Ath Yenni tient à son bijou

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à tenir pas moins de cinquante stands qu’abritent les salles de classes de l’établissement. Chacun, derrière son comptoir, essaye de valoriser plus que l’autre ses produits, même si les bijoux se ressemblent d’une table à une autre.

Reportage de Mayas Tina:

Lundi matin, peu après dix heures, il n’y avait pas beaucoup de monde à l’arrêt des fourgons d’Ath Yenni. On n’est pas à ce qu’on appelle la tranche de pointe. Les véhicules mettent du temps pour se remplir et prendre le départ… Le fourgon, à bord duquel on prenait place, a mis quand même une bonne vingtaine de minutes. Et encore ! Il restait une place qui avait du mal à trouver preneur… Et puis arriva ce petit gamin au visage angélique, trimbalant un grand sachet noir qu’il avait du mal à maîtriser derrière son dos. Tee-shirt, survêt abîmé et tongs de pointure dépassant largement son petit pied, le môme demande timidement au chauffeur : « je peux venir jusqu’à la gare de Ouaguenoun ? » « Tu vas où ?» lui réplique l’homme au volant. Et au gamin de lui jeter tout en vrac et instantanément : « Je suis venu vendre du fliou devant l’hôpital, mais les policiers nous ont chassés. Je fais ça de temps en temps. Ce matin je comptais descendre à l’oued pour plonger un peu, mais ma sœur n’arrêtait pas de pleurer, elle voulait du lait… ». C’était touchant. Impossible de ne pas ressentir quelque chose envers le petit… Il est alors vite invité à monter. En cours de route, le gamin en rajoute une couche : « Mon père ne peut plus travailler, il est malade, il a des caillots de sang, il sort difficilement de la maison. Moi j’ai eu mon BEM cette année, l’année prochaine je passe au lycée… » Autour, les voyageurs observait un silence religieux. Intérieurement, on compatissait, on admirait le petit qui finira par faire remarquer au chauffeur : « C’est là je descends ici. Merci ». Le fourgon reprend alors sa route, direction Ath Yenni. A peine cinq minutes que voilà le Barrage de Taksebt, une petite mer intérieure qui vous remplit les yeux. Une vaste étendue en bleu qui s’étire le long de la route qui s’engouffre dans la célèbre forêt de Takhoukht. On comprend mieux l’humidité qui enveloppe la région, en ces temps de chaleur. Le barrage est énorme. C’est beau, ça rajoute des couleurs au décor. Au tableau de bord, un peu fissuré l’heure indiquait onze heures moins une poignée de minutes. La voix de Khadidja de la Chaïne II cassait la monotonie ambiante dans l’habitacle. L’animatrice recevait l’ambassadeur du Mexique qu’elle appelait maladroitement «Votre altesse ». Elle s’est gourée à plus d’une fois avant de se ressaisir et placer, enfin, le bon qualificatif en fin d’émission. Il était temps. Son excellence, lui, semblait s’être bien préparé pour. Il avait conclu en kabyle. Oui, vraiment ! Dehors, le cadre ne change pas : La végétation est formée d’un cocktail d’herbes sèches qui se mêlent à la verdure en hauteur des arbres. Sur la gauche, en contre bas de la chaussée, un oued défiguré par l’inconscience humaine s’allonge avec le chemin, comme un fidèle compagnon. Les canettes de bière accentuent le désastre ! Heureusement qu’il y a ce grand panneau à l’effigie des bijoux d’Ath Yenni qui atténue, quelque peu, la désolation. Impossible de rater ce grand tableau qui se met en face de vous dès que vous prenez à gauche pour enjamber l’imposant pont de Takhoukht, visiblement le plus ciblé mais, aussi, le plus sécurisé par cette forte présence militaire. On y retrouve une véritable caserne qui ne vous procure pas que réconfort. L’ambiance générale suggère également inquiétude et appréhension. L’oued est passé maintenant à droite.

Sur la route de Takhoukht…

Quelque encablures et la vue horizontale est vite percée par un mausolée qui rivalise avec les arbres qui bordent la chaussée. C’est la Zaouia Hadj Belkacem. On repense, alors, machinalement, à Brahim Izri, à Maxime le forestier… ça sent déjà Ath Yenni. Ath Lahcene, c’est juste plus haut à gauche. Il y’a d’ailleurs un raccourci qui vous y emmène tout droit. Le carrefour principal qui conduit vers Ath Yenni n’est pas loin. Tout droit, la route conduit vers Ouacifs. De là le Djurdjura vous parait au bout du nez. La fête du bijou, c’est à gauche, à une quinzaine de bornes d’accession. Les travailleurs de la DTP, qui défrichent les à côtés de la route serpentée, imposent le respect. Avec une simple pelle et un dossard, ils bravent la poussière et le soleil qui leur tombait sur la tête. Chapeau bas messieurs ! Ici aussi, malgré la hauteur, le mercure monte vite au fil des minutes. Il fait autant chaud au niveau du carrefour menant vers Taourirt Mimoun. Bouira n’est pas loin. C’est toujours la wilaya de Tizi, mais d’ici, vaut mieux penser à Tikjda qu’à Tigzirt. Un détail : Les routiers se doivent vraiment de faire très attention à la panne sèche. Les stations de services ne pullulent pas ! La seule qui existe dans les environs c’est à El Had où, à défaut, faire le trajet jusqu’à Ouacifs… Une belle « promenade », en somme, qui risque de vous jouer un tour, surtout si vous mettez la clim’ en vitesse avancée. En hiver, ça ne devrait pas être beau à vivre non plus, avec le calvaire au quotidien de la conquête de la bombonne de gaz… Pour le tourisme, le propos n’est même pas de mise… Il faudra sans doute repasser dans, peut-être, quelques années. Et pourtant, la fête du bijou, elle devrait être pour les autres mais pas pour les gens d’ici seulement … C’est l’effort à faire ! Vers midi, le CEM Larbi Mezani qui accueille la manifestation ne grouillait pas vraiment de monde. C’est le moment de casser la croûte… quiconque songerait à se mettre quelque chose sous la dent à cette heure là. Mais où ? Pas une gargote, pas un seul resto autour de l’établissement. Juste de petits vendeurs, devant des congélateurs, proposant de l’eau, des boissons gazeuses…bref, que du liquide. Juste à l’entrée, des jeunes filles vous filent un ticket à 10 DA. Ca permet de bien suivre l’évolution des statistiques… On n’était pas loin du 3000ème visiteur… C’est beaucoup et très peu à la fois, car selon quelques exposants, la fête avait plus d’échos dans le temps. « C’est vrai qu’on y vient toujours d’un peu partout, d’Alger, de Béjaïa, de Sétif, de Batna… mais on sent qu’il y a moins d’engouement. Ce n’est pas la même affluence.

Les artisans font de la résistance

Il n y a plus les bousculades d’avant. N’empêche qu’on est là et le bijou d’Ath Yenni a toujours son aura ». Ils sont quelques dizaines d’artisans à tenir pas moins de cinquante stands qu’abritent les salles de classes de l’établissement. Chacun, derrière son comptoir, essaye de valoriser plus que l’autre ses produits, même si les bijoux se ressemblent d’une table à une autre. « C’est surtout en fin d’après midi qu’il y a plus de visiteurs. Pendant la journée, les gens sont plus retenus par leurs occupations quotidiennes. Et puis, il y a cette chaleur qui décourage de sortir ». Les propos sont d’une hôtesse qui s’exerce à vendre les tickets d’une Tombola où vous pouvez gagner une Marutti, une moto et une télé exposées au centre de la cour. « Le tirage au sort se fera le jour de la clôture. Achetez votre billet, qu’est ce que 250 DA de nos jours, tentez votre chance Mme ! », disait-elle à une bonne femme venue avec sa toute nouvelle belle fille. Cette dernière s’intéressait plus au prix des bijoux, pour comparer avec celui des présents qu’elle venait d’acheter à la veille de sa fête. « Le prix n’est pas loin de celui pratiqué dans les magasins habituellement, tranchait la jeune fille. Chez cette exposante, une alliance simple est cédée à partir de 300. La parure moyenne est proposée à un peu plus de dix mille dinars. « Tout dépend des models, il y a ceux qui ont pris beaucoup de temps à être réalisées, d’autres moins, cela dépend aussi de la matière utilisée, du corail… » « Pour celui qui vient acheter, il aura, en tous les cas, l’embarras du choix. Pour le prix, chacun sa catégorie, on peut s’offrir le bijou qu’on veut selon sa bourse. Vous pouvez acheter une gourmette à 3000 DA, comme vous pouvez en achetez une à 6000 ». Cette autre exposante vend bien : « Votre robe est belle madame, il ne lui manque qu’un bijou… » Elle disait, de la sorte, bonjour à cette femme qui venait de franchir le seuil de la classe où elle exposait. Elle a le sourire large, elle venait de faire une belle affaire avec l’équipe de l’ENTV qui lui a acheté plusieurs présents. « La vie devient difficile pour les artisans. La matière se fait rare et chère. On nous exige des tas de trucs pour nous vendre, alors qu’ici, la vente a été libre. Tout le monde pouvait en acheter autant qu’il voulait. Mais ce n’est que momentané. Une fois la fête finie, on replongera dans les mêmes difficultés. Qu’on nous facilite juste l’approvisionnement et qu’on nous laisse travailler…» Voilà le message de détresse des artisans est passé. C’est surtout grâce à eux que cette manifestation dure encore. Sur place on a aussi la possibilité de s’offrir des tenues traditionnelles. La robe kabyle est très présente, tout comme la poterie d’Ath Khir. Des stands leurs sont réservés. Des sahraouis de Tamanrasset sont également invités à exposer leurs produits. Il y’a du mouvement autour. Un vendeur de disques met de l’ambiance en diffusant de la musique. Ca met de la vie. Pour les retardataires, ça dure encore jusqu’au 22 du mois. Ils auront donc le week-end pour en profiter.

T. M.

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