Accueil Évènement 05 octobre 88 Il y a 22 ans, naissaient au forceps les...

05 octobre 88 Il y a 22 ans, naissaient au forceps les illusions perdues : Le vent du “changement”

2457
- PUBLICITÉ -

Quant à la mouvance berbère, il a fallu attendre le printemps de 1980 pour que des dossiers de création d’associations culturelles soient déposés. En 1987, les pouvoirs publics ont affiché une certaine volonté de libérer la vie associative. Le 21 juillet 1987 parait donc la loi 87-15. Ce sont les évènements d’Octobre 1988 qui vont réellement permettre au mouvement associatif de se développer. Cette époque révélera une explosion de la parole longtemps confisquée et de discours concurrents. Elle sera une période d’effervescence portée par des mouvements de divers horizons : berbéristes, féministes, islamistes…

- PUBLICITÉ -

Les évènements d’Octobre 1988 ont ouvert la porte au multipartisme. La révolte des jeunes avait donné naissance à des organisations politiques. Si dans les pays développés, le mouvement associatif constitue un contre-pouvoir toujours à l’avant-garde de toutes les causes justes, dans notre pays, il faut le dire, il est essoufflé.

Ce mouvement est également divisé : entre les associations satellites du pouvoir et celles autonomes se débattant dans différents problèmes, notamment infrastructurels, financiers, le fossé ne cesse de s’élargir. La création des premières associations en Algérie remonte au début du siècle dernier.

Dès 1902,  » La Rachiya  » est fondée à Alger. En 1907, « Le cercle Salah Bey » est créé à Constantine. Ensuite le mouvement associatif s’étend à toute l’Algérie. On peut citer :

« L’amicale des sciences modernes » à Khenchela, « Le cercle des jeunes Algériens à Tlemcen, « La société Al Akouya à Maskara, le cercle du progrès à Annaba,  » Toufikiya  » à Alger… Comme il a débordé parfois le cercle des villes pour s’implanter dans des villages. C’est le cas de « L’union à Tighenif et du progrès  » Saharidjien » à Djemâa Saharidj. Des préoccupations aussi bien sociales, culturelles, religieuses que politiques animaient ces associations. En plus de ces cercles, d’autres lieux de rencontre existaient : la mosquée, le souk, le café et tadjmaât (L’assemblée au niveau des villages). Intellectuels et illettrés s’y retrouvaient et une vie associative commençait à se forger. Le véritable essor du mouvement associatif en Algérie date des années 1920. Après la Première Guerre mondiale, ce mouvement, utilisant les possibilités de la loi 1901 va s’efforcer de mettre en évidence la spécificité la culture et la spiritualité propre en Algérie et aux Algériens. Dès les années 1920 également, le football connaît un engagement exceptionnel.

Ce sport a permis d’entretenir la conscience de groupe, l’esprit de compétition et de solidarité. Toutes ces associations jouent un rôle essentiel dans la prise de conscience des Algériennes et des Algériens et permettront ensuite l’installation des bases du mouvement national. Le déclenchement de la guerre de Libération (1954-1962) puis la politique répressive du parti unique FLN (1962-1989) à l’indépendance et les décennies qui ont suivi ont freiné l’extension du mouvement associatif.

Dès l’indépendance, la législation algérienne a rigoureusement contrôlé le champ associatif. La circulaire de mars 1964 et l’ordonnance de 1971 ont accordé à l’administration des pouvoirs énormes pour contrôler la création et le fonctionnement des associations. L’ordonnance du 3 décembre 1971, modifiée par celle du 7 juin 1972, a autorisé la création d’associations culturelles, sportives, artistiques ou religieuses. Les sensibilités qui n’avaient pas pu franchir les obstacles juridiques avaient deux solutions : activer clandestinement ou intégrer les institutions officielles telles que les organisations de masse du F L N (U N J A, U N F A…)

Quant à la mouvance berbère, il a fallu attendre le printemps de 1980 pour que des dossiers de création d’associations culturelles soient déposés. En 1987, les pouvoirs publics ont affiché une certaine volonté de libérer la vie associative. Le 21 juillet 1987 parait donc la loi 87-15. Ce sont les évènements d’Octobre 1988 qui vont réellement permettre au mouvement associatif de se développer. Cette époque révélera une explosion de la parole longtemps confisquée et de discours concurrents. Elle sera une période d’effervescence portée par des mouvements de divers horizons : berbéristes, féministes, islamistes… C’est à la faveur de la Constitution du 23 février 1989 que s’est mis en Algérie un tissu associatif dense. Néanmoins, la loi 90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations maintient encore des restrictions. C’est en 1991 que s’est mis en place un important tissu associatif dans notre pays (associations sociales, culturelles, religieuses et politiques). Les ACP, ou associations à caractère politique, deviendront des partis politiques. Après la naissance des partis, les autres associations ont commencé à s’affaiblir. Les état-majors de plusieurs associations, croyant bien faire, ont rejoint carrément ces partis.

Après un verrouillage qui a duré près de 30 ans, les Algériens ont tous voulu faire de la politique. Plusieurs animateurs du mouvement culturel, social et même religieux ont adhéré corps et âme aux partis politiques laissant leurs associations sans cadres. Aujourd’hui, seize années après, le mouvement associatif est essoufflé.

Certaines associations ont disparu et d’autres ne gardent que l’appellation. Il y a des associations récupérées par le pouvoir. La démission et l’absence des intellectuels a aussi beaucoup affaibli le mouvement associatif. Les intellectuels qui devaient servir de guide pour la société se sont tus. L’intellectuel a abandonné sa noble mission d’éveiller les consciences, d’être vigilant et toujours prêt à dénoncer tous les dangers qui menacent la société. Sous d’autres cieux, les intellectuels ont été à l’avant-garde des révolutions en éveillant les masses de leur sommeil pour leur apprendre à revendiquer leur part de vie en ce monde. En ce début de siècle, est-ce que le mouvement associatif réussira là où la classe politique a échoué ? Dans tous les cas, une assise économique solide ne suffit pas à faire un pays prospère. Tout peuple a besoin de repères culturels, identitaires, historiques pour affronter le présent et aller vers le futur.

Les associations vivent de la vie que leur insufflent leur peuple et en particulier ses créateurs. C’est vrai que ce sont les institutions qui possèdent souvent les moyens. L’idéal serait qu’elles mettent ces moyens au service du mouvement associatif créatif et autonome. C’est ainsi qu’on contribuera à l’émergence d’une société civile et d’un mouvement associatif puissant qui constituera un contre-poids au pouvoir politique et aidera certainement à l’instauration d’une véritable démocratie en Algérie.

Ali Remzi

- PUBLICITÉ -