidait, que le général de Gaulle proposa en janvier 1961 une conversation officieuse entre personnes qualifiées, sur tous les aspects du problème algérien, conduisant ainsi aux rencontres préliminaires de Locarno et de Neuchâtel, oui aux négociations d’Evian, conclues le 19 mars 1962’’.De Verdière a donc profité de l’occasion pour rendre hommage à un homme qui, au-delà de ses fonctions, fût l’un des symboles de la lutte du peuple algérien pour l’indépendance avant même le déclenchement de la lutte armée.Cependant, l’ambassadeur de France en Algérie ne s’est pas contenté de l’hommage à Ferhat Abbas. Mieux, il a abordé les évènements sanglants du 8 Mai 1945 en des termes qui en disent long sur le sentiment des autorités françaises envers un passé qu’elles n’arrivent toujours pas à assumer. ’’Aussi me dois-je d’évoquer également une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 Mai 1945, il y aura bientôt 60 ans : une tragédie inexcusable. Fallait-il, hélas, qu’il y ait sur cette terre un abîme d’incompréhension entre les communautés pour que se produise cet enchaînement d’un climat de peur, de manifestation et de la répression, d’assassinats et de massacres’’, précise l’ambassadeur sur un ton empreint d’amertume et de regrets. Ce sentiment ne peut être bien évidemment celui du seul représentant de la France, mais plutôt celui du gouvernement qu’il représente. Pour preuve, Hubert Colin de Verdière ne peut être plus explicite en déclarant : ’’Le 8 Mai 1945 devait être l’occasion de célébrer l’issue tant attendue d’une Guerre mondiale, pendant laquelle tant des vôtres avaient donné leur vie pour notre liberté, cette liberté qui devait être celle de tous les Algériens. Ce fût hélas un drame. Celui-ci a marqué profondément, nous le savons bien, les Algériens qui, dès cette époque, rêvaient de liberté.’’La reconnaissance de l’Etat français envers les Algériens qui avaient combattu aux côtés de la France durant la Deuxième Guerre mondiale a déjà été exprimée par le président Jacques Chirac lors des dernières célébrations du débarquement de Provence, mais jamais avec autant de précisions ou de référence pour des épisodes aussi tragiques que ceux du 8 Mai 1945 au cours desquels 45 000 Algériens avaient péri. Cela d’autant plus que l’ambassadeur de France évoque plus loin dans son intervention ’’la mémoire commune’’ entre les deux peuples, mais aussi de ’’mémoire non commune’’ chargée de ’’ressentiment, d’incompréhension, d’hostilité’’. Et pour mieux étayer ses dires, Hubert Colin de Verdière invite les deux peuples à écrire objectivement l’Histoire. ’’Il n’y a jamais unicité des mémoires, ni d’explication catégorique ou définitive des grands évènements historiques, comme il ne peut y avoir concurrence de victimes, ni négation des malheurs, quels que soient ceux-ci’’, a-t-il notamment déclaré à ce sujet.Ces déclarations ont été faites alors que les deux présidents algérien et français sont sur le point de signer un traité d’amitié qui va aborder, en plus bien sûr de la coopération politique et économique, le passé entre les deux pays. Un passé toujours prisonnier des douloureux souvenirs de 130 années d’occupation.

Ali Boukhlef

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