La République protégée

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Au-delà de la dénomination officielle du projet de la réconciliation nationale annoncé, avant-hier, par le président de la République et des dispositions qu’il compte mettre en œuvre, la publication du projet de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, hier dans le Journal officiel, appelle des remarques particulières.A la différence de la loi portant rétablissement de la Concorde civile, le texte que propose Abdelaziz Bouteflika, cette fois-ci, n’est pas présenté comme un texte législatif. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une charte rédigée sous forme de plate-forme ou tout simplement de pacte qui va lier tous les Algériens et sur la base duquel travailleront les différents segments de la société une fois mis en œuvre. D’une teneur politique, cette charte tente, de prime abord, de rassembler les deux points de vue qui ont dominé la scène politique nationale depuis l’apparition de la crise au début des années 1990. Loin d’être un tremplin pour un courant bien déterminé, le texte sur lequel se prononceront les Algériens, le 29 septembre joue une sorte d’arbitrage entre réconciliateurs et éradicateurs.D’un côté comme de l’autre, Abdelaziz Bouteflika joue le médiateur. Pour les réconciliateurs, il a cédé sur l’affaire des disparus et la clémence envers les plus extrémistes des dirigeants islamistes. Pour les éradicateurs, qui se comptent notamment dans le courant démocratique, le chef de l’Etat a joué la carte de l’interdiction définitive de toute activité politique  » de toute nature que ce soit  » pour les dirigeants de l’ex-FIS et leurs relais des groupes armés. Cette décision a de tout temps, constitué la revendication essentielle des militants démocrates qui ont toujours considéré que  » l’instrumentalisation de la religion est chaotique pour le pays.  » C’est, en réalité, ce qui s’est produit et c’est ce que reconnaît le texte de la présidence de la République. Abdelaziz Bouteflika assimile les actes commis lors la décennie noire à  » une agression « . Même l’origine de celle-ci est précisée dans le document puisque l’on parle de  » tourmente  » qui a  » instrumentalisé la religion ainsi qu’un certain nombre d’Algériens à des fins anti-nationales « . Ce qui revient à dire que les rédacteurs du document ont pris la précaution de ne pas être ambivalents sur un sujet aussi sensible, notamment pour les familles des victimes du terrorisme, pour lesquelles un vibrant hommage a été rendu et par le discours présidentiel et par le projet de la charte. Il faut dire que ni l’un ni l’autre ne sont différents puisque la charte diffusée aujourd’hui est presque une copie conforme du discours de Abdelaziz Bouteflika.La connotation politique de ce texte est également apparente par le fait que le chef de l’Etat tend à rassembler le maximum de segments de la société, notamment les parties directement impliquées dans la crise. Il a ainsi demandé aux familles des victimes du terrorisme de faire un autre sacrifice et de fournir plus d’efforts pour mieux réussir cette étape charnière qui ne manquera certainement pas de soulever d’autres polémiques à celles déjà existantes. Ce sont, en tout cas, quelques éléments de lecture, très superficiels du reste, de ce projet de charte pour la paix. Un projet qui ne constitue assurément pas l’idéal, mais qui a déjà le mérite de prémunir la République de tout dérapage intégriste.

Ali Boukhlef

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