Ce qu’Ankara attend d’Alger

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L’Algérie continuera à alimenter la Turquie en gaz naturel liquéfié pour les cinq prochaines années. Les relations algéro-turques se sont consolidées davantage sur les plans économique et commercial, à la faveur de la venue, avant-hier, du Président turc à Alger.

La visite de deux jours qu’a effectuée Recep Tayyip Erdogan, sur invitation d’Abdelmadjid Tebboune, pour dissiper les nuages qui commençaient à assombrir le climat sécuritaire dans la région du Maghreb après le vote du Parlement turc de l’envoi de contingents militaires en Libye, aura ainsi permis d’apaiser la tension sur le plan diplomatique. Un contexte qui aura, par ailleurs, permis aux deux pays de raffermir leurs relations économiques et commerciales desquelles tirent profit les deux parties. Si la Turquie veut rester sur sa stratégie de faire de l’Algérie un «partenaire de haute facture» dans la région du Maghreb et en Afrique afin de garantir sa part de ce vaste marché à grande consommation, l’Algérie, elle, tend à préserver son meilleur marché des produits énergétiques dans l’Europe centrale.

Avec les 38% des parts du marché énergétique turc que détient l’Algérie, les contrats et mémorandum, signés dimanche entre les hommes d’affaires des deux pays, devraient consolider ce partenariat gagnant pour les deux parties. Bien que la Turquie soit un pourvoyeur d’IDE et de mains d’œuvres vers l’Algérie, notre pays semble, néanmoins, trouver des difficultés à garantir la balance commerciale avec Ankara qui compte élever la facture des échanges commerciaux à 5 milliards de dollars. Un niveau qui placera la Turquie dans la liste des cinq meilleurs partenaires commerciaux de l’Algérie. Aussi, avec ce niveau d’échanges, c’est l’Italie qui va devoir céder sa place, son niveau d’échange avec l’Algérie étant pratiquement le même depuis plusieurs années. Qu’à cela ne tienne, la politique expansionniste turque sur les plans économique et commercial devrait profiter à notre pays, car Ankara reste l’un des plus grands marchés de produits agricoles non transformés. Les clashs et embrouilles entre Moscou et Ankara devraient également bénéficier au commerce des produits énergétiques algériens qui continuent d’avoir la cote dans ce grand pays eurasiatique. Le renouvellement du contrat de livraison du GNL, signé avant-hier, permettra à l’Algérie d’entretenir son commerce dans ce pays.

«Nous avons signé un renouvellement de contrat permettant à l’Algérie d’approvisionner la Turquie en gaz naturel liquéfié (GNL) jusqu’à 2024», a indiqué le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab, en marge du Forum d’affaires algéro-turc, tenu dimanche à Alger. Pour le ministre, cet accord permettra de renforcer les relations entre les deux pays dans le domaine énergétique, rappelant que l’Algérie détenait déjà 38% du marché turc de GPL. L’Algérie, via son groupe pétrolier Sonatrach, détient également un projet de réalisation du complexe pétrochimique de production de propylène et de polypropylène (PDH-PP), dans la ville d’Adana en Turquie. Les travaux devraient être entamés durant le premier semestre de 2020. Le projet, dont l’investissement est estimé à 1,4 milliard de dollars, est détenu à hauteur de 66% par la société turque Renaissance et 34% par l’entreprise nationale Sonatrach, a rappelé Mohamed Arkab.

Vers la création d’une zone de libre-échange

Recep Tayyip Erdogan a été accompagné d’une très forte délégation d’hommes d’affaires qui se sont réunis avec leurs homologues algériens, sous la coprésidence d’Erdogane et du Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, dans le cadre du Forum d’affaires algéro-turc. Très peu actif par le passé, le FAT compte donner «une nouvelle dynamique aux relations entre l’Algérie et la Turquie, et poser les fondements d’une nouvelle ère dans le domaine de la coopération économique et commerciale», a indiqué le Président turc. Estimant insuffisante la valeur des échanges commerciaux entre les deux pays, qui s’élève à moins de 4 milliards de dollars, Erdogan a précisé «avoir convenu avec le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, de porter très bientôt les échanges commerciaux entre les deux pays à cinq (5) milliards de dollars». Il a appelé, à cet effet, à la création «dans les plus brefs délais», d’une zone de libre-échange entre l’Algérie et la Turquie, faisant état de plusieurs mesures devant être prises «rapidement» dans ce sens.

Le Président turc a également affirmé que son pays aspirait à la réalisation d’importants investissements avec l’Algérie, relevant que les deux pays ont décidé de tenir une réunion du comité mixte de coopération économique qui ne s’est pas réuni depuis 2002. Conscient que l’élévation des relations économiques entre les deux pays passe inéluctablement par la facilitation de la libre circulation des personnes, Erdogan a promis d’augmenter le nombre de visas à accorder aux Algériens, souhaitant que l’Algérie fasse de même. «La facilitation de la mobilité des personnes entre les deux pays et l’augmentation du nombre de visas accordés permettront aussi de hisser le niveau de coopération bilatérale», a-t-il assuré. «Contrairement aux autres pays, nous ne considérons pas l’Algérie comme un marché pour écouler nos produits, mais nous aspirons aussi à la réalisation d’importants investissements», a-t-il encore dit. Le Président turc a, en outre, affirmé que «l’Algérie occupe la troisième place en termes de présence des entreprises turques de par le monde». Et d’avouer que «l’Algérie est le plus important accès sur le Maghreb et l’Afrique, et la Turquie compte sur elle pour la réussite du prochain sommet Turquie-Afrique».

Pour sa part, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a affirmé que «le gouvernement algérien veillera à encourager la coopération bilatérale et à faire de l’investissement et des investisseurs une base solide dans sa coopération avec la Turquie, pays frère». Djerad fera appel aux hommes d’affaires, présents en force au Forum, à investir dans les secteurs prioritaires en Algérie, se disant convaincu que ces secteurs «intéresseront les hommes d’affaires turcs et l’industrie turque en général». Il citera notamment les industries légères, les nouvelles technologies, les start-up, l’agriculture, l’hydraulique et le tourisme. Djerad a fait état de l’ouverture «d’un grand atelier» algéro-turc qui sera consacré à la mise en place d’«un nouvel encadrement» des relations commerciales bilatérales, dans le cadre d’un mécanisme à même de revoir à la hausse le volume d’échange, au mieux des intérêts des deux pays.

M. A. T.

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