Tizi by night

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Incontestable particularité du mois de Ramadhan, la vie nocturne s’anime à Tizi Ouzou. On ne conçoit pas un jeûne sans ces veillées qui illuminent ce mois sacré.

Tizi ne fait guère exception, elle veille jusqu’à l’aube et prend son S’hour dans une ambiance festive. Commerces ouverts, citoyens gais, la nuit fredonne tous ce qui est beau et joyeux. Veiller, pour les jeunes, c’est aussi, écumer les cafés, jouer aux cartes et aux dominos et autres.

Tizi Ouzou se libère, quelques minutes après la rupture du jeûne, de la torpeur qui marque ses journées. Une déferlante humaine, famille, jeunes, tous se lancent à la recherche d’un espace où l’on peut oublier les souffrances d’un carême respecté sous une chaleur torride. Bouleversant les habitants et inversant le mode de vie, Tizi réapprend à vivre dans la soirée au grand bonheur des milliers de ses visiteurs. Une virée effectuée Jeudi dans les principales artères de la ville nous a permis, en effet, de prendre la température d’une contrée qui ne dort pas la nuit pour somnoler le lendemain sous les airs d’un Ramadhan particulièrement éprouvant. Contrairement aux années précédente où les soirées ramadanesques rimaient avec anarchie et banditisme, Ramadhan 2011 intervient dans un contexte où l’Etat tente de  » ré-assoir  » l’ordre dans une ville livrée au désordre. Longtemps absent, le plaisir de circuler  » librement  » et sans contrainte semble retrouver ses lettres de noblesse. Le tableau est le moins que l’on puisse dire inhabituel pour une ville qui a appris à vivre avec les reflexes de l’anarchie et la saleté. Toutefois, si au chef-lieu de wilaya, l’ambiance est bon enfant, ce n’ est pas le cas dans la majorité des villages de la wilaya où la monotonie et l’absence d’activités semble  » ruiner  » les efforts d’une jeunesse de garder le morale et de rompre avec la routine des jours sans lendemains. Cette réalité se dévoile dans le double décor qui s’y installe. Contrairement aux villages où les cafés maures semblent être les seuls  » espaces  » de distraction, en ville, le citoyen a  » relativement  » d’autre choix. A peine trois quart d’heure après le Ftour, la ville des Genêts, d’un coup de magie, surpasse la monotonie qui caractérise les journées pour revivre de plus belle jusqu’à une heure tardive. Obstruant le chemin , les familles Tizi Ouzéennes « osent » désormais la balade donnant aux soirées Ramadhan 2011 un cachet particulier. Il est 21h ce jeudi, quatrième jour du mois de carême. La montée donnant sur la rue Lamali Ahmed longeant le CHU Nédir-Mohamed, est difficilement arpentée par les piétons. En plus du nombre important de citoyens, un bouchon monstre s’est formé déjà un indice de cette folie qui s’empare des lieux. Il y a très longtemps, en effet, que la capitale du Djurdjura n’a pas vécu pareil situation  » les gens réapprennent à sortir la nuit en famille. Le nouveau contexte que traverse la wilaya encouragent les citoyens à se balader en famille et je pense que c’est important de continuer dans cette belle dynamique qui ne fera que du bien à la région  » a réagi Ali, un quadragénaire, à la vue de l’ambiance qui régnait en ville. Lui comme de nombreux autres citoyens, est venu de la région de Béni Douala, il nous confie que l’ambiance est pratiquement similaire  » la circulation sur le CW 100 est semblable à celle de la journée.  » fait- il remarquer. L’afflux est tellement important qu’on arrive difficilement à se frayer un  » petit  » chemin au niveau de la grande rue de Tizi Ouzou. Prise d’assaut, cette dernière semble, majestueusement, revivre de l’angoisse qui la caractérise pendant la journée.

À la recherche de l’évasion et de la fraîcheur

Il faisait, en ce jeudi, un temps clément. La fraîcheur qui souffle sur la ville en cette soirée exhorte les récalcitrants à tenter la ballade. Des grappes de familles s’agglutinent devant un commerçant de glace  » après une journée particulièrement éprouvante, tout le monde cherche à décompresser. Cette année, je remarque que les familles sortent en nombre, c’est très encourageant et ça donne une saveur particulière aux soirées ramadanesques », nous dit un commerçant du centre- ville tout, reconvertis le temps d’un Ramadhan, en vendeur de glace, heureux de pouvoir bénéficier d’un profit considérable du fait de la demande importante. Pour Karim, un jeune attablé avec ses copain sur la terrasse d’une cafétéria de la rue de la paix, ce Ramadhan est particulier  » la chaleur ne laisse personne indifférents. On sort pour s’offrir un bol d’oxygène et pour oublier le calvaire de la journée. Nous profitons donc de la soirée pour décompresser.  » Dira notre interlocuteur. Il faut dire que la recherche de l’évasion différe d’un endroit à un autre. Mohamed, père de famille, dit qu’il n’a pas un endroit particulier. accompagner de ses deux filles, il confie qu’on quittant son domicile, il ne se fixe pas une destination particulière  » je préfère marcher et scruter du regard les différents étalages. L’essentiel est de respirer du bon air et se libérer du joug de la chaleur qui empoisonne nos journées. au premier jour, nous avons opté pour une virée au théâtre. Je dois dire, cependant, que les espaces dédiés aux familles se comptent sur les doigts d’unemain. C’est malheureux de constater qu’hormis la Maison de la culture et le Théâtre communal, peu sont les endroits où je peux me rendre en famille pour profiter de la soirée ». Ce constat est partagé par Malik, un enseignant qui s’apprêtait à rejoindre la grande salle des spectacles de la Maison de la culture pour suivre le gala de Si Lekhal  » je regrette le fait qu’il n’ait pas beaucoup d’espace où on peut s’y rendre en famille. Nous n’avons pas trop le choix, marcher où venir ici profiter du programme des spectacles « .

Du beau monde dans la rue…

C’est bien une logique qui s’inverse. Paradoxalement, c’est la nuit qui permet à Tizi Ouzou de retrouver toute sa verve. les familles se réapproprient, le temps d’une soirée, la rue, celle-ci, comme par enchantement , retrouve sa verve et affiche une image des plus joyeuses. Le constat est pratiquement le même aux quatre coins de la ville des Genêts. C’est le cas de le dire pour le boulevard Krim-Belkacem longeant l’université de Tizi Ouzou . En face de la cité des 600 logements où un tournoi de pétanque se déroule à l’initiative des jeunes du quartier, une immense foule s’empare des trottoirs après la rupture du f’tour. Nous sortons en famille pour reprendre le souffle. Nous prenons “le temps de savourer une glace, marcher en ville me donne du plaisir  » nous dit Samia, une jeune rencontrée à l’entrée de la foire ouverte du côté du boulevard Amyoud. Il est 22h passés de quelques minutes, ce boulevard est pris dans une folle ambiance. Des cafeteria qui, l’espace d’un mois,  » bouffent  » les trottoirs en y installant des tables, offrent aux citoyens des espaces de détentes. C’est ici justement qu’ils peuvent s’adonner à leurs jeux préférés  » nous n’avons pas le choix. Certains endroits privés affichent des prix d’entrée exorbitants, je préfère donc veiller avec mes copains ici au café en jouant toute la nuit aux Dominos. Je rentre à 4h du matin et je ne me réveille que tard dans l’après- midi  » dira l’un de jeunes attablé dans un café aux quartiers des Genêts , une façon à lui de confirmer ce changement de mode de vie qu’adopte la ville de Tizi Ouzou durant le mois de Ramadhan. L’ambiance est pratiquement la même à la Nouvelle-Ville des Genêts. Le centre Islamique, en plein travaux d’aménagement, accueille des centaines de fidèles pour la prière des Tarawihs, entre tradition religieuse de ce mois sacré. La route longeant la mosquée de la nouvelle ville est constamment bloquée du fait du nombre de véhicules mais aussi du stationnement anarchique qui caractérise ce tronçon. Cependant, si en ville les citoyens ont  » relativement  » le choix en matière de loisirs, ce n’est fort malheureusement, pas le cas de la nouvelle ville qui, de l’avis des personnes interrogées par nos soins, souffre le martyre d’un manque criard en infrastructures culturelles  » nous n’avons pas où aller. C’est une aberration, regardez toutes ces familles qui déambulent dans la rue à défaut d’un espace familial qui pouvait les accueillir. les autorités doivent réfléchir à doter cette contrée de structure à même de booster la vie culturelle  » souligne Ali, la trentaine. Ce dernier relève la contrainte du transport urbain  » les stations de fourgons ne fonctionnent pas pendant la nuit,ce qui empêche de nombreux citoyens des villages de faire le déplacement en ville. C’est aberrant. La direction des transports doit mettre en place un dispositif pour garantir aux citoyens un service minimum ».

Musique, théâtre et jeux au menu

Au niveau de la placette publique jouxtant l’ancienne mairie de Tizi Ouzou, des citoyens, en petits groupes, sirotent du thé servi par des jeunes vendeurs qui donnent à l’endroit une ambiance particulière ; un vieil homme regrette même le fait que les autorités n’aient pas prévu une quelconque activité sur l’esplanade “des soirées artistiques organisées ici (place de l’ancienne mairie ), auraient pu donner encore plus de joie à la ville», déplore notre interlocuteur. A quelques pas de là une représentation théâtrale d’un jeune oranais accueillait un public moyen mais très séduit par la prestation de l’artiste  » les gens commencent à reprendre l’habitude de suivre une pièce théâtrale. Il faut encourager cette dynamique qui offrira à la wilaya d’autres perspectives sur le plan culturel», déclare Madjid, rencontré à la sortie du Théâtre communal Kateb-Yacine. Au niveau de la maison de la culture Mouloud Mammeri,, l’ambiance est un plus animée avec un spectacle donné par Si Lekhal. A l’intérieur de la salle des spectacles, les mélodies du jeune artiste de Maâtkas n’ont pas manquées d’égayer l’assistance. 2h du matin, Tizi ne dormira pas de si tôt, les citoyens restés dehors semblent vouloir retarder l’arrivée du jour, eux qui savent que la lueur du matin emportera le plaisir d’une fraîche et belle soirée pour partir, de nouveau, résister contre la chaleur et le… jeûne !

Omar Zeghni

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