L’artiste indocile

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Il y a de cela sept années, tombait sous les balles assassines celui qui a su interpréter admirablement les aspirations de tout un peuple auquel on a dénié, des siècles durant, le droit de s’exprimer et de créer dans sa propre langue. Lounès savait depuis longtemps qu’il ne vieillira pas, qu’il fera “un beau cadavre” comme le veut cet adage : “Les héros meurent toujours jeunes”. Ayant fait des cordes de son mandole et de ses cordes vocales des instruments redoutables de lutte contre un ennemi diffus et pluriel il se savait en sursis. Ses prises de position, parfois tonitruantes, n’étaient pas pour plaire aux potentats de la “pensée inique”, aux politiciens de pacotille et aux bien-pensants de tout bord. Ils dérangeait bon nombre de gens par son franc-parler, son verbe cru et sa témérité. Ses envolées lyriques n’ont jamais laissé personne indifférents. Ses vers bien ciselés, acérés et accrocheurs séduisent tous les auteurs, même les indifférents n’y échappent pas. Sa poésie, tel un tsunami, entraîne tout sur son passage. Chacun de ses poèmes est un coup de poing fortement asséné sur les cloisons solides de nos tabous. En effet, le trait dominant du talent et du style Matoub c’est l’audace avec un grand A. “De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace”, ces mots du célèbre révolutionnaire français Danton lui vont comme un gant. Aucune barrière de quelque nature qu’elle soir, n’a résisté à ce barde des temps modernes. On peut qualifier son œuvre d’un grand coup de pied poétique dans la fournaise algérienne. Ses textes, telle une armée en mouvement, allaient de conquête en conquête et bousculaient tous les cantonnements dressés sur leur passage. Son caractère d’écorché vif fera de lui un guerrier poétique en perpétuelle lutte. Matoub Lounès a été l’homme de tous les combats d’avant-garde et le troubadour le plus convoité par certains partis politiques. Mais réfractaire à tout embrigadement, aucune chapelle politique n’arrivera à le mettre complètement de son côté. Toutefois, ses convictions politiques sont largement connues, il se situe, comme tout le monde le sait dans “la famille qui avance”, où le slogan fort est “Dis et meurs”. Il le fera. Ceux qui ont inscrit leur combattre dans le reniement et la lâcheté, qui le traitant de tous les noms de son vivant, se sont vite empressés après sa mort de le récupérer pour travestir son combat. Mais Matoub quelles que soient les tentatives de ces fossoyeurs, restera toujours Matoub le rebelle, l’indocile. Incorruptible, la population kabyle, surtout la jeunesse, lui voue un attachement indéfectible et le, considère comme l’un de ses authentiques leaders. La révolte qui a suivi sa disparition tragique en est un exemple incontestable. “Ni les droits de l’homme sous toutes ses formes, ni aucune opposition n’ont prit part à mon malheur, sauf le peuple qui comme un seul homme a osé défié la peur…”, écrira-t-il pour dire tout l’amour que lui porte son peuple. Matoub Lounès, même disparu, continuera de plus belle à harceler ses ennemis et à éclairer son peuple.N’a-t-il pas dit : “Même s’ils me tuent, ils ne me feront pas taire”.

Boualem B.

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