En quête de prise en charge !

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La wilaya de Bouira détient un patrimoine matériel très riche datant de différentes époques et qui témoigne du passage de plusieurs civilisations dans la région.

De l’époque protohistorique jusqu’à l’époque coloniale, des vestiges de différentes cultures parsèment le territoire. Toutefois, si pour certains sites des recherches ont été réalisées et des travaux de restaurations entamés, les monuments constituants le patrimoine historique ne sont pas tous logés à la même enseigne. De l’époque protohistorique, une stèle de la période libyque a été découverte dans la région de Saharidj lors des travaux d’AEP. Une stèle qui renseigne sur le passé des Berbères, civilisation antérieure aux phéniciens et qui se présente sous la forme d’une dalle, au contour irrégulier, se composant de figurines et de caractères libyques.

Un patrimoine qui se trouve aujourd’hui exposé au niveau de la bibliothèque de cette commune de haute montagne, selon les services de la culture. De l’époque antique et datant de l’époque romaine, les stèles et inscriptions de la ville de Sour El Ghozlane font désormais partie du patrimoine culturel national éparpillées dans cette ville. Une bonne partie de ces blocs de pierres taillées et sculptées est désormais regroupée dans le jardin d’Isely de la ville. Ce sont des stèles avec inscriptions ou dessins, réalisées sur des blocs de pierres, mais on retrouve également des stèles funéraires, remémoratives, votives et impériales.

Le tombeau de Takfarinas serait, en fait, la tombe d’un chef militaire romain

À Ghorfat Ouled Slama, dans la commune d’El Hakimia, se trouve le mausolée romain situé à 11 kilomètres au Sud-est de la ville de Sour El Ghozlane. Longtemps considéré comme le tombeau de Takfarinas, les services de la culture en charge de ce patrimoine ainsi que les archéologues, ayant effectués des fouilles sur le site, sont parvenus à une autre conclusion. Il s’agirait, selon les experts, d’un tombeau romain avec la présence d’une inscription au sommet de la façade datant de l’an 439 après Jésus-Christ, à la mémoire du père et de la mère de Gargillus Martialis, chef militaire d’Auzia.

De forme carré de 5X5 mètres, il est construit en pierres taillées avec le système constructif connu par «Quadratum». Le mausolée en question est composé de trois corps superposés. Le site antique de Tachachit, situé dans la commune de Bechloul, se trouve à proximité de la localité Crête-Rouge, à 4 kilomètres au nord de Bechloul, et remonte à la période romaine d’après la carte de Stéphane Gsell, archéologue français, élaborée depuis plus d’un siècle. Ce site était une ferme fortifiée ou un petit fort destiné à la sécurité de la route qui desservait la vallée pour rejoindre Auzia, ex-Sour El Ghozlane. Les ruines visibles aujourd’hui se composent d’une structure primaire où l’on retrouve des soubassements ainsi que d’une deuxième structure avec des traces apparentes en forme de U.

On peut apercevoir, également, des restes de fondations avec des rangées de pierres formant un corridor. Le site contient aussi plusieurs traces de murs, construits avec des pierres. Par ailleurs, il se trouve dans ce site une très belle mosaïque extrêmement bien conservée dans la maison d’un des propriétaires du site. Cette mosaïque polychrome de couleur noir et bleu remonte au 1er siècle de notre ère. Des vestiges de poteries, d’un four, de pierres taillées, le reste de ce qui ressemble à une huilerie ainsi qu’un réservoir d’eau ont été retrouvés sur le site de Tachachit.

L’époque ottomane a laissé des traces

Durant plus de trois siècles, les Ottomans ont érigé leurs propres constructions et ont laissé des traces qui marquent leurs passages dans la région avec le plus célèbre d’entre eux à Bouira, le Fort de Hamza ainsi que plusieurs mosquées miraculeusement préservées. Le fort turc de Bouira, dénommé Bordj Hamza, a été construit au 16e siècle pour la surveillance et le contrôle du territoire de l’Est suite à l’implantation de plusieurs fortifications. Ce fort turc de forme carré s’étend sur une superficie de 1 674 m2 en présentant des saillies angulaires au centre de chaque façade, ce qui lui donne l’aspect et la configuration d’une étoile.

À Bordj Okhriss, le fort de Bordj est également un autre édifice militaire de l’époque ottomane et témoigne de la grandeur de cette civilisation et de sa suprématie. Ce fort a subi de grandes modifications durant l’époque coloniale, partiellement détruit puis reconstruit par les Français en 1858. De forme quadrangulaire, la porte principale donne sur une cour donnant elle-même sur des chambres rectangulaires. Mais les Ottomans ont surtout marqué leur présence avec des édifices religieux.

C’est le cas de la mosquée d’Ath Ivrahim de M’Chedallah qui a été construite au cours de l’époque ottomane en 1652 puis rénovée en 1710. Il s’agit de la plus ancienne mosquée de la région et sa superficie immense pour l’époque est de 274 m2 et la construction est composée de deux niveaux. Autre édifice religieux est la mosquée El Atik Si Hamidou de Sour El Ghozlane qui a été construite en 1753. De forme rectangulaire, elle ne garde aujourd’hui que «El Mihrab» qui ressort de sa façade principale, ainsi que deux fenêtres en forme d’arc. Elle s’étend sur quelque 135 m² sur les quelque 4 hectares composant ses ruines. Dans la daïra de M’Chedallah, c’est la mosquée de Béni Oulbane de Saharidj qui subsiste de cette époque.

Construite en 1817 par les villageois, ces derniers ont dépêché pour sa construction un maçon qualifié d’Andalousie afin d’avoir le même aspect que la mosquée d’Ath Ivrahim. De forme rectangulaire, elle s’étend sur une superficie de 117 m² et est composée également de deux niveaux. La mosquée d’Ath Hamad de Saharidj a été construite entre 1820 et 1821 par les villageois et a joué un grand rôle religieux et social à travers les siècles. Composée d’une seule grande salle de prière de 40 m² réservée aussi à l’apprentissage du Coran, la mosquée a été rénovée en 1928 par les villageois mais vu son état de vétusté, elle a dû fermer ses portes en 1990.

Des vestiges ottomans défigurés par l’époque coloniale

La muraille et les portes de la ville de Sour El Ghozlane ont été défigurées par l’armée coloniale voulant la fortifier. Ainsi, de 1846 à 1862, le génie militaire français a fait construire autour de la ville d’Aumale un mur d’enceinte sur certaines traces de la muraille antique qui était de forme ovoïde. Cette muraille a été relevée par le génie en 1847. D’une longueur de 3 kilomètres avec une hauteur variant entre 5 et 10 mètres et d’une épaisseur de 70 cm, elle est dotée de meurtrières en pierres de taille comportant 17 bastions, cinq portes dont quatre monumentales en pierre de taille.

La caserne de la ville de Sour El Ghozlane est un édifice militaire situé au cœur de la ville et ancien centre de torture durant la période coloniale. La caserne est composée du quartier de la cavalerie, quartier de l’infanterie, magasins et bureaux du génie ainsi que de son immense place d’armes. Dans la région de Mesdour, le principal vestige colonial demeurant est la tour de signal, un édifice militaire qui se situe au village Anan et qui a été bâti au tout début de la colonisation par les Français qui voulaient surveiller les habitants de la localité. La tour est composée de deux chambres de surveillance et d’une cour. Idem pour le fort d’Ath Mansour qui a été réalisé en 1851 sur les traces d’une fortification ottomane et qui a été occupé par l’armée coloniale comme centre de surveillance. De forme rectangulaire, le fort s’étend sur 8 500 m² et comporte plusieurs annexes et habitations.

Certains biens culturels immobiliers protégés, d’autres toujours pas

Dans le cadre de la protection et la préservation du patrimoine culturel selon la loi 98/04 du 15/06/1998 relative à la protection du patrimoine culturel, les biens culturels peuvent être classés au niveau national après avis de la commission nationale des biens culturels ou bien inscrits sur la liste de l’inventaire supplémentaire après avis de la commission de wilayas des biens culturels. C’est ce qu’indique Mme Elmoulhim, chef de service du patrimoine de la direction de la culture de Bouira. Un service qui a listé plusieurs des biens culturels classés au niveau national à l’exemple des épigraphes, inscriptions et fragments antiques de Sour El Ghozlane qui ont été validés par la commission nationale dès 1967. Le site archéologique romain de Ghorfat Ouled Salama a été classé lui en 2007.

D’autres biens culturels ont reçu l’approbation de la commission de wilaya pour figurer sur la liste de l’inventaire supplémentaire comme l’édifice militaire de l’époque coloniale, la muraille et les portes de Sour El Ghozlane, le fort turc de Bouira, le fort turc de Bordj Okhriss, le bordj d’Ath Mansour, l’aqueduc de Sour El Ghozlane, la stèle libyque de Saharidj, la tour signal de Mesdour, la mosquée El Atik Si Hamidou de Sour El Ghozlane, la caserne et la place d’arme de Sour El Ghozlane, la mosquée d’Ath Ivrahim, la mosquée d’Ath Hamad, la mosquée d’Ath Oualbane, le site antique de Tachachit. Le service du patrimoine de la direction de la culture de la wilaya de Bouira a, toutefois, lancé plusieurs opérations pour sauver certains édifices. C’est le cas avec le projet d’étude de restauration, d’aménagement et de réhabilitation de la mosquée El Atik de Sour El Ghozlane. Cette mosquée dénommée Si Hamidou est un édifice religieux de la période ottomane qui a subi plusieurs transformations et dégradations au fil du temps. Il n’en demeure que le Mihrab et la forme architecturale des fenêtres. Une opération d’étude de restauration a été inscrite en février 2013 et l’étude a été entamée en novembre de la même année pour un délai de réalisation de trois mois.

Malheureusement, l’opération a été aussitôt arrêtée à cause des familles qui occupent les lieux. La mosquée d’Ath Ivrahim, bâtie en 1652, a bénéficié également d’une étude de restauration, d’aménagement et de réhabilitation qui a été inscrite en février 2013 et dont les travaux ont été lancés en février 2014 pour une durée de quatre mois. Toujours sur le volet restauration, la muraille de la ville de Sour El Ghozlane ainsi que les trois portes construites en pierre de taille ont bénéficié de l’inscription d’une opération de restauration pour sa prise en charge en 2006. En 2007, les travaux de l’étude ont été lancés pour une durée de treize mois. Des travaux d’urgence ont été entamés en 2008 et ont duré sept mois. C’est en décembre 2015 qu’ont été réceptionnés les travaux de restauration sauf pour les portes construites en pierre de taille qui sont toujours squattées par des habitants de la ville de Sour El Ghozlane.

Restauration et aménagement de Ghorfet Ouled Salama

Le mausolée des Ouled Salama est un monument funéraire de la période romaine pour lequel une opération a été inscrite en 2006 pour sa restauration et son aménagement. Une étude a été lancée en avril 2008 pour un délai de 120 jours. Au cours de l’étude, des prospections ont été faites par une équipe d’archéologues du ministère de la Culture en octobre 2008, puis une deuxième prospection en septembre 2009. Des travaux d’urgence ont été lancés pour la réalisation d’un mur de clôture en juin 2009 mais la restauration du monument se fait toujours attendre. Les entreprises contactées auraient toutes émis des réserves pour travailler dans un cimetière. Le fort turc de Bouira, édifice militaire de la période ottomane, s’étend lui sur une superficie de 1.674 m2. Il a été construit pendant la deuxième moitié du 16e siècle pour la surveillance et le contrôle du territoire de l’Est.

Le fort a été occupé pendant une longue période par des familles qui ont largement contribué à sa dégradation. Toutefois, la direction de la culture de Bouira a appuyé la décision de déloger les indus occupants et ce n’est qu’en 2006 qu’une opération de restauration a été inscrite pour la prise en charge du monument. L’édifice a finalement été réceptionné, entièrement restauré, le 17 février 2013. Il n’en demeure pas moins que plusieurs sites archéologiques attendent un éventuel sursaut des pouvoirs publics pour prendre en charge ce patrimoine millénaire qui subit les assauts du temps et des pillages en toute impunité.

Hafidh Bessaoudi

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