«88% du lait en sachet provient des laiteries hors wilayas»

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Le lait en sachet demeure rare à travers la wilaya de Bouira. M. Ahcène Ifrik, directeur du commerce de la wilaya, explique dans cet entretien exclusif les dessous de cette tension qui pèse sur la commercialisation de ce produit et la manière dont il compte réapprovisionner de manière suffisante le marché.

La Dépêche de Kabylie : Cela fait plus de dix jours que le ministre du Commerce a donné des instructions pour mettre un terme à la crise du lait en sachet. Quelle est la situation actuelle à Bouira ?

Ahcène Ifrik : Pour l’approvisionnement en lait en sachet pasteurisé au niveau de la wilaya de Bouira, il faut savoir que 88% de nos besoins proviennent des différentes laiteries basées hors wilaya. Ce sont des laiteries qui activent dans les wilayas limitrophes, comme ‘’Giplait’’ au niveau de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdès, ‘’Pâturages’’ dans la wilaya de Tizi Ouzou ainsi que ‘’La Vallée’’ située à Tazmalt dans la wilaya de Béjaïa.

Réunis, les quotas en provenance de ces trois laiteries assurent près de 88% des besoins en lait en sachet subventionné au profit des ménages de la wilaya de Bouira et cela représente 130 000 litres de lait. Au niveau de la wilaya de Bouira, nous avons deux laiteries, enfin plutôt deux mini laiteries qui produisent une moyenne de 18 000 litres, celle d’Ain Lahdjar «Moklait» produit 8 000 litres et l’autre implantée à Kadiria assure une capacité de production de 10 000 litres par jour. Cette dernière est d’ailleurs à l’arrêt à cause d’une panne de chaudière survenue le 29 janvier dernier.

La répartition des quotas de lait en sachet est effectuée par différents distributeurs et nous en avons recensé 47 exactement. Chaque laiterie travaille avec ses distributeurs attitrés. Ainsi, pour ‘’Giplait’’, 26 distributeurs distribuent les produits laitiers de cette usine, 8 distributeurs pour la laiterie de Kadiria, 3 pour ‘’Moklait’’ d’Ain Lahdjer, 3 pour ‘’Pâturages’’ et enfin 4 distributeurs pour ‘’La Vallée’’, et certains distribuent jusqu’à 40 000 litres par jour. Il y a aussi une laiterie privée au niveau de la wilaya de Boumerdès ‘’Coprolait’’ qui destine 4 000 litres par jour au profit de la wilaya de Bouira à travers ses trois distributeurs. Au total, selon le programme tracé par l’Office National Interprofessionnel du Lait (ONIL), la wilaya de Bouira est approvisionnée avec une moyenne de 148 000 litres par jour.

Cette quantité suffit-elle pour couvrir une wilaya comme Bouira ?

Hélas non ! Cette quantité n’est pas suffisante et ne réponds pas aux besoins réels. D’après le travail que nous avons effectué et selon le nombre d’habitants recensés qui est de l’ordre de 833 000 au 31/12/2018, les besoins en lait sont de l’ordre de 210 000 de litres/jour pour satisfaire l’ensemble de la population de la wilaya de Bouira. En même temps, la direction du Commerce a tracé un programme de suivi pour la distribution et la commercialisation du lait pasteurisé de la laiterie jusqu’au commerce de détail.

Nos brigades sont en permanence sur le terrain pour vérifier l’acheminement de ce produit en vérifiant scrupuleusement le respect de la marge bénéficiaire du distributeur et du commerçant. La marge bénéficiaire du distributeur est fixée par l’État qui est de l’ordre de 0.90 DA par sachet et le prix de vente ne doit pas dépasser les 25 DA. Nos agents sont ainsi sur le terrain pour inspecter et vérifier le respect des tarifs des intervenants dans l’acheminement et la commercialisation du lait.

Nos agents vérifient également s’il n’y a pas de vente concomitante car à un certain moment, les distributeurs obligeaient les commerçants pour acheter le lait pasteurisé à acheter d’autres produits, comme le lait de vache, le l’ben, yaourt et autres. La réglementation est claire et elle interdit ces pratiques et si nos agents surprennent un commerçant à s’adonner à ces pratiques, il sera immédiatement sanctionné et des mesures seront prises à son encontre.

La vente concomitante fait des ravages sur le lait en sachet. Quelles sont les mesures prises à l’encontre des contrevenants ?

Il faut savoir que la vente concomitante commence à partir de certaines laiteries qui obligent les distributeurs à s’approvisionner en lait de vache et autres produits et les distributeurs répercutent ces obligations d’achat auprès des commerçants qui écoulent leurs produits de la même manière auprès des consommateurs. Depuis que le ministre a interdit aux laiteries de faire ces ventes concomitantes, nous pouvons dire que ces pratiques ont disparu auprès des commerces de détail.

Il y a également un autre point sur lequel nous enquêtons actuellement et qui concerne les propriétaires de cafétérias et cafés maures pour leur interdire l’utilisation du lait subventionné en sachet. Il existe un texte réglementaire qui leur interdit d’avoir recours au lait en sachet pasteurisé. Un produit destiné exclusivement aux ménages. Nos agents sont également sur le terrain afin de vérifier si le lait utilisé dans les cafés n’est pas du lait subventionné.

Ces commerçants peuvent à leurs aises utiliser du lait UHT ou du lait en poudre, lait de vache mais en aucun cas le lait en sachet. Nous devons impérativement cerner le problème pour que les quantités produites et livrées à travers la wilaya de Bouira soient entièrement commercialisées dans leur intégralité au profit des citoyens. Il faut que le consommateur trouve ce produit de première nécessité de manière suffisante dans les commerces.

La semaine dernière, les distributeurs de lait ont débrayé deux jours durant en réclamant une hausse de leurs marges bénéficiaires. Leurs doléances ont-elles été prises en charge ?

La marge de 0.90 DA est minime en plus de l’éloignement des laiteries hors wilaya, ils déplorent des charges qui ne couvrent plus par la marge accordée par l’État. Ils ont demandé la révision de cette marge et lors d’une entrevue avec les représentants de ces distributeurs que j’ai reçus, nous avons écouté leurs doléances que nous avons transmises à notre tutelle. Des doléances qui sont actuellement à l’étude au ministère du Commerce et on espère qu’une solution sera rapidement trouvée pour apaiser les concernés.

Il existe une laiterie à Toughza qui n’a toujours pas bénéficié de son quota de poudre de lait. Pourquoi ?

La laiterie de Toughza est à l’arrêt depuis son installation qui remonte à plusieurs années, et ce à cause de l’inexistence de son quota de poudre de lait attribué par l’ONIL. Nous avons saisi à maintes reprises l’ONIL pour approvisionner cette laiterie en poudre de lait mais malheureusement jusqu’à présent il n’y a eu aucune réponse et la laiterie demeure à l’arrêt. Si la laiterie de Toughza parvient à avoir son quota de lait en poudre auprès de l’ONIL, le problème de lait pourra être réglé de manière partiel car cette unité peut produire jusqu’à 30 000 litres/jour en ne travaillant que 8 heures. Il faudrait qu’une commission ad-hoc ministérielle se déplace sur le site afin de lui délivrer l’autorisation nécessaire pour s’approvisionner auprès de l’ONIL.

Peut-on espérer un surplus auprès des laiteries hors wilaya afin de réguler de manière convenable le marché du lait en sachet à travers la wilaya de Bouira ?

Lorsque nous avons exprimé nos besoins en matière de lait en sachet subventionné, nous avons demandé à ce que le quota alloué à la wilaya soit augmenté de manière conséquente aussi bien les quotas de poudre de lait pour les deux laiteries existantes, un quota pour la laiterie de Toughza, mais également des quantités supplémentaires auprès des laiteries limitrophes à la wilaya afin de parer aux carences enregistrées. Nous arrivons parfois à atteindre les 148 000 sachets, des fois il arrive lors de certaines journées d’enregistrer des pics de 150 000 mais nous sommes loin des 210 000 litres demandés quotidiennement par la population.

Il faut donc que l’ONIL fasse des efforts pour augmenter les quotas de poudre de lait pour la wilaya de Bouira ?

Certes, mais il faut d’abord cerner le problème que l’on rencontre avec le réseau de distribution. Auparavant, il y avait des fuites un peu partout, avec l’utilisation du lait en sachet par les cafetiers, d’autres pour la fabrication de crèmes glacées et d’autres qui le revendaient dans d’autres wilayas à des prix non réglementés. Le distributeur pouvait ramener une quantité de lait en sachet pour Bouira et le revendre dans les wilayas limitrophes à 26 ou 27 DA le sachet.

Une quantité destinée à l’origine pour Bouira et qui se retrouvait dans d’autres wilayas. Si l’on n’arrive pas à maîtriser le circuit de distribution, il y aura toujours des fuites. Si on parvient à le maîtriser dans sa totalité, il est possible que les quantités récupérées puissent combler un peu le manque enregistré. Il y a des consommateurs qui ne s’approvisionne pas en lait en sachet, il y a ceux qui préfèrent le lait de vache ou le lait UHT, d’autres choisissent la poudre de lait. En plus en période hivernale, les gens consomment plus de lait qu’en période estivale.

Il y a en été une diminution de consommation de lait par rapport à l’hiver. À maintes reprises, des distributeurs ont des difficultés à écouler le lait en sachet durant l’été à cause de certains commerçants qui refusent ce produit. Des refus qui s’expliquent généralement par le manque d’espace de stockage en froid. Les commerçants préfèrent remplir leurs quelques frigos par des crèmes glacées, des yaourts, des fromages…, avec une marge plus importante plutôt que par les sachets de lait.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

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