“C’est de la folie”

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“L’APC de Tizi Ouzou détient la palme d’or en matière de mauvaise gestion”. Cette phrase n’est qu’un prélude du long réquisitoire dressé, hier, par Hocine Ouaddah, wali de Tizi Ouzou. Le premier magistrat de la wilaya a lancé des accusations très graves à l’encontre de Chérif Aït Ahmed, maire de Tizi Ouzou, cité nommément. Le wali n’a pas mâché ses mots devant un parterre de journalistes complètement surpris par le ton utilisé. Le wali a rendu Aït Ahmed responsable de tous les maux qui frappent la ville et la commune de Tizi Ouzou, y compris l’état lamentable dans lequel se trouve la cité. “Le maire de Tizi Ouzou verse chaque année dix milliards de centimes dans les salaires des vacataires recrutés pour ne rien faire”, a déclaré le wali. Ce dernier exhibe une correspondance adressée au maire le 12 juillet 2004, dans laquelle il souligne : “Il m’a été donné de constater que votre administration procède à des recrutements massifs d’agents vacataires. “Ces affaires, souligne le wali, outre le fait qu’elles sont préjudiciables au budget de la collectivité qui jusque-là souffre d’un manque de recettes, ne sont d’aucune utilité à la commune puisqu’elles ciblent une catégorie de personnels, sans qualification aucune, souvent destinés à accomplir des missions occultes n’ayant aucun rapport avec le service public”. Le wali a précisé qu’il avait instruit le maire de procéder à l’annulation de tous les recrutements d’agents vacataires et contractuels, et l’avait invité à “observer à l’avenir une rationalité en matière de gestion des ressources humaines, à l’occasion de l’élaboration des plans de gestion en favorisant le recrutement de personnels d’encadrement”.Un autre rappel à l’ordre a été adressé au maire en date du 7 décembre 2004. Dans un deuxième correspondance, le wali, rappelle que les travaux d’une commission de wilaya chargée d’opérer des vérifications sur cette affaire “font apparaître que pour le seul exercice 2003, 732 agents en moyenne émargent mensuellement sur la dite opération, dont les dépenses ont atteint 91 917 531 DA. Concernant l’exercice 2004, 858 agents ont été recensés sur la même opération. Le montant de celle-ci est de 85 091 000 DA, dont 49 051 292 DA ont été consommés au 30 juin 2004. Le wali a affirmé qu’avec un tel argent, l’APC aurait pu l’utiliser pour la construction d’un immense centre commercial à louer aux jeunes chômeurs. Le wali a affirmé que la consommation de ces crédits n’a engendré aucune réalisation d’opération physique sur le terrain : “C’est pour cela que votre attention (celle du maire, ndlr) a été attirée sur l’irrégularité de cette manière de gérer qui est contraire aux règles régissant la comptabilité publique”. Au vu de la virulence de l’intervention du wali, nous avons demandé à celui-ci s’il n’était pas en train de tirer la sonnette d’alarme concernant la gestion de l’APC. Il répondra que la sonnette d’alarme a été tirée depuis longtemps. “Après avoir constaté cette mauvaise gestion, les responsables ont été rappelés à plusieurs reprises pour mettre un terme à cette situation et à ces irrégularités”.Le wali rappelle que l’Etat a déployé des efforts pour l’assainissement des dettes de cette APC. Un montant de 410 000 000 DA a été octroyé à la commune pour l’apurement de cette dette. “Mais à travers les inspections effectuées, il a été constaté que la commune a contracté encore des dettes pour un montant global de 300 000 000 DA au titre des années 2003 et 2004”, a expliqué le wali, qui a enchaîné que selon certaines informations, les responsables de cette commune continuent à contracter davantage de dettes.Tout en livrant à la presse les irrégularités relevées dans la gestion de la mairie de Tizi Ouzou, Ouaddah a fait usage de termes acerbes. Parlant de cette gestion, il ajoutera : “C’est de la folie, vous dira n’importe quel agent censé de la commune”. Le wali a affirmé que : “La majorité des 1 800 employés de l’APC ne peuvent être rencontrés qu’à midi dans la cantine. Chacun fait ce qu’il veut à l’APC. Même Mahdi Hadouche, le chargé de communication de l’APC a été recruté dans ce même contexte. L’actuel maire a recruté une centaine de personnes, dont certains lui servent de gardes du corps. Ils sont en train de tromper les pauvres gens. Celui qui veut faire du populisme, qu’il mette la main à la poche ou à celle de son parti politique. Les 16 milliards que nous avons octroyés à cette APC pour la réfection de la voirie n’ont pas été utilisés. Et pour ne pas paraître impoli, je me garderai de dire certaines choses ayant trait à l’honneur des familles. Je crois que vous avez compris ce que je veux dire. L’Etat n’a pas à payer de quoi acheter des cosmétiques et ce qui va avec…”. Le wali a invité les journalistes à aller enquêter sur les gars qui ont été recrutés à l’APC pour “voir s’ils sont vraiment nécessiteux”. Parlant toujours du maire, il dira : “Qu’il recrute avec son argent et celui de son parti. Y en a marre des gens qui font de la politique sur le dos de l’Etat”. Ouaddah a déploré le fait que l’APC de Tizi Ouzou n’est même pas été capable de se réunir ni de délibérer : “La commune n’est pas un bien privé, c’est une institution de l’Etat. Vous n’avez qu’à faire un tour en ville pour constater que l’APC est loin d’assurer sa tâche, d’assurer un cadre de vie agréable”.Pour le wali, ce qui se passe à l’APC de Tizi Ouzou est très grave C’est une situation unique. Est-ce que le wali va saisir la justice concernant tous les “dépassements” relevés ? Hocine Ouaddah répondra que : “ Si ça continue de cette manière, c’est-à-dire si la mauvaise gestion persiste, les irrégularités sont passibles de poursuites”.

Aomar Mohellebi

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